Antifascisme

Conflit israélo-palestinien : le RN, ami de la République ?




Alors que la gauche est sous le feu des critiques pour ses positions de soutien à la Palestine, l’extrême droite et notamment le Rassemblement national semblent réintégrer « l’arc républicain ». L’antisémitisme fait pourtant partie des racines du RN qui entretient toujours des liens avec des antisémites notoires.

L’attaque sanglante du Hamas contre la population et les positions de l’armée israélienne a été, au sein de la scène politique nationale, l’occasion de mesurer une nouvelle fois la notabilisation du RN. Alors que les partis de gauche réformiste se déchiraient sur la teneur des déclarations à faire, le parti de Marine Le Pen a condamné sans hésitation l’attaque, en soutenant fermement l’État israélien.

Il faut dire que la violence des événements se prêtait bien à la rhétorique du parti autour du « danger islamiste », et celui-ci en a profité pour franchir une nouvelle étape dans sa stratégie de normalisation auprès de la communauté juive. Fait marquant qui aurait été impensable il y a quelques années, le 9 octobre, des députées du RN ont pu s’afficher à la marche de soutien à Israël à Paris, sans soucis, alors que les élues de gauche ont dû s’exfiltrer face à l’hostilité de la foule. Ainsi, la focalisation sur l’expression erratique de la gauche, en particulier de la France Insoumise, a même permis à Marine Le Pen de placer ceux-ci dans le « camp antirépublicain », sans provoquer de réactions notables de la part du gouvernement et du reste des parlementaires  ! C’est pourtant bien l’extrême droite qui a toujours été considérée hors de l’arc républicain depuis le début de la Ve République. Comment en aussi peu de temps, cette inversion a-t-elle pu être possible ?

Symptôme de la droitisation générale

Le fait que la cheffe du principal parti de l’extrême droite puisse se sentir autant à l’aise est tout d’abord dû à la radicalisation à droite toute qui s’opère dans l’appareil politico-médiatique. Dans le cas du conflit en cours et de sa résonance en France, on pense à la pression continue sur l’appellation « terrorisme » à chaque circonstance, appellation « valise » qui permet d’englober l’ensemble des actes de résistance et de criminaliser toutes les expressions de soutien au peuple palestinien (comme l’interdiction de toute les manifestations par Darmanin), ou encore au racisme toujours plus assumé d’une grande partie de la classe politique, notamment à droite, où les propositions discriminantes, expulsions systématique et réductions des droits en tête, n’ont plus grand-chose à envier à Le Pen.

Photo de Marine Le Pen et son père Jean-Marie Le pen, à la tribune d'un meeting du Front National
Il ne faut pas chercher bien loin pour trouver des antisémites dans ou autour du Rassemblement national...
Blandine Le Cain

Mais surtout, le RN s’est employé depuis une décennie à gommer son passé antisémite, en travaillant à se rapprocher opportunément des organisations censées représenter la communauté juive en France. Récemment, on a vu en octobre 2022 des représentants du RN sur la radio communautaire « Radio J », ou encore le couple d’avocats anti-nazis Serge et Beate Klarsfeld recevoir une médaille du maire RN de Perpignan Louis Alliot. Au sein de l’Assemblée nationale, fort du nombre de ses députés, le RN Sébastien Chenu a été nommé vice-président du groupe d’amitié France-Israël, et le parti a tenté de s’emparer de la présidence du groupe d’étude sur l’antisémitisme.

L’antisémitisme, une base de l’extrême droite

Pourtant, ces tentatives, si elles obtiennent du succès, ont leurs limites. Car même en ces temps favorables à l’extrême droite, la mémoire reste : fondé par des anciens collabos, dirigé pendant des décennies par des antisémites, le RN est marqué, comme l’ensemble de son courant, par cette idéologie puante. En témoigne aujourd’hui encore les liens qu’entretient toujours Marine Le Pen avec des cadres du GUD, organisation nationale-révolutionnaire profondément antijuive. On peut aussi citer une enquête politique de janvier 2022, qui souligne que parmi les sympathisantes du RN, 39% adhèrent au fait que « les Juifs ont trop de pouvoir dans le domaine de l’économie et de la finance », preuve que dans son propre électorat, on ne s’y trompe pas [1]. Et si aujourd’hui, le RN essaye de gommer ses racines, pas besoin de creuser bien loin pour la retrouver dans l’ensemble de l’extrême droite française [2]. Comme toujours avec la « dédiabolisation », quand on gratte un peu, on retrouve les idées rances.

Hugues (UCL Fougères)


L’ANTISÉMITISME AU CŒUR DU RN

Malgré la dédiabolisation et la stratégie entreprise par Louis Alliot dès 2014 de mettre fin à l’association du RN avec l’antisémitisme celui-ci est dans les racines mêmes du RN/FN. En effet le Front National à été fondé en 1972 par un ancien SS et nombre de collabos, antisémites au dernier degré. Un actuel député RN Frédéric Boccaletti (Var), est même le fondateur d’une librairie vendant de nombreux ouvrages négationnistes. Le soutien croissant à Israël notamment mené par Louis Alliot depuis 2011 trouve sa justification surtout dans une islamophobie devenue majoritaire, mais également dans l’idée implicite qu’Israël serait le « vrai » pays des juifs et juives éternellement étrangers en France et qu’il faut donc le soutenir pour pouvoir les y envoyer !

Marine Le Pen parlait en 2017 de Macron comme un « banquier d’affaire [qui] servirait une ambition » étrangère au bien de la France, en tant que « mondialiste, oligarchique et ultra-européiste ». Un discours reprenant implicitement nombre de mots et de clichés traditionnels de l’antisémitisme. Ces sorties antisémites ne sont pas des « dérapages » isolés  : elles sont l’expression de l’idéologie qui irrigue le RN. Par ailleurs, si le parti de Le Pen a policé son discours, c’est que d’autres groupes en assument la part la plus radicale : Zemmour et Reconquête, Yvan Benedetti et son Parti national français, Soral, le journal Rivarol, les catholiques de Civitas, les monarchistes de l’Action française ou le GUD récemment reformé.

[1Marylou Magal, « Le RN et l’antisémitisme : histoire d’une dédiabolisation rêvée », L’Express, octobre 2023.

[2Pour un exemple parmi tant d’autres, voir le communiqué du mouvement Les Nationalistes à l’occasion des événements du 7 octobre dernier.

 
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