Archives nationales : Ici, on dépoussière




Plusieurs jours de grève, passés presque totalement inaperçus ? C’était à Paris, aux Archives nationales, en septembre dernier. Un mouvement qui illustre les difficultés éprouvées par les services d’archives en général.

Une fois de plus, les déclarations intempestives de Sarkozy ont mis le feu aux poudres. Comme ses prédécesseurs, le chef de l’État entend créer « son » musée prestigieux, la Maison de l’histoire de France. Et le président a souhaité l’installer à l’hôtel de Soubise, en plein Paris.

Une idée brillante, à un détail près : le bâtiment accueille déjà les fonds des Archives nationales, dont la conservation implique de disposer de l’espace et de moyens matériels adaptés. Or, le musée occuperait un tiers des locaux, et son installation risquerait d’entraver le travail des personnels, de même que le redéploiement des archives, prévu de longue date.

D’autre part, ce projet est emblématique d’une certaine conception de l’histoire. Celle-ci, loin d’être conçue pour ce qu’elle est fondamentalement – une discipline scientifique, ayant pour objet les évolutions sociales – tend à se réduire à un récit de célébration, événementiel et mémoriel, au service d’intérêts politiques. Les quelques indications dont on dispose à propos de l’organisation de la Maison de l’histoire laissent présager du pire à cet égard…

Pressions commerciales

Il faut reconnaître que le contexte actuel ne sourit pas aux services d’archives dans leur ensemble. Le ravage généralisé des politiques publiques a par exemple conduit à la suppression de la Direction des archives de France, dès 2009. Quant aux services d’archives départementales ou municipales, ils ne sont pas épargnés et manquent cruellement de moyens. Toujours en septembre dernier, à l’appel du syndicat SUD, les personnels des archives de Lille avaient ainsi entamé une grève, pour protester contre la saturation du dépôt et leurs conditions de travail déplorables, dans les sous-sols de la mairie. Autre exemple : certains services subissent depuis peu les pressions d’entreprises privées, spécialisées dans la généalogie, et qui tentent de tirer profit du travail des personnels, à des fins purement commerciales.

La casse des services publics s’étend donc aux archives ; mais ce n’est pas tout. Avec la prolifération des discours mémoriels, c’est une vision de plus en plus subjectiviste du passé qui est désormais valorisée : le document archivistique n’a dès lors qu’une importance secondaire, simple illustration d’une mise en scène préalable de l’« histoire ». En fin de compte, les archives souffrent non seulement d’un manque criant de moyens, mais aussi d’une remise en cause de leurs fonctions fondamentales. Personnels et usagers pâtissent directement de ces difficultés. Mais celles-ci renvoient également à des enjeux plus larges. Car si les services fonctionnent mal, et se trouvent réduits à quelques usages commerciaux ou idéologiques, n’est-ce pas le signe d’un renoncement à une compréhension rationnelle et critique de la société et de ses transformations ?

Boris (AL Paris-Sud)

 
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