Dico antiautoritaire : « L’ennemi intérieur »




Chaque mois, un mot ou une expression passée au crible : Qu’est-ce que l’ennemi intérieur ?

En 1969, le militant politique brésilien Carlos Marighella théorise le concept de « Guérilla urbaine » [1] dans un contexte de dictature militaire. Ce concept sera repris par d’autres groupes politiques tels que la RAF en Allemagne ou les Brigades Rouges en Italie.

La guérilla urbaine, c’est l’émeute organisée, durable, devant mener à une guerre civile susceptible de renverser un gouvernement, voire un État. Elle est la principale crainte et le cheval de bataille des forces de l’ordre. Cette peur explique en grande partie le fonctionnement de la machine sécuritaire de nombreux États, dont la France. Ces craintes ont beau ne pas toujours être fondées, la peur du manque de sécurité, instaurée par la classe dirigeante politico-médiatique au sein de la société, rend légitime les politiques policières et sécuritaires. Par la fabrication du mythe d’un « ennemi intérieur », successivement incarné par la gauche révolutionnaire puis par les immigrés, le pouvoir s’est approprié le concept de guérilla urbaine pour légitimer ses méthodes de maintien de l’ordre établi.

Selon M. Rigouste [2], ce concept a entrainé l’application aux quartiers populaires de méthodes venues des expériences militaires de « maintien de la paix » dans les États coloniaux puis post-coloniaux. L’armée française, depuis la guerre d’Algérie, a développé moult théories visant la détection, la prévention et la neutralisation de tout mouvement populaire. Elle a confronté et adapté ces théories à différents conflits internationaux, avant de les mettre en application sur le territoire national au nom du « risque intérieur ». Les gouvernements successifs se sont chargés de les mettre à la disposition de la police, quitte à instaurer un état de « guerre permanente » contre les classes populaires dans les quartiers.

C’est dans ces conditions qu’entre en jeu l’idée de « menace identitaire ». Ainsi les forces de l’ordre répriment de façon paramilitaire (couvre-feu, contrôle d’identités, armes anti-émeutes...) toute tentative d’insurrection populaire contre l’ordre établi.

La guerre d’Algérie n’a jamais vraiment pris fin : elle perdure à travers la répression paramilitaire dans les quartier.

Le 17 octobre 1961, par le massacre des centaines d’Algériennes et Algériens, l’État montra la force de répression dont il était capable. Beaucoup de ces personnes étaient originaires des bidonvilles de Nanterre. En juin 2011, un jeune des quartiers populaires de cette même ville mourait en moto après que la police lui ait tiré dessus au flashball. L’histoire se répète... à nous de la déconstruire.

[1Carlos Marighela, Manuel du Guérillero Urbain, Libertalia, Réédition 2009.

[2M. Rigouste, L’ennemi intérieur, La Découverte, 2009.

 
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