Unédic : Les salarié.es privés d’emploi, au péril de l’étatisation




Un projet de loi se prépare concernant l’assurance chômage. Les partenaires sociaux ont été invités à négocier pour accoucher d’un texte creux, laissant les mains libres au gouvernement. La réforme à venir devrait confirmer le dévoiement du régime et une criminalisation accrue des chômeuses et chômeurs.

L’articulation des réformes antisociales du gouvernement respecte une stricte cohérence : après le droit du travail et avant la Sécurité sociale, c’est au tour de l’assurance chômage de connaître les affres d’un premier travail de démantèlement. Une réforme concernant cet organisme social est donc en cours d’élaboration depuis le début de l’année. Et les manœuvres du gouvernement passent par plusieurs étapes.

Menace d’étatisation du régime

Déjà, les ordonnances du second semestre 2017 avaient aboli les cotisations chômage des salarié.es pour les remplacer par une augmentation de la CSG. Cette première réforme, ainsi que l’annonce d’une possible étatisation du régime, manifestent la volonté de remettre en cause la nature même de l’assurance chômage, à savoir une conquête du mouvement ouvrier, un des piliers de la Sécurité sociale.

La deuxième étape a consisté, en décembre, à proposer aux partenaires sociaux de négocier sur des thèmes imposés, avec la menace réitérée du gouvernement de mettre le régime sous tutelle de l’État si aucune solution viable n’était trouvée. Mais… négocier pour trouver une solution à quoi ? Le prétexte sans cesse invoqué par l’État et le Medef pour mettre en pièces l’Unédic est chaque fois le même : la dette et le déficit. Si l’on doit reconnaître une dette cumulée d’environ 37 milliards d’euros, en revanche, depuis plusieurs années, le montant des cotisations, environ 35 milliards pour 2016, couvre les allocations versées… Le budget de l’Unédic est donc à l’équilibre. Pourtant, l’organisme affiche un déficit annuel d’environ 3,5 milliards… En réalité, le déficit de l’Unédic n’est pas lié au régime de l’assurance chômage mais au financement de Pôle emploi. Car la part de l’Unédic dans le financement de Pôle emploi s’élève précisément à… 3,5 milliards par an. L’État, de son côté, ne finance Pôle emploi que pour environ 1,5 milliard. Donc dans les faits, la dette de l’Unédic, c’est la dette de l’État, puisque le financement du service public de l’emploi devrait relever de sa seule responsabilité !

Un financement impossible

Mais l’infamie est bien plus terrible puisque le gouvernement, dans son double discours permanent, cherche à rendre le financement actuel de l’assurance chômage proprement impossible. Durant toute la campagne, le candidat Macron a promis d’élargir l’indemnisation du chômage aux travailleurs indépendants et aux salariés démissionnaires. Vœux pieux mais surtout totalement hypocrites. Si les comptes annuels de l’assurance chômage sont à l’équilibre, élargir le périmètre des bénéficiaires de l’indemnisation impliquera forcément soit d’augmenter son financement, soit de dégrader les modalités d’indemnisation.

À l’aune de ces éléments, il est maintenant plus aisé de comprendre le message du gouvernement à l’égard des organisations syndicales. Quand celles-ci sont sommées de négocier pour trouver une solution, au final, on peut entendre le gouvernement leur dire : « Débrouillez-vous pour flinguer l’assurance chômage vous-même ou c’est nous qui nous en occuperons. Mais si c’est nous, on détruira tout pour en faire une agence d’État, ce qui reviendra à remettre les clefs de la maison au Medef ».

Un accord interprofessionnel creux

Les partenaires sociaux se sont donc réunis chaque semaine du 12 janvier au 22 février sur cinq thèmes imposés : l’ouverture de l’indemnisation aux démissionnaires, l’indemnisation des travailleurs et travailleuses indépendants, le recours aux contrats précaires, le contrôle des chômeurs et la gouvernance de l’assurance chômage. Ces négociations ont abouti à un accord annuel interprofessionnel (ANI) dont la vacuité n’a d’égale que l’abyssale absence de propositions concrètes. Concernant les démissionnaires, les mesures proposées auraient des effets probablement limitées, étant donné les conditions très sélectives (cinq années de cotisations ininterrompues, un projet de reconversion agréé par une instance paritaire, un budget consacré limité). Concernant les indépendants, l’ANI renvoie à un groupe de travail qui devra rendre ses conclusions pour la fin 2018. On peut comprendre la prudence des partenaires sociaux, et surtout des organisations syndicales, concernant ces deux premiers thèmes imposés. Car le but du gouvernement, bien loin de vouloir universaliser un principe de solidarité, est surtout de continuer à attaquer le droit du travail en facilitant les démissions, et en favorisant le passage vers des statuts au rabais comme celui d’auto-entrepreneur.

Troisième thème : les contrats précaires. Grand moment de tartufferie puisque d’une part, le périmètre des débats a été limité aux seuls contrats de moins d’un mois, et d’autre part, l’ANI renvoie à de nécessaires négociations au sein des branches professionnelles, cela bien sûr pour éviter au patronat tout dispositif de taxation des contrats courts…

Concernant le contrôle des chômeurs et chômeuses, quatrième thème imposé, l’ANI renvoie au document paritaire de référence du 12 décembre 2017, qui réaffirme la nécessité d’un accompagnement personnalisé du chômeur et d’une politique d’activation des dépenses. Enfin, concernant la gouvernance de l’assurance chômage, dernier thème imposé, les partenaires sociaux réaffirment leur attachement à l’autonomie du régime et à son caractère contributif.

Donc ce texte, au final, n’engage absolument à rien… à part préparer le terrain au gouvernement en lui laissant les mains li­bres pour une réforme radicale du régime. Un projet de loi devrait être présenté par Muriel Pénicaud au conseil des ministres fin avril. C’est à ce moment que l’on saisira toute la mesure des réformes envisagées par le pouvoir.

Entre-temps, la ministre du Travail a annoncé la couleur concernant le contrôle des chômeuses et chômeurs : augmentation des effectifs dédiés au contrôle, sanctions accrues et retour de l’« offre raisonnable d’emploi ». Le pouvoir actuel ne l’a jamais caché : pour lui, Pôle emploi a comme rôle de contrôler et de sanctionner les privé.es d’emploi pour qu’ils acceptent n’importe quel job mal payé aux conditions de travail déplorables.

Depuis quelques années, un collectif réunissant associations de chômeurs, syndicats de salarié.es de Pôle emploi et quelques organisations politiques, dont Alternative libertaire, cherche à faire entendre sa voix pour alerter sur les dangers qui pèsent sur l’assurance chômage. Gageons qu’en ces périodes propices aux mobilisations, une convergence va s’établir entre chômeurs et salarié.es pour la défense du régime. L’assurance chômage est tout aussi importante que l’assurance vieillesse ou maladie. Se résigner à la voir disparaitre serait une victoire décisive pour le pouvoir en place.

François Molinier (Ami d’AL)

 
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