Pleins Feux : Notre-Dame-des-Landes - L’État au service du capital




Contrairement à sa pantalonnade face aux mouvements des Pigeons, le gouvernement ne semble pas prêt à reculer devant l’opposition au projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Au-delà de l’aéroport en lui-même, deux projets de société s’affrontent depuis 45 ans. Examinons la genèse du projet... et de la lutte qui l’affronte.

Le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes est vieux de 45 ans, et il s’inspire en conséquence d’une vision surannée de l’aménagement du territoire. L’idée de cet aéroport émerge en effet dans le contexte des politiques de décentralisation des années 1960. En 1963, pour lutter contre l’hypercentralisation française, la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (Datar) crée huit métropoles d’équilibre dont Nantes-Saint-Nazaire. Les équiper en infrastructures de transport établit le contrôle territorial de l’État.

Dans les années 1960, l’État justifie sa politique par la théorie des effets structurants. Son principe est : « Les régions dynamiques sont les mieux desservies. Toute amélioration de la desserte d’une région entraînera donc son développement économique ». Les faits ont depuis, contredit cette affirmation, qu’on retrouve dans les arguments des pro-aéroports, puisque les accès autoroutiers de la Meuse du Nord (Verdun) n’ont pas empêché son déclin. Les instances officielles le reconnaissent en indiquant dans un rapport : « Le développement des autoroutes pourrait même avoir des effets pervers, en transformant les régions nouvellement desservies en banlieues des grands centres économiques [1]. »

Un projet vieux de 45 ans...

En 1967, Notre-Dame-des-Landes est choisie pour faire de la métropole Nantes-Saint-Nazaire, un « Rotterdam aérien de l’Europe » en y créant un aéroport international de fret au nord de la Loire, capable d’accueillir le Concorde. En 1974, la zone d’aménagement différé (Zad) est créée, 1 225 hectares que le département commence à acquérir.

En 2000-2001, sous le gouvernement Jospin, le projet revient pour devenir un aéroport international. En 2006-2010, une enquête publique est commandée, la Zad passe à 1 600 hectares. Une déclaration d’utilité publique est adoptée en 2008 alors que 80 % des contributions étaient contre. Sans craindre le conflit d’intérêt, Bernard Hagelsteen, préfet de 2007 à 2011, chapeaute cet exercice de démocratie et travaille chez Vinci Autoroute désormais.

En 2010, l’État signe avec Vinci un contrat de concession de 55 ans, le fameux partenariat public-privé (PPP). Le pantouflage ne s’arrêtant pas au préfet, le président de Vinci Airports depuis 2008, Nicolas Notebaert, en charge de l’exploitation de Notre-Dame-des-Landes, était conseiller du ministre des Transports en 2001, quand le gouvernement PS-Verts avait relancé le projet.

… et 40 ans de résistance

Parallèlement, la résistance s’organise, dans la région nantaise puis partout en France. En 1973, l’Association de défense des exploitants concernés par l’aéroport (Adeca) est créée. Elle est la seule association autorisée à participer au débat mixte et uniquement sur les sujets agricoles. En 2000, l’Association citoyenne intercommunale des populations concernées par l’aéroport (Acipa) voit le jour et rassemble 3 360 adhérents et adhérentes. En 2009, le Comité des élus doutant de la pertinence de l’aéroport (Cedpa) est créé. Il rassemble 1 000 élu-e-s. La même année, le Camp Action Climat rassemble 3 000 personnes, les paysans et paysannes appellent à occuper et cultiver la Zad. S’y installent 150 à 200 personnes.

En 2011, une manifestation à l’aéroport de Nantes-Atlantique – l’aéroport actuel – occasionne une répression policière violente. En 2012, une nouvelle manifestation a lieu à Nantes et rassemble 10 000 personnes. En mai commence une grève de la faim de plusieurs paysans durant la campagne présidentielle. Le 21 juin, des affrontements éclatent devant la mairie de Notre-Dame-des-Landes contre l’ouverture de l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique. Les propriétaires se voient proposer une compensation de 16 centimes par mètre carré, une misère...

Le 16 octobre 2012, le gouvernement lance l’opération César, toujours en cours, visant à expulser par la force les habitants de la Zad et à commencer les travaux avant l’issue des recours juridiques. Hollande trahit ainsi sa promesse de campagne d’attendre la fin des procédures pour réaliser le projet. Cette opération policière a déjà occasionné un coût de trois millions d’euros. À l’heure où l’argent vient, nous dit le gouvernement pour justifier la rigueur, à manquer dans les caisses de l’État, il est sans doute utile de se demander s’il ne pourrait pas être plus judicieusement employé.

Le 17 novembre, 40 000 personnes manifestent à Notre-Dame-des-Landes. Malgré cette mobilisation exceptionnelle de personnes venant de partout en France et de l’étranger, le gouvernement se refuse à la moindre concession.

Devant l’argent, la vérité se tait

Une étude commandée par les élus du Cedpa a démontré que la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes serait un gouffre financier avec un déficit de 90 à 600 millions par an. L’optimisation de l’actuel aéroport permettrait des bénéfices et coûterait 65 millions d’euros. Or l’aéroport actuel de Nantes-Atlantique est loin d’être saturé : il y a 10 à 12 avions par heure alors qu’il pourrait en absorber 35.

Superflu, le nouvel aéroport a cependant le mérite, du point de vue des capitalistes, d’être bien plus juteux financièrement que le réaménagement de l’ancien. Le nouvel aéroport coûterait 561 millions d’euros, Vinci en apporterait 310 et les contributions publiques 246. Dans ce contrat, Vinci a négocié un rendement de 12 % de bénéfices garantis, donc payables par les contribuables. La liaison tram-train (150 millions), les routes, et le coût des émissions de CO2 ne sont pas inclus dans le coût du projet. Aucun dépassement de budget n’a été prévu, mais il faut tabler sur au moins 30 à 35 % de dépassement (80 à 100 millions de plus). Ainsi, les contributions publiques seront en réalité de 400 à 500 millions d’euros.

Ainsi, Jean-Marc Ayrault, dans ses « choix de société, pour répondre aux défis de notre temps », arbitre en faveur des multinationales qui captent l’argent public, endettent la collectivité, socialisent leurs pertes et détruisent l’environnement.

Collectif AL de Nantes

[1Remise en cause de certains choix stratégiques concernant les infrastructures de communication, Rapport de commission d’enquête, 1997-1998.

 
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