Culture

Entretien avec Maryam Madjidi : « J’aime la matière brute du vécu »




L’œuvre de Maryam Madjidi gagne à être connue davantage. C’est pourquoi nous l’avons rencontrée pour parler de préoccupations (école, écriture, engagement) figurant au cœur de ses livres et de son rapport au monde.

Alternative libertaire : L’école occupe une place centrale dans ton roman. Beaucoup d’auteures ont voulu voir surtout dans l’école un moyen d’ascension sociale. Pour que je m’aime encore est plutôt le roman des illusions perdues. Peux-tu expliquer ce parti pris  ?

Maryam Madjidi : Ce n’est pas à proprement parler un «  parti pris  », c’est en fait tout simplement mon vécu et j’ai choisi de le raconter. Je crois en l’école comme moyen d’ascension sociale mais l’illusion perdue du roman repose sur la découverte violente de deux mondes, deux systèmes scolaires qui sont diamétralement opposés  : l’un, la Zep et l’autre, le milieu élitiste parisien, et qui n’ont pas vocation à se rencontrer en dehors des quotas qui permettent à une poignée d’élèves d’accéder à la voie royale.

La réconciliation est au cœur de tes deux romans. Dans quelle mesure une écriture impliquant une confrontation très rugueuse avec le réel constitue un moyen d’y parvenir ?

Je n’écris pas pour me venger de la vie, de mon passé mais au contraire pour me réconcilier avec ce que la vie m’a donné, m’a enlevé, m’a refourgué, m’a volé. Pour cela, je dois creuser le réel, et à travers l’expérience vécue mise à jour par l’écriture, une sorte d’apaisement a lieu. Un apaisement qui est lié à une chose très simple  : la compréhension. En écrivant, je comprends ce que j’ai vécu. Quand il y a compréhension, il y a réconciliation, selon moi.

Tes romans sont davantage autobiographiques que fictionnels. Pourquoi préfères-tu entrer directement dans le réel ?

Parce que je suis quelqu’un de direct et de frontal  ! J’aime la matière brute du vécu et j’aime aussi dévoiler à mon lecteur ma vie non pas dans un délire narcissique ou de mégalomanie mais parce que je sens que j’appartiens à une génération, une époque, un lieu, une classe sociale, une histoire politique qui dépassent ma propre personne, mon petit «  moi  ». Chaque individu incarne quelque chose qui le dépasse et c’est de cela que je parle dans mes romans.

Alors que l’extrême droite est aux portes du pouvoir, on ne voit que rarement les écrivaines s’engager face à ce danger, aux côtés des luttes sociales ou en faveur d’un projet politique. Comment vois-tu et expliques-tu cela ?

Il y a eu des appels d’écrivains et d’artistes à faire barrage à l’extrême droite mais peut-être pas assez. Moi non plus, sur la question de l’élection présidentielle, je ne me suis pas exposée sur la place publique en donnant mon avis.

D’abord, parce qu’on ne me l’a pas demandé et ensuite parce que je ne suis personne pour dire aux autres d’agir de telle façon plutôt qu’une autre. L’engagement d’un écrivain passe par ce qu’il écrit avant toute chose. Ce que je déplore c’est l’absence du collectif, du bien commun, de l’union, nous avons beaucoup de mal à agir ensemble, il y a un individualisme qui finira par nous perdre, si rien ne change.

As-tu d’autres projets d’écriture à venir ?

Oui, je travaille à mon troisième roman ainsi qu’à un autre livre jeunesse.

Propos recueillis par Laurent (UCL Aveyron)

 
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