Paris 20e : Violences policières et ségrégation sociale




Deux jeunes du quartier Réunion dans le XXe arrondissement de Paris nous ont fait parvenir leur témoignage sur les violences policières au quotidien dans ce quartier populaire, mais aussi sur la ségrégation urbaine et sociale qui est la première source de tension.

Dans le XXe arrondissement de Paris est survenu un conflit entre un commerçant et un mineur de 17 ans, Fara. Une bagarre se déclenche et des coups sont portés réciproquement. La police interpelle alors le jeune et le place en garde-à-vue. Pendant son audition, il décline l’identité de son grand frère majeur, Cheikh. Peu après, Fara prend la fuite du commissariat en sautant par la fenêtre. L’interversion d’identité est vite découverte par les policiers : un jeune signale quelques heures plus tard dans sa déposition qu’il s’agissait de Fara.

Un mois plus tard, le majeur, Cheikh, est arrêté, placé en garde-à-vue, passé en comparution immédiate et incarcéré à Fleury-Mérogis. Alors que son casier judiciaire est vierge, qu’il travaille, qu’il a des témoins et que la police le sait innocent, Cheikh passe un mois en prison.

Cette erreur judiciaire permise et encouragée par la police marque le début d’une mobilisation dans le quartier. Nous décidons de nous organiser en comité de soutien à Cheikh (réunions, recours à un avocat, communiqué de presse, soirée de solidarité et d’information). Le 24 décembre, jour du procès, nous sommes une quarantaine à attendre le verdict : relaxé au bénéfice du doute.

Harcèlement policier

Le cas de Cheikh illustre le rapport de force engagé par la police avec les jeunes. Une répression quotidienne s’effectue, dans les rues, destinée à les montrer comme des criminels une fois présentés à la justice.

Un quotidien chargé de contrôles d’identité répétitifs et musclés : plaquage au sol ou obligation de se tenir bras et jambes écartés, la tête face au mur, « palpation de sécurité », ou palpation des fesses et des couilles. Lorsque les BAC (brigades anticriminalité) interviennent, des provocations (confiscation du ballon à des ados jouant au foot), des propos racistes, des insultes, des menaces de mort sont proférés. Des jeunes se voient intimer l’ordre de chanter des chants catholiques, de retirer leur jogging en pleine rue. Ils se font embarquer et abandonner au bois de Vincennes, sont gazés à la bombe lacrymogène et roués de coups de matraques.

Nettoyage du quartier

La police ne représente que l’outil le plus visible d’une volonté politique plus large. Les quartiers populaires sont peu à peu délaissés, les infrastructures sociales, sportives, éducatives, préventives, culturelles sont abandonnées ou peu encouragées. Tous les lieux susceptibles de favoriser une vie de quartier sont dans une situation précaire. Le Jardin Solidaire, terrain en friche que des habitants se sont réappropriés est sous la menace d’une destruction. Le local des Petits Pierrots, seul lieu destiné aux enfants et ados n’a ni eau ni toilettes. Yakar, association culturelle sénégalaise est menacée d’expulsion. La Flèche d’Or se voit dans l’obligation de fermer dix jours suite à une décision de la préfecture. Une seule éducatrice de rue est chargée de tout le secteur...

Le comité de soutien évolue progressivement en collectif associatif. Nous tentons de faire le lien entre les associations et autres intervenants afin de mener des actions communes, nous complétons le réseau d’aide aux devoirs et sortons la nuit afin de nous rendre compte tant de la présence policière que de celle de supposés criminels. Surtout, nous instaurons une permanence mensuelle chaque dernier dimanche du mois destinée à recueillir des témoignages quant aux rapports avec la police, à s’informer de nos droits, permettre une parole libre et consciente et construire des projets avec les ados.

Sonia et Fara du comité de quartier

 
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