Avril 1999

Le vrai visage des « liens école-entreprises » : Le scandale des « stages » !




Pourquoi faire des stages en entreprise ?

Les stages en entreprise, qui aujourd’hui font figure de dogme dans l’Éducation nationale, n’ont pas toujours existé. Avant 1979, dans les filières techniques et professionnelles, il n’y avait pas de stage en entreprise. On se limitait à des visites sur les lieux de production. Aujourd’hui tout le monde fait des stages, du collège (!) à l’université, on voudrait généraliser le fait d’avoir fait en stage en entreprise pour obtenir un diplôme, comme c’est le cas pour les CAP, BEP, Bac Pro et BTS.

L’idée pouvait sembler intéressante d’un contact approfondi avec le monde du travail, même si l’aspect pédagogique est tout relatif. En effet, d’une entreprise à l’autre, et entre le moment où on effectue son stage, et le moment où on devient salarié, les techniques et les modes d’organisation du travail sont souvent différents. On ne se forme réellement que lorsque l’on est définitivement embauché.

Contre l’arbitraire patronal !

 Un boulot précaire parmi tant d’autres : on sait que depuis 15 ans, le patronat cherche à généraliser le travail précaire, en signant des contrats précaires (CDD, TUC, SIVP, CES, CIE… 70% des contrats signés actuellement sont des contrats précaires) pour fragiliser les contrats stables (CDI), et faire pression sur les salaires. Les stages remplissent trop souvent ce rôle.
 Petits stages et gros bénef : Chaque année, 900.000 élèves de sections techniques et professionnelles effectuent 6 millions de semaines de stages. A cela s’ajoutent 350.000 étudiants qui ont des durées de stages pouvant aller de 6 mois à un an. Fortement intéressant pour le patronat, car ces stages ne sont pas rémunérés (ou maximum à 30% du SMIC). Tout au plus, on reçoit un peu d’argent à la fin du stage (non pas en guise de salaire mais de remerciement !) : visiblement, les demandeurs ne sont pas les payeurs ! Les employeurs ne s’engagent même pas à rembourser les repas, ni les transports ! Ils réalisent alors un de leur rêve : nous faire payer pour travailler ! Tout cela sans compter les exonérations fiscales que les employeurs en retirent. Et quand on pense que pendant ce temps il y a trois millions de chômeurs, ça n’incite guère à les embaucher…
 Pédagogie douteuse : Faute de contrat précis (il s’agit tout au plus d’une « convention » entre le lycée et l’entreprise), c’est l’employeur qui décide de la plupart des conditions du stage. Leur seule contrainte serait de donner au stagiaire du travail en rapport avec ses études ; mais là encore... dans de nombreux cas, on n’apprend rien mais l’entreprise utilise à moindre coût nos compétences pendant un à trois mois. Et les « tuteurs » sont rarement formés pour faire de l’encadrement pédagogique.
 Aucun contrôle n’est possible : Les abus du système sont extrêmement fréquents, mais aucun moyen de contrôle n’existe. Si les jeunes ou les professeurs d’atelier deviennent trop pointilleux, ils ont beaucoup de mal à trouver des entreprises volontaires. De plus, comme les entreprises affectent leur taxe d’apprentissage à qui elles le souhaitent, elles tiennent les administrations des lycées à la gorge, car l’argent de cette taxe est crucial pour doter les ateliers des lycées de matériel de production.

En fin de compte, comme les employeurs embauchent qui ils veulent, ils ont tous les droits... et les cas de racisme deviennent de plus en plus fréquents : si on n’a pas un nom à consonance française, difficile de se faire embaucher !

Pour des stages réellement formateurs

Il faut changer de logique : actuellement, les stages servent surtout aux entreprises, il faut à présent qu’ils soient au service des jeunes ; il faut imposer un cadre contraignant pour les employeurs.
 obligation pour les entreprises d’accueillir des stagiaires, quelle que soit la couleur de leur peau.
 rémunération au moins au SMIC.
 contrôle pédagogique par l’Éducation nationale durant le stage, pour vérifier la qualité de ce qui est appris.

Clash n°4 (avril 1999)
 
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