Numérique

Big Brother : Fliscage partout, justice nulle part




Le projet de loi de finances pour 2020 autorise le ministère de l’Économie et des Finances à aspirer massivement les données des internautes pour soit-disant lutter contre la fraude fiscale. Malgré l’opposition de la CNIL, le texte a été adopté par l’Assemblée nationale.

Fin septembre, le site spécialisé Next INpact a repéré dans le nouveau projet de loi de finances (PLF) une nouveauté inquiétante  : le gouvernement veut autoriser des agents des douanes et du fisc a aspirer massivement les données des internautes stockées sur les réseaux sociaux ou sur les plateformes de ventes en ligne et à exploiter ces données pour simplifier et surtout automatiser «  la lutte contre la fraude fiscale  ». En gros, à partir de vos conversations, de vos contacts ou de vos achats, un algorithme déterminerait s’il y a des chances que vous ayez fraudé le fisc. Finies les enquêtes individuelles par des employées du ministère, fondées sur des soupçons réels  : voici venue l’heure des contrôles du fisc par intelligence artificielle interposée.

La sourde oreille du gouvernement

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a quelques jours plus tard appelé le gouvernement à «  faire preuve d’une grande prudence  » avant de déployer un système «  susceptible de modifier de manière significative le comportement des internautes qui pourraient alors ne plus être en mesure de s’exprimer librement sur les réseaux et plateformes visés  ». Dans le langage policé de la CNIL, ceci correspond en vérité à une opposition forte, à des craintes importantes.

Courant octobre, l’affaire a été médiatisée. Lors des débats à l’Assemblée nationale, certaines députées – de tous bords – se sont opposées à ce dispositif liberticide. Mais comme d’habitude, le gouvernement a fait la sourde oreille et a fait passer son projet en force. À l’heure où nous écrivons cet article, le texte pourrait encore être retoqué par le Sénat (peu probable) ou par le Conseil constitutionnel (un peu plus probable, le Conseil d’État ayant pointé le fait que l’article Big Brother n’a en fait rien à faire dans un PLF, mais pour des raisons qui n’ont donc rien à voir avec la défense des libertés individuelles).
L’UCL, pour sa part, a souligné dans un communiqué fin octobre le fait que «  ces nouvelles mesures d’espionnage de la population ne sont pas là pour s’attaquer aux milliards d’euros d’évasion fiscale du grand patronat  » et que «  cette nouvelle forme de “lutte” contre la fraude fiscale [est] une étape de plus pour, d’un côté, intensifier le contrôle social et, d’un autre côté, casser les services publics en supprimant des postes  ». On peut également rappeler le fait que le ciblage par les intelligences artificielles est tout sauf neutre, car il hérite des biais – racistes, sexistes – des individus qui l’ont codé. Il est donc indispensable de construire une mobilisation populaire, indépendante des élues qui ont encore une fois échoué et déçu, afin de se mobiliser contre ce texte et tous ceux qui le suivront.

Léo (UCL Grand Paris-Sud)

 
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