Universités : Solidaires étudiant-e-s, une étoile est née




Les 25, 26 et 27 janvier s’est tenu le congrès de fondation d’un nouveau syndicat étudiant de lutte, Solidaires étudiant-e-s, rassemblant Sud-Étudiant, la Fédération syndicale étudiante (FSE) et des syndicats locaux non-fédérés. Retour sur un week-end animé, aboutissement d’une longue histoire.

L’unification du syndicalisme étudiant de lutte faisait figure de serpent de mer : toujours discutée, jamais achevée. Depuis la fin janvier, c’est fait. Une nouvelle organisation issue de Sud-Étudiant, de la FSE et de syndicats locaux est née. Son nom : Solidaires étudiant-e-s, syndicats de luttes.

Tout a commencé au début des années 2000. La réunification des deux Unef, en 2001, ne rassemble pas l’ensemble du syndicalisme étudiant. Depuis 1995, il existe des syndicats Sud dans le milieu étudiant, qui se fédèrent en 1999 au sein de Sud-Étudiant. La nouvelle Unef aligne ses positions sur celles de l’ancienne Unef-ID (Indépendante et démocratique) : cogestionnaire, centralisée, bureaucratique. Des sections de l’ancienne Unef dite « SE » (Solidarité étudiante) refusent de renoncer à leur ancrage dans les luttes, et créent la FSE. Le point commun de Sud-Étudiant et de la FSE ?

Dix ans de division

L’option du syndicalisme de lutte qui, sans renoncer à l’aide concrète et quotidienne des étudiantes et des étudiants, considère que la stratégie la plus payante est celle des luttes auto-organisées. Très vite les deux syndicats travaillent ensemble. Ils restent néanmoins divisés. Dans un milieu très peu syndiqué (autour de 1 % des étudiants le sont), c’est une faiblesse criante. La FSE lance fin 2005 un premier appel pour l’unification. Ce dernier prend tout son sens avec le mouvement de 2006 contre la loi dite « pour l’égalité des chances », incluant le Contrat première embauche (CPE). Au cœur de ce mouvement massif, la plupart des militants et militantes Sud-Étudiant et FSE défendent les mêmes principes : auto-organisation des luttes, primat des assemblées générales et des coordinations comme instances décisionnelles du mouvement, souci d’aller avec la majorité des étudiantes et des étudiantes vers une radicalisation des actions et des revendications, convergence avec les salarié-e-s.

Qu’est-ce qui empêche alors une fusion ? Des questions de principes, de vocabulaire, de culture syndicale, qui ne se traduisent pas toujours dans les pratiques, largement similaires. Pendant plusieurs années, plusieurs réunions se tiennent, qui n’aboutissent à rien de concret, si ce n’est de mieux se connaître.

Trois jours de débats

Deux rencontres ont lieu en 2008. Mais le processus est surtout relancé en novembre 2009, lors du VIe congrès de Sud-Étudiant. On change alors la méthode : non pas faire de grandes rencontres nationales pour décortiquer les principes, mais travailler ensemble, avec des campagnes communes et des moments de formation, pour identifier à partir de là les divergences et les convergences réelles. En juin 2011, des syndicats et sections des deux organisations proposent d’en tirer le bilan : fixer une date de congrès de fusion, dans un délai limité. Elles convainquent progressivement une majorité de militantes et de militants.

C’est donc un processus de longue haleine qu’ont parachevé les 80 mandaté-e-s représentant 26 syndicats de toute la France, issus de Sud-Étudiant, de la FSE, de syndicats locaux comme le Syndicat interprofessionnel des travailleurs en formation (SITF) de l’Institut régional du travail social (IRTS) de Rennes, ou encore l’Association multiculturelle des étudiants de Besançon. Ils ont mis à profit ces trois jours pour poser les bases d’une nouvelle organisation résolument tournée vers les luttes.

Son fonctionnement est l’un des points qui a fait le plus débat. Le syndicalisme de lutte s’est construit contre des organisations pyramidales et centralistes. Certains plaidaient donc pour une structuration souple. Simple réseau ou véritable fédération autogérée ? Les échanges ont abouti à la mise en place d’un secrétariat fédéral, ainsi que de groupes de travail et de commissions. Ils se mettront au travail au plus vite, sur des sujets centraux tels que les étudiantes et les étudiants étrangers, les doctorantes et les doctorants actuellement en lutte contre la précarité dans l’enseignement supérieur et la recherche, ou l’analyse de la nouvelle loi que le gouvernement prépare pour ce secteur. La nouvelle organisation reste structurée sous la forme d’une fédération permettant d’assurer la coordination et en même temps l’autonomie des syndicats sur le terrain.

Dans les facs et au-delà

Dans un contexte difficile de reflux des luttes après plusieurs défaites, cette nouvelle organisation donne un élan nouveau et devra faire face à des défis importants : ancrer une pratique syndicale de terrain dans les universités, mais aussi élargir ses champs d’intervention. La question du champ de syndicalisation fut un autre débat central. Considérant les étudiantes et les étudiants comme des travailleuses et des travailleurs en formation, Solidaires étudiant-e-s souhaite sortir du pré carré des universités pour organiser l’ensemble de ces derniers, que ce soit dans les instituts universitaires de technologie, les IRTS, les instituts de formation en soins infirmiers, les écoles, les formations en alternance, etc. Une vaste tâche qui sera menée en lien avec les syndicats de Solidaires des secteurs concernés.

Car la nouvelle organisation a largement validé son adhésion à Solidaires, marquant ainsi une volonté de pratiquer un syndicalisme interprofessionnel. Sa première apparition publique s’est d’ailleurs faite à l’occasion de la manifestation parisienne des boîtes en lutte du 29 janvier.

Il y aura fort à faire pour défendre les intérêts des étudiantes et des étudiants, face aux attaques de l’État et du patronat contre l’enseignement. La nouvelle loi qui se dessine pour l’enseignement supérieur, dans la lignée des précédentes réformes, et les accords sur la compétitivité du marché du travail, seront au centre des travaux de la nouvelle organisation.

Une organisation à construire

Solidaires étudiant-e-s a adopté une charte exprimant ses positions fondamentales, qui doit permettre à tous les étudiants et les étudiantes qui s’y reconnaissent de la rejoindre. La volonté de pratiquer un syndicalisme de transformation sociale qui vise à un changement radical de société y est réaffirmée. Solidaires étudiant-e-s est également attaché à tous les combats émancipateurs comme le féminisme, l’antiracisme ou encore l’écologie.

Mais si la nouvelle organisation ne part pas de zéro et peut s’appuyer sur l’expérience de ses militantes et des militants et sur la logistique des ex-FSE et Sud-Étudiant, il lui reste encore beaucoup à faire tant en termes de structuration interne que d’élaboration de revendications. D’ici là, Solidaires étudiant-e-s devra être à sa place naturelle : sur le terrain au quotidien et dans les luttes.

Aurélien (AL Paris-Sud), Benjamin (AL Nantes) et Julie (AL Paris Nord-Est)

 
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