Traité simplifié : Faudra-t-il tout recommencer ?




Le « traité simplifié » que l’Union européenne espère adopter début 2009 n’est pas de même nature que la Constitution européenne de 2005, et sa contestation ne pourra pas se faire dans les mêmes termes. La différence entre critique antilibérale et critique anticapitaliste n’en ressortira qu’avec davantage d’acuité.

La Constitution européenne allait-elle revenir par la petite porte ?
Cet été, entre ses vacances sur le yacht de Bolloré et son show libyen, Nicolas Sarkozy a réussi, selon les médias français, à « relancer l’Europe ” dramatiquement “ bloquée » depuis le référendum du 29 avril 2005 qui avait rejeté la Constitution européenne à 56 %. Les dirigeants de l’Union n’avaient tout simplement pas prévu qu’un peuple puisse leur dire "non" ! Comment faire pour contourner la vox populi ? Tout simplement en changeant la nature juridique du texte sans en changer l’optique fondamentale.

Nous aurons donc droit non pas à une ambitieuse "constitution", mais à un simple "traité européen", développement des traités de Rome (1957), Maastricht (1992), Amsterdam (1999) et Nice (2000). Ce changement de statut juridique du texte permettra à certains États, dont la France, de faire l’économie d’un référendum pour le ratifier.

Entre la Constitution et ce traité simplifié, quelles différences ? En premier lieu, la disparition de la partie III, la fameuse partie antisociale du texte, agglomérat de fatwas ultralibérales et d’articles écrits sous la dictée de certains lobbies patronaux, qui a elle seule représentait 72 % du texte.

La partie III disparaît

Habile, Sarkozy a parfaitement compris la nature antilibérale du "non" du 29 avril 2005. En supprimant cette partie, la plus litigieuse, il espère désamorcer une remobilisation des antilibéraux. Les autres chefs d’État n’ont pas vraiment renâclé : les mesures libérales peuvent être édictées par d’autres biais, sans se parer de cette sanctification grandiloquente – et un peu trop voyante – que leur avait conférées la Constitution conçue par Valéry Giscard d’Estaing et Alain Lipietz. Dans le même esprit, Sarkozy a obtenu qu’on efface les références rituelles à la "concurrence libre et non faussée", bien qu’évidemment cela ne change rien à ce qui est l’orientation fondamentale de l’Union européenne depuis ses origines.

En contrepartie, la Grande-Bretagne a tout de même obtenu que la partie II n’ait pas de valeur contraignante sur son territoire. Cette partie II, c’était la "Charte des droits fondamentaux" contre laquelle les mouvements sociaux avaient protesté lors du Sommet de Nice en 2000. Ce soi-disant "volet social de l’UE" était tellement miteux qu’il fixait le droit "plancher" en deçà de presque toutes les législations sociales nationales… Un des seuls pays où le texte aurait pu constituer un point d’appui pour les travailleuses et les travailleurs, sur la question du droit de grève notamment, était justement la Grande-Bretagne ! Mais Londres a obtenu que la charte ne puisse pas être invoquée par les syndicats britanniques devant la Cour européenne de justice.

Quelle contestation ?

Au final, c’est la partie I, conservée, qui donne son sens au "traité simplifié". Cette partie fait quelques mises au point institutionnelles (seuil de majorité qualifiée, "gouvernance" de l’UE, etc.) qui ne remettent pas en cause l’équilibre fondamental de l’Union : intergouvernementalisme + technocratie.

Pourra-t-on s’opposer à ce "traité simplifié" de la même manière qu’on s’est opposé à la Constitution ? Il faut reconnaître que sa portée n’est pas la même. Le sens à donner à l’opposition – anticapitaliste ou néosocial-démocrate –, qui en 2005 avait nourri le désaccord entre Alternative libertaire et l’Appel Copernic, va ressurgir avec davantage d’acuité. En effet, tel qu’il est conçu, le "traité simplifié" ne peut prêter le flanc à une critique seulement antilibérale. Sa contestation ne pourra trouver son fondement que dans une critique plus globale de la construction capitaliste de l’Union européenne, dont ce traité va constituer une brique supplémentaire. L’escamotage de la partie III du traité nous conforte en effet dans ce que nous disions en 2005 : les capitalistes n’ont pas nécessairement besoin d’un "traité" ou d’une "constitution" pour faire leur travail de démolition sociale. La meilleure arme pour s’y opposer reste l’organisation – et a fortiori l’organisation internationale – des travailleuses et des travailleurs, et leur capacité de révolte. Nous aurons sans doute l’occasion d’en reparler.

Guillaume Davranche (AL Montrouge)

Le calendrier

 Actuellement : les juristes de l’Union européenne planchent sur la rédaction du "traité simplifié".
 18-19 octobre : Réunion informelle des chefs d’État et de gouvernement à Lisbonne pour avaliser le "traité simplifié".
 Courant 2008 : ratification dans l’ensemble des États de l’UE.
 Début 2009 : Entrée en vigueur du nouveau traité.

 
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