Meuse : Pas de nazis dans nos villages




Le 8 octobre, plus de 300 personnes se sont rassemblées à Verdun pour protester contre la présence d’un local néonazi dans un village voisin : Combres-sous-les-Côtes. En mai 2015, La League of Hammerskins, un groupe à l’origine affilié au Ku Klux Klan US, avait réouvert, dans un ancien hangar agricole, un lieu dénommé la Taverne de Thor.

Les néonazis veulent envahir la Meuse. Ainsi des activités menées par LHS (pour Lothringen HammerSkin), qui organise, sous la surveillance de la police locale, des réunions régulières de leurs membres ainsi que des concerts néonazis rassemblant une centaine de personnes à chaque fois. En 2012, les Hammerskins avaient organisé un concert réunissant environ 2 000 néonazis de toute l’Europe à l’occasion de la fermeture de la première Taverne de Thor. Après la réouverture dans un autre lieu de cet espace, il nous faut absolument tuer dans l’œuf une nouvelle dynamique.

Car bien que, pour l’instant, leurs activités se déroulent dans la plus grande discrétion, nous pouvons craindre que des tensions réapparaissent avec les habitants et habitantes – notamment personnes d’origines étrangères, couples homosexuels, militants et militantes d’associations ou d’organisations politiques opposées –, réinstallant un climat de terreur à force d’agressions verbales et physiques qui permettraient aux fachos d’imposer leur ordre. Cette situation est dangereuse pour de nombreuses personnes, y compris celles et ceux qui ne se sentent a priori pas concerné-e-s par leur présence.

Suite à la réouverture de la Taverne, une pétition demandant sa fermeture avait récolté plus de 50 000 signatures, et un collectif large et transfrontalier s’est formé sous l’appellation de Collectif contre la Taverne de Thor. Une première mobilisation dont la communication était conséquente devait avoir lieu le 14 novembre 2015, mais a été annulée suite aux attentats de Paris.

La manifestation s’est finalement tenue près d’un an après, le 8 octobre 2016 en présence de plus de 300 personnes venues du Grand Est et d’Allemagne : des locaux, des militantes et militants antifascistes, du Bloc antifasciste (BAF), des autonomes, Solidaires, la CNT, AL 51-54-55-57, Ensemble !, le PCF 57, les JC, la CGT 55 et trois élu-e-s de gauche mobilisé-e-s sur la question.

Enfouir les nazis à la place des déchets nucléaires

La manifestation, bien que modeste, a été une belle occasion de donner de la voix dans cette petite ville de Meuse située à 30 km du local nazi et de redonner courage aux militants locaux. Sous la bannière « Contre les extrêmes droites, le racisme et les discriminations » et la revendication de fermeture de la Taverne de Thor, la dynamique était bien au rendez-vous avec de beaux slogans scandés à l’unisson tel que « État raciste, État policier, c’est ça, c’est ça, le terreau du fascisme ! » et bien d’autres préparés à l’avance ou improvisés, comme cette envie d’enfouir les nazis à la place des déchets nucléaires à Bure.

Les deux chorales révolutionnaires de Nancy et Verdun ont mêlées leurs voix, renforçant la détermination des militants et militantes. Malgré des rumeurs intimidantes qui circulaient suite à des consignes qu’aurait données la préfecture aux commerçants de fermer leurs rideaux, la manifestation n’a subi aucun incident.

Les élu-e-s de gauche ont alerté les parlementaires du département et la préfecture sur une possible « faille notariale de vente du hangar agricole » qui abrite la Taverne de Thor, une piste juridique à suivre. Du côté de la mobilisation populaire, il parait incontournable aux membres d’Alternative libertaire de poursuivre la construction d’un front antifasciste large dans la région.

La présence notable de l’Autonome Antifa Fribourg en Allemagne et d’autres collectifs de différentes nationalités témoigne de la nécessaire et saine dimension internationaliste de l’antifascisme. Les liens se soudent outre-Rhin par la présence des français dans les manifestations antifascistes allemandes et contre le mouvement Pegida, comme celle de Weil-am-Rhein le 21 septembre dernier dans la région allemande frontalière. À l’heure où le gouvernement prétend assumer le démantèlement violent de la jungle de Calais, à nous de faire vivre ce slogan érigé tel un credo « Nazis dehors, réfugié-e-s bienvenu-e-s ! »

Marion et Fred (AL Nancy), Boris (AL Alsace)


Pour un antiracisme politique : Reprenons l’initiative, acte 2

Voilà un an un premier forum se tenait à Genevilliers qui officialisait la constitution du réseau Reprenons l’initiative à l’appel notamment d’Éric Fassin et de Said Bouamama. Ce 8 octobre se tenait à Saint-Denis la seconde édition.

La force indéniable du réseau est de réunir très largement celles et ceux
qui comprennent le racisme non pas comme un problème moral mais comme une politique délibérée qu’il convient de combattre politiquement. Une diversité qui allait du PIR à la LDH et des militants politiquement identifiés des Verts à Alternative libertaire, en passant par le PCF, Ensemble ! ou le NPA. Deux controverses ont traversé la journée : celle du racisme d’État d’abord. Face à Michel Tubiana (ex-président de la LDH) et Esther Benbassa (sénatrice EELV) qui refusaient l’expression en disant qu’il n’existe pas (pas encore) de lois racistes qui structurent la société française et qui préféraient donc utiliser les termes de pratiques racistes de l’Etat, Said Bouamama (FUIQP) n’était pas pleinement convaincant en rappelant (à juste titre) la loi de 2004 sur le voile ou celle sur le livret des gens du voyage, car elles ne sont pas au cœur
du fonctionnement de l’Etat. En revanche, l’intervention des représentants
de la Voix des Rroms (Saimir Mile et Anina Ciuciu) ou de Franco Lollia pour
la Brigade antinégrophobie rappelant concrètement les violences policières
et judiciaires quotidiennes contre les habitants des bidonvilles et des quartiers-ghettos donnaient à voir qu’il n’est pas besoin de législation spécifique pour que l’Etat mène sciemment une politique raciste.

La seconde querelle, sur l’universalisme, a permis à Youcef Brakni, militant
à Bagnolet (93) de dénoncer très violement les organisations de gauche
qu’il a toujours retrouvées contre lui dans ses combats locaux. Les valeurs universelles construites autour des droits de l’homme étant accusées
de ne prendre en compte que les valeurs de l’homme blanc au service des puissances coloniales. Logiquement de nombreux intervenants insistaient
donc sur la nécessité d’organiser « sa communauté » de manière autonome
afin de faire face aux oppressions spécifiques ressenties par chacune.
Un débat complexe qui doit pourtant impérativement trouver des réponses
sur le terrain car si l’auto-organisation autonome est de plein droit pour
celles et ceux qui souhaitent réfléchir et combattre les discriminations
qui les visent, il n’empêche que la présence solidaire des « universalistes »
est bien souvent indispensable pour aider les communautés concernées
les plus fragiles à résister.

Des rendez-vous sont annoncés pour le printemps afin de faire entendre
une autre voix au milieu de l’arène électorale : une caravane à travers
la France, une Marche nationale autour du 21 mars (journée internationale
de lute contre le racisme) ou encore l’interpellation des candidats.

Jean-Yves Lesage (AL 93)

 
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