États-Unis : Les communistes libertaires et le phénomène Obama




Guerre en Irak, krach financier, crise immobilière… Autant de maux qui ont fini d’exaspérer la gauche américaine et qui l’ont poussée à soutenir « the lesser evil » (le moindre mal) Barack Obama. Nos camarades de la Nefac rappellent la nécessité d’un « combat de masse indépendant ».

Jetée dans les bras des démocrates par rejet du républicain John McCain, la gauche américaine est passée d’un soutien réservé à l’enthousiasme pour le charismatique candidat Obama. Jeune, métis, opposé à la guerre en Irak, il représente, aux yeux de ces libéraux, écologistes ou socialistes, l’homme du changement pour une Amérique plus juste, moins raciste et en paix. Même s’il « prend la mesure » du large mouvement de soutien à Obama – notamment dans la jeunesse – Wayne Price, de la North Eastern Federation of Anarchist-Communists (Nefac, Fédération anarchiste communiste du Nord Est) exprime toute l’incrédulité des libertaires américains quant au programme démocrate [1]

Une candidature contre le racisme ?

Parmi les ruptures mises en avant par les partisans d’Obama, la plus évidente serait le passage des États-Unis à une société post-raciale, avec son élection à la Maison Blanche. Or pour Wayne Price, l’élection d’un Noir à la tête des États-Unis ne ferait que donner l’illusion d’une société déségrégationnée, et « nous détournerait des véritables problèmes de racisme au États-Unis ».

Un racisme qui est aujourd’hui au fondement même d’une néo-ségrégation : dans l’éducation, par exemple, 70 % des jeunes Noirs et Latinos fréquentent encore des établissements scolaires ségrégués [2] ; de même, ces minorités ethniques sont très largement « ghettoïsées » dans les centres-villes abandonnés des classes moyennes et supérieures.

Obama se refuse pourtant de dénoncer cette situation pour éviter d’effrayer la classe moyenne blanche. Une classe moyenne qu’il peut largement atteindre, même si celle-ci est parfois raciste. Le candidat démocrate échappe en effet, de par sa situation sociale et son parcours universitaire, aux préjugés racistes de l’Afro-Américain pauvre, voyou, non civilisé. La rupture avec son ancien mentor Jeremiah Wright, présenté comme proche du mouvement Black Power, démontre son renoncement au combat pour l’émancipation « des minorités racisées ».

Un impérialisme renouvelé

Le positionnement de Barack Obama, contre la guerre en Irak, apporte beaucoup d’espoir aux militants anti-guerre. Mais, à y regarder de plus près, la proposition du candidat démocrate ne peut satisfaire les anti-impérialistes. Il propose en effet de «  retirer le maximum de troupes possible, mais d’en laisser un nombre important pour assurer la sécurité des ressortissants américains, la formation de l’armée irakienne et la lutte contre Al Qaïda (!) », nous rappelle le camarade de la Nefac.

Les projets du démocrate, pour les pays boucs-émissaires des États-Unis en Amérique du sud, ne peuvent pas non plus laisser croire à un recul de l’impérialisme américain : maintien de l’embargo sur Cuba et de l’isolement politique du Venezuela ; soutien au gouvernement colombien d’Uribe ; augmentation budgétaire du plan Merida, visant au contrôle économique du Mexique dans le cadre de la lutte contre le trafic de drogue… En Amérique latine, la lutte contre l’« axe du mal » (version bolivaro-narco-traficant) ne peut, là non plus, souffrir du retrait des engagements américains.

Quant au programme social et économique d’Obama, Wayne Price se demande bien comment il pourrait être à la hauteur de la crise économique, écologique et énergétique vers laquelle nous fonçons tout droit.

Dans cette perspective, nos camarades de la Nefac invitent les révolutionnaires à mettre leurs moyens et leur énergie dans la construction d’un mouvement social fort et autogéré, et non dans la campagne d’un candidat financée à coup de centaines de millions de dollars par des entreprises privées.

Matthias Piquet (AL Orléans)

[1Voir Wayne Price, « Why I won’t vote for Obama », le 5-03-08 et « My response to Michael Albert : Revolution and the Democratic Party », le 9-08-08, sur www.anarkismo.net

[2Libération, « Obama au-delà des races », par Andrew Diamond, le 28-01-2008.

 
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