Déclaration publique d’Alternative libertaire, le 27 mai 2005

L’« affaire Samuel Morville » n’est pas close




Le mercredi 25 mai se tenait le procès en correctionnelle de notre camarade Samuel Morville, pour « outrage » à un commissaire de police. Au terme de l’audience, Samuel encourt 100 jours-amendes à 5 euros, soit 500 euros. Le verdict sera rendu mercredi 1er juin.
Sur les aspects factuels, les dépêches d’agence ont dit l’essentiel, nous n’y reviendrons pas.

Mais plusieurs points particuliers méritent d’être soulignés :

1°) À l’extérieur : silence, on juge

Contrairement aux usages, la préfecture n’a pas autorisé le rassemblement de soutien en face du Palais de justice, alors que des dizaines de personnes (lycéen-ne-s, parents d’élèves, professeur-e-s, syndicalistes, militant-e-s politiques, etc.) étaient attendues. Le métro Cité a été fermé pour la matinée et un impressionnant dispositif policier avait été mis en place.

Après avoir dispersé un premier rassemblement opéré à l’initiative des militant-e-s d’Alternative libertaire, la police n’a pu empêcher le regroupement spontané des dizaines de personnes qui sont arrivées au fur et à mesure, et ce malgré les intimidations et les discrets coups de matraque. La démonstration de solidarité a donc été la plus forte.

2°) À l’intérieur : un procès clairement politique

Le commissaire Grubis, qui est partie civile dans cette affaire, est le responsable, sous les ordres du préfet de police, qui a suivi tout le mouvement lycéen. Sa proximité avec le pouvoir a été clairement établie quand il s’est lancé dans une analyse qu’il a présentée comme étant « le contexte », et qui en réalité a bien constitué un discours politique classique empruntant à la fameuse et triste imagerie des « meneurs ». Sa longue diatribe politique sur l’extrême gauche et le mouvement montre que l’action judiciaire mise en œuvre est d’abord politique.

Le commissaire Grubis ne s’est d’ailleurs pas privé de faire de longues digressions sur des actions du mouvement lycéen, qui n’avaient pas de rapport avec l’affaire proprement dite. Le comble du ridicule a été atteint lorsqu’il a sorti de sa poche, comme pour produire devant le tribunal une « pièce à conviction » inopinée, un énorme couteau déplié, censé avoir été trouvé « sur le sol, après le passage d’une manifestation lycéenne ». Ce « happening » a suscité les vives protestations de la défense, et l’étonnement dans la salle : comment un plaignant peut-il entrer armé dans un tribunal, alors que chaque membre de l’assistance est préalablement passé à la fouille ? Comment un tribunal peut-il tolérer cela ?

3°) Pour que la violence ne reste pas impunie : une plainte sera déposée

Les humiliations et violences subies par notre camarades durant son interpellation et sa détention sont inadmissibles. Samuel va déposer une plainte à ce sujet.

4°) Les droits de la défense bafoués : Samuel fera appel

Les observations formulées à la barre par Samuel Morville et la plaidoirie de son avocate Irène Terrel ont montré le caractère particulièrement injuste de ce procès. Sentiment d’injustice renforcé par le refus, opposé par le Tribunal, d’entendre deux témoins ; la volonté du procureur et du président de ne pas donner la parole aux témoins de la défense, au mépris du Code de procédure pénale, constitue aussi une violation de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), en ce que les garanties à un procès équitable n’ont pas été respectées.

C’est pourquoi, quel que soit le jugement prononcé le 1er juin, Samuel Morville fera appel, et l’annulation du procès du 25 mai sera demandée. En effet, comme l’explique Agnès Herzog, vice-présidente du Syndicat de la magistrature : « Les procès-verbaux des policiers sont très difficiles à mettre en doute. La seule possibilité est d’apporter des témoignages contredisant le procès-verbal. » [1] En faisant appel, notre camarade refuse donc de laisser se créer un précédent qui serait préjudiciable à l’ensemble des personnes mises en examen pour « outrage », « rébellion » ou « violences » contre des policiers.

5°) Le Parti socialiste contre le mouvement social

Après l’audience, le Parti socialiste, par l’intermédiaire de son porte-parole Julien Dray, a demandé « à ce que ces réquisitions soient suivies par le tribunal », présumant donc de la culpabilité de Samuel Morville, en toute ignorance de ce qui s’est passé durant le procès. C’est une pression inadmissible sur le tribunal.

Une fois de plus le Parti socialiste, à qui l’on n’avait rien demandé, fait la démonstration qu’il est l’ennemi du mouvement social. Il faut dire que la réciproque est valable. Ces dernières années, les dirigeants du PS se sont fait huer, harceler, voire carrément chasser des mobilisations sociales (manifestation des cheminots en novembre 2002, contre-G8 d’Évian en juin 2003, Larzac 2003, Forum social européen de Saint-Denis en novembre 2003…). Le PS tient visiblement à devenir également persona non grata dans les mobilisations lycéennes. Nous lui souhaitons bon courage pour la suite.

6°) L’arbre ne doit pas cacher la forêt

Pour finir, la médiatisation du procès de Samuel Morville ne doit pas avoir pour effet d’occulter les autres procès de lycéens. Il est crucial que chacun et chacune bénéficie de la même mobilisation de solidarité, et nous rappelons pour cela les dates des prochains procès :
 Le 31/05 à 9h00 pour Salah, Adrien, Antoine et Aurélien, devant le TGI de Paris ;
 Le 01/06 heure a confirmer, pour Jean-François, devant le TGI de Pontoise ;
 Le 16/06 à 9h00 pour Isham, devant le TGI de Paris.

Par ailleurs nous rappelons que le « Collectif de soutien aux victimes de la répression du mouvement lycéen » organise une souscription dans laquelle Alternative libertaire a décidé de fondre le produit de sa souscription pour Samuel. De nombreux militants « non encartés » sont inculpés et il serait anormal que ceux-ci subissent plus la répression que les militants appartenant à des organisations politiques.

Nous remercions donc touts les personnes et organisations ayant participé à cette souscription, et appelons à envoyer vos dons de soutien à l’ordre de « CDPE Paris - Souscription Solidarité Lycéens », à l’adresse suivante : FCPE Paris, 14 rue d’Astorg, 75008 Paris.

[1Agnès Herzog, interview à Nouvelobs.com, 25.05.05

 
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