Féminisme : L’exploitation domestique, base de l’exploitation des femmes




Si on croise les statistiques sur les inégalités au travail avec celles au sein de l’espace privé, on s’aperçoit d’un lien très fort entre les deux exploitations. Aucune mesure pour plus d’égalité dans la sphère publique ne sera efficace sans une remise en cause profonde de l’inégalité dans la sphère privée.

La vie domestique des femmes a deux caractéristiques principales : ces dernières passent beaucoup plus de temps à effectuer des tâches liées à l’entretien du domicile et aux soins aux autres personnes que les hommes, et les tâches qu’elles effectuent sont très spécialisées.

Exploitées au foyer...

Pour un couple sans enfants, les temps de tâches domestiques sont respectivement de 3h28 et 2h07 (quizz : qui fait 3h28 ?) ; pour un couple avec trois enfant dont un de moins de trois ans, on passe à 7h14 et 3h26 (on parle là de moyennes quotidiennes, incluant personnes en activité ou pas). Dans les mêmes configurations, les durées de soins aux enfants sont de 0h12 et 0h05 (sans enfant) ; 3h29 et 0h55 (avec trois enfants). Pour la partie ménage et courses, 2h59 et 1h17 ; 3h42 et 1h19, il est à noter que les hommes s’impliquent 2 minutes de plus dans le ménage et les courses quand ils ont trois enfants que quand ils n’en ont pas.

La dernière enquête Emploi du temps de l’Insee de 2010, d’où sont extraits ces chiffres, divise la journée en temps physiologique (manger, dormir…), temps de travail-formation, temps domestique et temps libre. Mais où se cache donc le temps de soins aux personnes âgées et aux malades ? Puisque quasiment toutes les femmes hétérosexuelles en couple font quasiment l’intégralité de toutes ces tâches domestiques et de soins, c’est donc que c’est leur nature, conclut la société. Là où nous, féministes et révolutionnaires, concluons plutôt qu’en patriarcat, l’exploitation est bien organisée.

… donc au travail et en politique

L’assignation des femmes aux tâches domestiques se ­retrouvent dans leur concentration dans peu de métiers. La moitié des femmes se retrouvent dans une dizaine de métiers (parmi 86 répertoriés), tandis que dans les dix métiers les plus masculins il n’y a que 30 % des hommes. Et certains métiers sont vraiment très féminins. Les aides à domicile, aide-ménagères et assistantes maternelles sont à 98 % des femmes, pareil pour les secrétaires, les employées de maison sont à 94 % des femmes (Dares 2011). Les aide-soignantes sont à 90 % des femmes, les infirmières et les sage-femmes à 88 %.

Les femmes sont donc, naturellement, sur représentées dans les métiers du ménage et du soin aux personnes, comme à la maison.

L’autorité étant bien sûr naturellement masculine, les femmes sont aussi surreprésentées au bas des échelles hiérarchiques. Effets combinés du plafond de verre, qui obstrue l’accès aux plus hautes fonctions et du plancher collant, qui attache les femmes aux tâches subalternes. Y compris chez les juges ou les médecins des hôpitaux, ou encore les syndicalistes.

Plus les femmes ont des enfants, et des enfants petits, plus elles abandonnent leur travail. Le taux d’activité (au travail ou en recherche d’emploi) des femmes est de 83 % en 2015, contre 93 % pour les hommes. Mais seulement 63 % des mères en couple ayant deux enfants sont en activité. Pour les pères en couple, c’est toujours plus de 80 %, quel que soit le nombre d’enfants.

Les temps partiels (« choisis » pour concilier ou imposés) sont occupés à 80 % par des femmes, et 30 % d’entre elles travaillent à temps partiel. C’est bien, ça laisse du temps pour nettoyer et emmener les enfants à leurs activités et faire les courses en chemin.

Les femmes occupent des emplois primordiaux pour la société. Garder et élever des enfants, assurer la relation dans les commerces, laver et nourrir les malades dans les hôpitaux, assurer les tâches qui permettent le maintien des personnes dépendantes à domicile sont des tâches dont l’utilité sociale est grande et incontestable. Faire partie de l’encadrement d’une société d’agrochimie, spéculer sur les matières premières, piloter des avions de guerre sont des métiers inutiles et dangereux. Mais il n’est pas nécessaire de se référer aux statistiques précises pour savoir que tous les « petits » métiers nécessaires exercés par des femmes sont mal payés, très mal payés.

En moyenne les femmes touchent un salaire inférieur de plus de 25 % à celui des hommes. 15 % s’expliquent par les temps partiels, les différences de métiers et de secteurs, les places dans la hiérarchie et environ 10 % ne s’expliquent pas. Les femmes touchent 20 % des plus hautes rémunérations contre 80 % des plus bas salaires.

Dans tous les domaines publics, la répartition des missions attribuées aux femmes s’aligne aussi sur leurs missions domestiques (même sous-traitées à d’autres femmes). Ministère de l’intérieur aux hommes, ministère de la Santé aux femmes ; sous-représentation dans les instances élues et dans leur direction (16 % des maires, 10 seulement à la tête d’un département, 3 à la tête d’une région). Si l’attribution de ces postes n’est pas notre champ de bataille, il n’en reste pas moins que les inégalités dans ce domaine montrent combien les femmes sont encore assignées au domaine privé, les hommes ayant la charge (avec le succès que l’on sait) des affaires publiques.

Une seule solution : l’égalité de répartition

Les tâches domestiques ne sont pas toutes du même ordre. Les tâches de soin doivent être reconnues pour leur grande utilité sociale et être assurées de façon bénévole ou salariée par tout le monde. Et les métiers concernés doivent être revalorisés, reconnus, bien payés et exercés dans des conditions dignes. Les tâches ménagères, elles, doivent être abandonnées par les femmes pour la partie faite au profit des hommes. Les femmes ne doivent plus assurer les tâches d’entretien des hommes, ni totalement l’entretien des enfants qui ont un père. Grève illimitée ? Colocations non mixtes ? Le futur féministe est à inventer.

Christine (AL Sarthe)

 
☰ Accès rapide
Retour en haut