Xénophobie d’Etat : Déchet rance de la nationalité




Après un été exceptionnellement sécuritaire, l’épouvantail de la déchéance de nationalité a été brandi par Sarkozy. Une façon de remettre le couvert répressif, pour un gouvernement délégitimé par les scandales financiers, tout en reprenant un vieux slogan du FN...

La déchéance de la nationalité est déjà prévue par la loi, ordonnée par décret pris en conformité avec le Conseil d’État. Peut être déchu un individu qui aurait eu un comportement préjudiciable avant d’avoir acquis la nationalité française ou l’ayant acquis depuis moins de dix ans. Un individu peut donc se voir retirer sa nationalité s’il a commis un crime, un acte terroriste, un délit « qui portent atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation », ou s’il s’est livré « au profit d’un État étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la France ».

Un spectre hante la république : Vichy

Ce projet de loi s’inscrit dans une politique de stigmatisation et de fragmentation des classes populaires. Une véritable offensive réactionnaire, qui vise à établir le fantasme d’une communauté nationale homogène. Ces nouvelles dispositions répressives ne viennent pas de nulle part : elles s’inscrivent dans l’histoire longue de la droite française.
« Être français se mérite » : ni Le Pen ni Sarkozy n’ont inventé cette formule, mais Raphaël Alibert, qui créa en 1940 une commission de révision des 500 000 naturalisations prononcées depuis le 10 août 1927. 15 000 personnes, dont 40 % de Juifs, furent déchues de leur nationalité. La loi du 23 juillet 1940 condamne les Français-e-s ayant quitté le territoire sans l’autorisation du gouvernement. D’abord étaient visées les personnes qui avaient profité de la loi de 1927. Parmi elles, des résistant-e-s qui ont rejoint Londres, des militant-e-s qui avaient fui le franquisme, d’autres de confession juive.

Un projet loin de faire consensus

Les mesures de Vichy représentent l’horrible synthèse
de tendances réactionnaires, intensifiées à la fin des années 30. Les mesures actuelles s’appliquent dans le cadre du système républicain, et ce serait là le danger majeur, selon les auteurs de la pétition « Touche pas à ma nation ». Les libertaires ne sauraient opposer la nation ouverte des républicains de gauche à la nation fermée des républicains de droite : c’est sortir du nationalisme qu’il faut. On connaissait déjà « les origines républicaines de Vichy » [1]. On doit désormais constater combien pèse sur la République actuelle l’héritage pétainiste.

Nombreux sont les juristes qui expliquent la dangerosité du projet sarkozyste, qui conduirait à rendre apatride aussi bien un individu ayant la nationalité française depuis 10 jours que depuis 10 ans. Or, le statut d’apatride apparaît en droit comme une anomalie, comme le note la convention des Nations unies du 28 septembre 1954 [www.ofpra.gouv.fr]. Aujourd’hui, la France ne retire pas la nationalité française à une personne dont c’est la seule nationalité. C’est d’ailleurs le rôle de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides qui lutte contre cette absence d’identité légale d’individus n’ayant plus de sol où se poser.

Vers une société de castes ?

Avec l’application d’une telle mesure, nous obtiendrons une société composée de Français protégé-e-s de toute déchéance (les « vrais » Français, « de souche ») et de Français en sursis (les Français « de papiers »), sans compter la foultitude d’étrangers régularisés, sursitaires, sans-papiers... Soit une société de plus en plus inégalitaire sur le plan économique, et qui le serait aussi sur le plan juridique et statutaire. Pour camoufler les conflits de classes, le pouvoir édifie une société de castes. Or, la nationalité n’est pas un fait de « nature », mais une construction sociale qui divise et hiérarchise l’unité du genre humain. L’origine « ethnique » des individus est une problématique fallacieuse, étrangère aux intérêts des dominé-e-s. En 1848, on pouvait entendre : « Les prolétaires n’ont pas de patrie ». En 2010, le slogan n’a pas pris une ride.

Commission antiracisme

[1Gérard Noiriel, Les origines républicaines de la France de Vichy, Hachette, 1999.

 
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