Ecologie

Urgence sociale et climatique : un « éco-syndicalisme » qui cherche ses marques




Impliqué au cœur des processus de production, le syndicalisme a un rôle majeur à tenir pour lier revendications sociales et écologiques, face à une économie et une crise climatique mondialisée. Mais il doit aussi gérer ses contradictions internes sur le front de l’emploi face à des productions dangereuses ou inutiles.

Plus jamais ça (PJC) est l’alliance inédite des syndicats de lutte  : CGT, FSU, Solidaires, Confédération paysanne, avec les associations combatives du mouvement social et écologique  : Greenpeace, Amis de la Terre, Attac, France Nature Environnement…

Alliance porteuse d’espoirs quoique installée par le haut sans toujours faire l’unanimité à l’intérieur de ses diverses composantes. Si des collectifs départementaux se développent doucement, le Comité de pilotage qui se réunit tous les quinze jours peine à entraîner une dynamique plus forte malgré l’intérêt des deux dossiers majeurs en cours  : Papeterie Chapelle Darblay et Raffinerie de Grandpuits. Ainsi le collectif creusois qui prépare une action sur l’avenir industriel, imagine un travail autour de l’alimentation, de l’agriculture et de la filière bois, peine à convaincre le Comité de pilotage à s’investir pleinement.

Prometteuse, l’alliance est encore fragile. La confiance entre organisations se construit dans la durée. La prépondérance du rôle des syndicats dans la création et l’animation des collectifs locaux via un maillage territorial beaucoup plus développé alimente des craintes d’hégémonie.

L’alliance est encore fragile

La place des organisations politiques qui cherchent à profiter de la dynamique n’est pas vécue de la même façon par les composantes syndicales davantage habituées à faire appel aux politiques que les ONG, plus sourcilleuses quand à leur indépendance et aux récupérations. Les tensions internes dans la CGT autour de cette alliance ne facilitent pas un développement plus rapide et dynamique. Enfin, le lien entre collectifs locaux et le Comité de pilotage n’est toujours pas sérieusement précisé.

De part son implantation, la CGT doit jouer un rôle majeur dans l’animation de cette alliance. D’autant que la CFDT, vient de lancer son « pacte du pouvoir de vivre » avec le Secours catholique et d’autres et va chercher à occuper le terrain sur des bases bien moins radicales. Si la direction confédérale est pleinement engagée, cela ne va pas sans difficultés.

Premièrement, malgré les discours officiels de Macron, la désindustrialisation et les délocalisations se poursuivent. Les syndicats confrontés aux fermetures et licenciements peinent déjà à défendre l’emploi et ont du mal à sortir du schéma productiviste. Par exemple quel syndicat du Livre refusera d’imprimer les catalogues des hyper-marchés même s’il est parfaitement conscient du gaspillage du papier et des dégâts de la publicité. Et quand les multinationales manipulent l’argument écologique pour délocaliser, la confusion est à son comble…

À cela, s’ajoute la crainte spécifique de la CGT EDF sur la question du nucléaire mais aussi des syndicats du secteur de l’énergie. Enfin certaines ambitions personnelles et politiques, nostalgiques des liens avec le PCF du côté des archéos-productivistes, trouvent ici l’occasion de faire feu sur la direction confédérale.

Plus jamais ça (PJC) est l’alliance inédite des syndicats de lutte avec les associations combatives du mouvement social et écologique.

L’éco-syndicalisme en construction

Il semble néanmoins qu’un consensus puisse être trouvé en interne : le récent colloque co-organisé par les trois collectifs confédéraux écologie, industrie et recherche en a posé les bases. Selon ce colloque, la nécessité absolue et vitale de sortir de l’énergie carbonée inclut une part importante de nucléaire dans un mix de mesures (tout en dénonçant les risques accrus par la gestion ultra-libérale de la production  : sous-traitance, perte de savoir-faire, investissement sur la sécurité, prolongation déraisonnable des réacteurs…) et toutes mesures menant à une planification démocratique des besoins pour stopper les productions inutiles et organiser la production de marchandises durables comme redonner leur place aux services publics du transport ou l’indispensable socialisation des moyens de productions sans laquelle nous ne pourrons guère infléchir les décisions.

C’est à l’initiative de la petite tendance intersyndicale anarcho-syndicaliste «  Émancipation  », surtout présente dans la FSU, et de militants de Pour une Écologie populaire et sociale (PEPS)  [1] que s’est tenue le 13 novembre dernier la première réunion d’un réseau éco-syndicaliste dont l’appel  [2] a rapidement été contresigné par une centaine de militantes et militants, en majorité cégétistes.

La quarantaine de participantes, aux diverses attaches syndicales et à la richesse des expériences de terrain ont rapidement convenus, devant l’ampleur du projet et la modestie des moyens humains et financiers présents, qu’il fallait rester humble dans les objectifs immédiats.

Ils ont été précisés ainsi : il s’agit de former un réseau thématique et non une tendance inter-syndicale (encore moins un nouveau syndicat en gestation). Ce réseau doit servir à collecter les informations sur les luttes syndicales à dimension écologistes pour mieux les soutenir. Il doit aussi fournir une base de données et des outils pédagogiques pour aider les militants à débattre et convaincre au sein de leurs propres structures syndicales. Il se propose enfin de reprendre la méthode de l’enquête ouvrière pour aller au devant des travailleurs confrontés à ce type de lutte, en intégrant aussi la question des maladies professionnelles, dimension particulière des combats autour des productions polluantes.

Confrontés à l’existence de l’alliance PJC dont ielles se distinguent par une radicalité bien supérieure, les militantes et militants du réseau éco-syndicaliste ne se positionnent pas en concurrence avec un outil qu’ils jugent trop institutionnel mais en complémentarité et en toute indépendance pour mener des actions à la base. Le décollage réel de ce réseau dépendra de son investissement par des militants disponibles à y accorder l’énergie nécessaire.

Jean-Yves (UCL Limousin)

[1Animée par Patrick Farbiaz, connu entre autres pour être un pilier de la Semaine anticoloniale à Paris.

[2« La planète brûle et la société aussi, appel pour un réseau
éco-syndicaliste
 », 28 octobre 2021, sur le site Confpeps.org.

 
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