International

Moyen Orient : Avec l’Otan, ça sent le gaz pour le PKK




La guerre de la Russie contre l’Ukraine a rebattu les cartes au sein de l’Otan et place la Turquie en position de force pour intensifier sa guerre contre l’Administration autonome du Nord et de l’Est de la Syrie, le Rojava et le mouvement kurde.

Les peuples du nord et de l’est de la Syrie qui ont fêté le 10e anniversaire de leur révolution payent le prix des guerres impérialistes. En quatre ans, les peuples du nord et de l’est de la Syrie ont subi deux invasions turques. Ils font maintenant face à une guerre de basse intensité et se préparent depuis quelques mois à une troisième invasion, Erdogan affirmant vouloir envahir les régions de Shehba et Manbij.

En attendant un hypothétique feu vert des puissances internationales, l’armée turque et ses milices syriennes multiplient les attaques : on dénombre au 19 août plus de 70 frappes de drones qui ont tué des civiles, des militantes et des combattantes, avec un ciblage particulier des femmes et de leurs organisations ainsi qu’une augmentation des bombardements d’artillerie.

Plus de 62 personnes ont été tuées et 80 blessées sur le dernier mois. Cette stratégie de guerre de basse intensité permet à l’État turc de poursuivre son objectif de destruction de la révolution et de sa capacité d’auto-défense ainsi que d’entretenir un climat de tension permanente, tout en offrant la possibilité d’une politique de l’autruche aux États occidentaux.

Un outil décisif de la politique d’Erdogan

Alors que l’Otan traversait ces dernières années une crise apathique, la guerre en Ukraine a entraîné un regain de vitalité dans l’alliance. Ainsi, un nouveau concept stratégique a été adopté en juillet au sommet de Madrid.

Il définit la Russie comme « la menace la plus importante » et acte un ensemble de mesures :
la création de quatre nouveaux groupements tactiques multinationaux positionnées sur le flanc est, le passage de la Force de réponse rapide de 40 000 à 300 000 soldats, la création d’un fonds de recherche commun d’un milliard d’euros. Il s’agit, selon l’Otan elle-même, « du plus vaste remaniement de la posture de dissuasion et de défense collective depuis la Guerre froide. »

La demande d’adhésion de la Finlande et la Suède a permis à la Turquie d’approfondir sa politique d’affaiblissement du mouvement kurde. Elle a ainsi joué de son droit de véto pour forcer les deux candidats à signer un accord qui entérine l’arrêt des relations avec l’AANES, la répression du PKK, l’extradition de réfugiées kurdes vers la Turquie et la mise en place d’un mécanisme interétatique de répression à l’encontre du mouvement kurde et de ses soutiens qui pose la base d’une collaboration plus large contre d’autres mouvements révolutionnaires.

Depuis la guerre en Ukraine, l’Union européenne, soutenue par l’Otan, cherche à se passer de l’énergie russe d’ici 2030. Pourtant, la Russie lui fournit 40 % de sa consommation en gaz et se place en troisième position des pays producteurs de pétrole. Pour un approvisionnement alternatif, les pays européens de l’Otan doivent signer des accords avec des pays producteurs mais aussi sécuriser des routes de transport.

La Turquie et la question énergétique

Trois routes permettaient d’acheminer l’énergie depuis le Moyen-Orient, mais suite à l’annulation du projet EastMed (Méditerranée) et la guerre en Ukraine (nord de la Mer Noire), la Turquie est devenu le point de passage obligé de nombreux échanges commerciaux.

La guerre menée contre le Rojava et la guérilla dans le nord de l’Irak devient un enjeu de sécurisation de routes d’acheminement énergétique dans le cadre plus global d’une recherche de diversification des approvisionnements.
D.R. HERVÉ JAKUBOWICZ

L’Irak (dont le Kurdistan irakien) possède de riches gisements en gaz et se classe au quatrième rang des pays producteurs de pétrole.

Le pays achemine déjà une partie de son pétrole via la Turquie et projette la construction d’un nouveau gazoduc et se trouve aussi sur la route par laquelle le gaz qatari pourrait être transporté vers l’Europe. Reste un problème de taille pour la Turquie : une partie du territoire montagneux nord-irakien est contrôlé par la guérilla du PKK.

Ainsi, la guerre menée contre le Rojava et la guérilla dans le nord de l’Irak devient un enjeu de sécurisation de routes d’acheminement énergétique dans le cadre plus global d’une recherche de diversification des approvisionnements.

C’est dans ce contexte que l’opération Claw-Lock contre la guérilla intervient avec le soutien du Gouvernement régional du Kurdistan irakien, dont la Turquie est le premier client. Un article de la presse turque titre sans ambiguïté : « Le PKK finit, le gaz rentre en Turquie ».

Maria (Réseau Serhildan),
Gaby (UCL Amiens) et
Simon (UCL Rennes)

 
☰ Accès rapide
Retour en haut