Théâtre : Le Prince du sexisme




À Lyon, une pièce de théâtre inspirée de Machiavel se transforme en spectacle sexiste, homophobe et pro-viol.

Une mise en scène théâtrale du Prince, de Machiavel ? Cela semble intéressant : Le Prince est à la base un essai politique extrêmement connu sur l’exercice du pouvoir, paru en 1532. Nous nous rendons à la représentation vendredi soir, pour voir l’adaptation de Laurent Gutmann, le metteur en scène. En fait de théâtre, on assistera plutôt à des scènes misogynes et homophobes, extrêmement dérangeantes.
La salle d’une capacité de 500 personnes est presque pleine. On y retrouve principalement des vieux couples de bourgeois blancs, un groupe de lycéens et lycéennes et quelques familles. Rien que de très normal pour le quartier bobo de la Croix-Rousse. Trois personnages, Myriam, Max et Rémi, entrent en scène pour suivre un stage devant les aider à devenir et à se comporter en prince, autrement dit pour apprendre à prendre le pouvoir et à le garder ; stage mené par Machiavel et sa secrétaire Karine.

Sexisme, homophobie et mépris de classe

Les cinq personnages sont tous très stéréotypés : Machiavel est un patron qui maltraite sa secrétaire Karine, Max est le personnage rustre et mal dégrossi, Rémi est le premier de la classe et Myriam quant à elle incarne la potiche en jupe qui ne comprend rien à rien.

Au vu de la composition de la pièce, on commence à soupirer : encore une fois les personnages féminins sont des personnages insignifiants et en totale adéquation avec les normes de beauté actuelles, mais passons... Les choses commencent à devenir vraiment gênantes quand Max pelote les fesses de Myriam, puis que Rémi lui enlève sa jupe, soi-disant parce qu’elle ne correspondait pas à la tenue d’une femme de pouvoir. Elle restera dans cette tenue jusqu’à ce que Max lui hurle qu’elle a « un gros cul », ce qui la décide à se rhabiller.

Si l’on peut légitimement trouver tout cela plus que dérangeant, c’est dans la suite du spectacle que l’on entre dans le vif du sujet. Lors d’un nouvel exercice, les trois stagiaires vont s’essayer à calmer le peuple en colère (le peuple étant le public). Pour ce faire, Karine brandit des pancartes où sont écrits des slogans que nous sommes censés répéter, tels que : « Une seule solution, la manifestation », « Casse-toi pauvre con » ou encore « Serre les fesses, on arrive à toute vitesse ». D’une part, la participation populaire est réduite à une masse de personnes ânonnant bêtement des phrases qu’on lui ordonne de répéter, révélant un clair mépris de classe et une méconnaissance de ce qu’est réellement un mouvement social tel qu’une manif. D’autre part, certains slogans, comme le dernier cité, moquent certaines pratiques sexuelles considérées comme inférieures vis-à-vis d’une norme sociétale, à savoir la sodomie, et de ce fait ont un caractère clairement homophobe.

Spectacle « participatif »... ou agression ?

L’escalade sexiste et homophobe continue lorsque Rémi s’essaye à son tour à l’exercice du peuple en colère à calmer. Sa solution à lui est dans un premier temps de sortir son téléphone et de prendre en photo le public en déclarant : « J’espère que vous êtes venus avec votre femme, parce que je vais poster ça sur Internet. » Puis voyant que cela n’a aucun effet, il monte dans les gradins, saisit une spectatrice (en réalité complice dans la salle) par le bras en la traitant de « connasse », la fait descendre de force au bas des gradins, la plaque contre la scène, et fait mine de la violer par sodomie en baissant son pantalon. Sous couvert d’humour, une femme est donc agressée devant 500 personnes, rendues par la même occasion complices... Qu’est ce qu’on se marre !

Sur cette lancée, le spectacle se termine sur un commentaire de Machiavel qui déclare que la foule est semblable à une femme, il vaut mieux la soumettre violemment afin d’obtenir son obéissance. Le petit retournement de situation où Karine assomme Machiavel et prend le pouvoir ne suffira pas à nous faire oublier l’heure et demie de spectacle sexiste, homophobe et pro-viol.

Durant la semaine de représentation, une diff de tracts a été mise en place tous les soirs jusqu’à la fin du spectacle pour dénoncer les choix de mise en scène faits par Gutmann et de programmation de la direction du théâtre. Au théâtre comme ailleurs, le sexisme et la culture pro-viol n’ont pas leur place !

Myriam (AL Lyon)

 
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