VSS au Royaume-Uni : La castration chimique est une fausse solution

Le 22 mai dernier, la Secrétaire d’État à la Justice britannique, Shabana Mahomood, a annoncé qu’elle envisageait de rendre obligatoire la castration chimique pour certains types de délinquants sexuels. Mais de quoi parle-t-on exactement ? Est-ce que de telles pratiques ont déjà cours, quels sont leurs enjeux matériels et quelle grille de lecture portent-elles ?
La castration chimique, nom parfois trompeur, est à distinguer de la castration chirurgicale ou de la stérilisation qui privent un individu de sa capacité à se reproduire. Il s’agit de diminuer fortement sa libido en lui administrant certaines hormones. Le porte-parole de la Secrétaire d’État à la Justice certifie que « les preuves scientifiques sont claires sur le fait que les traitements chimiques sont efficaces pour traiter les délinquants dangereux ». En réalité, très peu de données existent et permettent d’étayer cette affirmation.
Ainsi, bien que plusieurs pays du monde permettent aux tribunaux de condamner pénalement une personne à la castration chimique, leur exemple ne convainc pas. En Europe, c’est le cas par exemple de la Pologne et de l’Estonie qui ont introduit cette possibilité respectivement en 2010 et en 2012. Cela n’a pas empêché le nombre de violences sexistes et sexuelles (VSS) recensées d’augmenter depuis dans ces deux pays. En France, c’est un peu plus subtil : la juridiction peut émettre une injonction de soin lors d’un jugement et faire prescrire une castration chimique par un médecin, avec accord de la personne condamnée... qui s’expose souvent à de la prison en cas de refus. À l’obligation, on préfère la coercition.
Un discours d’État trompeur
Ne nous y trompons pas : le recours à la castration chimique n’est pas motivé par le souhait des États de lutter plus efficacement contre les VSS. Comme le reconnaît la ministre britannique, il s’agit en fait d’un simple prétexte pour permettre la libération sous castration chimique de personnes condamnées à de la prison alors que les centres pénitenciers sont largement surpeuplés.
Mais rien n’est dit, par exemple, sur d’éventuels financements supplémentaires pour l’accompagnement psychologique des condamnés. Comment prétendre limiter les risques de récidive sans offrir de réel suivi des agresseurs sur le long terme ? Enfin, en présentant les agressions sexuelles comme un problème lié à des troubles du désir sexuel, par des individus ayant des pulsions pouvant être guéries à l’aide de la médecine, on propage une grille de lecture individualisante et pathologisante qui passe complètement à côté des raisons structurelles qui permettent ces violences et les encouragent.
Mettre les rapports de domination au cœur de notre analyse permet de se souvenir que ce n’est pas la première fois que le Royaume-Uni prétend pouvoir traiter les « déviants et déviantes » à l’aide de la prise d’hormones. Il a ainsi imposé massivement la castration chimique à des personnes LGBTI durant le XXe siècle, notamment grâce à l’amendement Labouchère de 1885. En criminalisant la « grossière indécence », cette loi a été utilisée pour condamner plus de 65 000 personnes supposées avoir eu des relations homosexuelles, tel le scientifique Alan Turing qui s’est suicidé en 1954 alors qu’on lui administrait des œstrogènes.
Une raison de plus pour que notre empressement à lutter contre les VSS ne nous fasse pas concéder à l’État le pouvoir de s’infiltrer au plus profond de nos intimités, jusqu’à contrôler notre désir sexuel.
Johanna (UCL Finistère)





