Migrants tunisiens à Paris : La chasse aux harragas




Révolution ou pas, il n’y a guère d’avenir en Tunisie, à brève échéance, pour tout le monde. Avec la chute de Ben Ali et la désorganisation des fonctions régaliennes de l’Etat, les contrôles maritimes côtiers se sont amoindris. Une aubaine pour tous ces jeunes harragas de tenter, ou de retenter encore une fois pour les plus malchanceux, le grand voyage en mer vers les côtes européennes.

Depuis janvier, ils traversent la Méditerranée sur des bateaux de fortune, entassés les uns contre les autres pendant de longs jours dans l’espoir d’accoster en passant à travers les mailles du filet tissé par les patrouilles européennes de Frontex. Un milliers d’entre eux sont déjà morts de faim ou de soif après avoir dérivé des jours entiers. Le Guardian s’en fait l’écho et la FTCR demande une commission d’enquête sur les disparus à l’Etat tunisien. Dès le 27 février, Nicolas Sarkozy agite l’épouvantail de « l’immigration massive incontrôlable » et, quinze jours plus tard, Marine Le Pen fait le déplacement à Lampedusa, pour enfoncer le clou, à l’occasion du débarquement de quelques centaines de migrants tunisiens. Le ton est donné : il s’agit d’une invasion !

Alors que la France a accueilli 130 000 boat peoples fuyant le Vietnam ou le Cambodge dans les années 1970, alors que le nombre d’étrangers est en baisse depuis ces dernières années sur le territoire français, les 15 000 nouveaux arrivants sont stigmatisés telle une horde mettant en danger l’intégrité du pays.

Contrôles et discriminations

L’Italie, bonne joueuse et roublarde, accorde, début avril, 20 000 visas temporaires aux réfugiés après l’opposition catégorique de la Tunisie au refoulement des réfugiés par bateaux militaires. Mais cela n’empêchera pas les expulsions en charter direction de Tunis pour un certain nombre. Forts de leur titre de séjour provisoire, les réfugiés ont donc le droit de se déplacer librement dans l’espace Schengen. Le gouvernement français n’en a cure et multiplie les contrôles frontaliers arbitraires et discriminatoires entre la France et l’Italie (voir les rapports de l’Anafé et du Gisti) en violation des accords de Schengen qui garantissent la libre circulation dans son espace.

Arrivés à Marseille ou à Paris, ces quelques centaines de migrants font l’objet d’incessants contrôles, d’interpellations, de placements en centre de rétention. Réfugiés dans un immeuble vide du XIXe arrondissement de Paris, début mai, ils seront violemment délogés quelques jours plus tard et occuperont ensuite un gymnase du XIe arrondissement. Quelques places d’hébergement provisoire – de nuit – sont accordées à seulement une partie d’entre eux, avec le risque de rompre la solidarité qui les unit.
A l’heure où le ministre de l’Intérieur déclare « qu’on n’a pas besoin de maçons ni de serveurs étrangers dans la restauration », on peut s’attendre à ce que la lutte soit âpre pour que le droit de circulation et d’installation leur soit reconnu. Pourtant, un de ces fameux accords bilatéraux a été signé entre la Tunisie et la France. Il prévoit l’accueil de 9 000 Tunisiens par an sur le territoire. Et l’année passée, le quota n’a pas été atteint...

 Harraga : mot d’origine arabe qui signifie « qui brûle », très utilisé dans la presse nord-africaine. Ce terme désigne ceux qui brûlent les frontières, leurs papiers et parfois leur vie en prenant la mer depuis l’Afrique du Nord, la Mauritanie, le Sénégal pour rallier Gibraltar, les Iles Canaries, les enclaves Espagnole de Ceuta et Melilla, l’île de Lampedusa ou Malte.

Mathilde (AL 93)

 
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