Antipatriarcat

Motion de congrès : Identifier nos ennemis et y opposer les revendications de la communauté trans




Lors du second congrès de l’Union communiste libertaire en 2023, nous avons voté une motion d’orientation politique nommée « Pour une contre-offensive trans », disponible sur notre site internet. En voici la troisième partie dans une version écourtée et retravaillée pour le journal. Elle s’attache à dresser un panorama rapide des mouvances transphobes françaises et à détailler les revendications des militantes et militants trans que nous faisons nôtres.

Les acteurs et actrices propageant la transphobie en France (comme ailleurs) se réclament de tous les courants politiques. On trouve bien-sûr les partis de droite et d’extrême droite. Ainsi Zemmour crée des groupes de « parents vigilants » qui lancent des campagnes de pression contre des établissements scolaires [1] 

Les Républicains lancent une offensive médiatique [2] et parlementaire [3] très directe et violente. Le Rassemblement national fait de même en ciblant l’accès des personnes trans [4] au sport. Outre les partis, des groupements réactionnaires se constituent spécialement sur le sujet, le plus important d’entre eux étant l’Observatoire de la petite sirène, qui a son influence au ministère de l’Éducation nationale. Les arguments de ce camp politique reprennent les poncifs habituels  : « protection » des enfants voire de la civilisation, affront à l’ordre naturel ou biblique, et les sempi­ternels ­discours complotistes et ­antisémites.

Mais dans cette lutte contre les droits des personnes trans, l’extrême droite a du soutien. Le féminisme libéral « universaliste » s’indigne du vocabulaire incluant les hommes trans aux questions de santé reproductive, et dénonce le soi-disant avantage des femmes trans dans le sport. Moins subtilement, la question des espaces en non-mixité femmes (notamment les toilettes publiques) est invoquée pour dépeindre les femmes trans en agresseuses. Sur ce point et tant d’autres, ce féminisme libéral est rejoint par la frange transphobe du féminisme radical, de plus en plus poreuse avec lui, et qui insiste sur la primauté de la biologie ou de la « socialisation primaire » comme source des oppressions patriarcales. En miroir des femmes trans agresseuses, les TERFs (trans-exclusionary radical feminists) considèrent les hommes trans comme des lesbiennes victimes des « transactivistes », peu importe leur orientation sexuelle réelle et sur une logique d’infantilisation misogyne.

Les milieux écologistes ne sont pas épargnés. Outre les gourous naturopathes [5], on trouve des tendances transphobes du côté des mouvances techno-critiques et primitivistes, comme Pièces et main-d’œuvre (PMO) [6] et Deep Green Resistance (DGR)  [7], souvent plus proches de l’écofascisme que de l’écologie de lutte. Ces groupes dépeignent les transitions de genre comme contre-nature et issues d’une idéologie transhumaniste.Toutes ces composantes se lient et se soutiennent, au-delà des appartenances politiques affichées  : la transphobie devient le dénominateur commun rassemblant des courants qui devraient pourtant s’opposer. PMO cite des membres de l’Observatoire de la petite sirène (OPS), tandis que des émissions libertaires font la part belle au féminisme libéral transphobe [8]. Ce mélange des genres démontre la réelle base commune derrière la transphobie : une idéologie réactionnaire et confusionniste.

Face à la désinformation transphobe, nous agissons pour une meilleure information au sujet de la transidentité au sein de la société, incluant une meilleure identification et condamnation de la transphobie et des violences qu’elle engendre. Nous luttons contre les discriminations et la précarisation de la population trans.

De nombreux droits à conquérir

Nous militons pour l’accès aux soins des personnes trans. Cela passe par l’arrêt des discriminations et des violences médicales, mais aussi par une meilleure formation des médecins quant à la prise en charge des personnes trans et la prescription et le suivi de leurs traitements. Nous sommes pour la dépsychiatrisation réelle et effective des parcours de transition, que ce soit au sein des pratiques médicales ou pour leur remboursement. Nous appelons à une réelle politique de santé publique, mettant fin aux pratiques des équipes pluridisciplinaires de l’ex-SoFECT (extrêmement psychiatrisées, rigides et patriarcales), répondant correctement aux besoins des mineures comme des adultes, et permettant la mise à disposition de traitements adaptés. Enfin, nous revendiquons une sécurité sociale renforcée, contrôlée par notre classe, au fait des besoins de la population trans, et prenant en charge la totalité des frais de santé sans nécessiter de mutuelle ni de reconnaissance d’affection longue durée (ALD). Nous combattons les logiques capitalistes à l’œuvre dans le système de santé, qui créent une médecine à plusieurs vitesses en fonction des moyens des patientes.

Nous demandons la simplification des procédures de changement d’état civil, pour qu’elles reposent sur une seule attestation sur l’honneur. Nous sommes pour la suppression du marqueur de sexe, symbole archaïque du contrôle de l’État sur les corps et les familles, qui expose à la discrimination. A minima, nous demandons la déjudiciarisation de la procédure de modification de ce marqueur. Afin de protéger les personnes trans du fichage et des discriminations, les changements d’état civil devraient être entièrement rétroactifs. Nous sommes pour l’accès des personnes trans à la procréation médicalement assistée (PMA), quel que soit leur état civil, orientation sexuelle ou situation de couple. Nous demandons une reconnaissance automatique des liens de parenté. Nous appelons à ce que soit garanti l’accès des personnes trans aux espaces dédiés à leur genre. Nous rappelons que les contraintes mises sur le corps des femmes font courir dangers et discriminations non seulement aux femmes trans mais aussi aux femmes cis, en particulier LBTI [9] et racisées [10].

La commission antipatriarcat de l’UCL

[1Robin Korda et Ariane Riou, « “Parents vigilants”  : comment Éric Zemmour veut embraser l’école », Le Parisien, 15 décembre 2022.

[6Collectif Stop Masculinisme, « Le coming out masculiniste de Pièces et main d’oeuvre », Indymedia Grenoble, 31 janvier 2015.

[8« Jamila et Caroline Granier, Remue Méninges Féministe », Remue Méninges Féministe Radio Libertaire 89.4, 15 novembre 2022.

 
☰ Accès rapide
Retour en haut