Nucléaire : Les océans transformés en vaste poubelle




Alors que l’on connaît depuis longtemps la nocivité des rayonnements et de l’exposition à des produits nucléaires, pendant un demi-siècle, les gouvernements de tout bord ont empoisonné l’océan en toute conscience et au mépris des populations, afin de servir les intérêts de l’armée et des industriels.

Le 12 mars 2011, Tokyo Electric Power (Tepco) tente de refroidir des réacteurs de la centrale de Fukushima avec de l’eau de mer. Toute l’eau déversée se charge alors en radioactivité. Tepco tente de la contenir mais entre le 1er et le 6 avril, environ 520 m3 d’eau contaminée s’écoulent dans l’océan via des tranchées. Du 4 au 10 avril, Tepco est autorisée à déverser dans l’océan 10 400 m3 d’eau « légèrement » contaminée.

Plus tard, des usines de traitement de l’eau de refroidissement contaminée sont installées, co-développées par Areva et Véolia. Des relevés sur l’eau de mer au large de la centrale de Fukushima Daïchi indique en mai des contaminations bien au dessus des normes.

À moyen terme, tout le littoral oriental nord est concerné par la dispersion de radionucléides à période longue. Ces derniers sont appelés à gagner le centre et l’ouest du Pacifique. De plus, des milliers de tonnes de débris solides, sans doute eux aussi pour la plupart contaminés, traversent le Pacifique vers les États-Unis...

Une étude publiée dans le n°45 du Environmental Science and Technologie confirme la contamination prolongée de l’Océan Pacifique. Elle est aussi due à l’incompétence et l’irresponsabilité de Tepco, et à l’inconscience des gouvernements successifs japonais. Exploiter des centrales nucléaires, c’est déjà suicidaire ; alors dans un pays victime régulièrement de catastrophes naturelles…

L’océan devient la décharge idéale

Après la Seconde Guerre mondiale, avec le développement de l’électronucléaire et de l’armement atomique, la gestion des déchets nucléaires est rapidement devenue problématique. Les gouvernements européens, étasuniens et soviétiques décidèrent de s’en débarrasser délibérément en mer !

Dans un délire scientiste et en raison de son étendu et de son immense volume, les décideurs considèrent l’océan comme la décharge idéale. Les premiers déversements volontaires remontent à 1946, non loin des côtes de la Californie. Le dernier aurait officiellement eu lieu en 1982 à un millier de kilomètres environ des côtes françaises.

L’évacuation des déchets solides et liquides est progressivement réglementée. Résultat : des centaines de milliers de fûts de déchets enrobés dans du bitume ou du ciment, parfois dans des containers, reposent au fond des mers. Certains containers prévus pour rester étanches pendant 500 ans fuient au bout de 29 ans...

En Europe de l’Ouest, le Royaume-Uni devient le champion des rejets en mer. Entre 1950 et 1963, l’autorité britannique de l’énergie nucléaire immerge, par 60 à 160 m de profondeur et à 20 kilomètres de la Hague, 17 000 tonnes de déchets dans des fûts métalliques. La radioactivité globale serait de l’ordre de 58 000 gigabecquerels.

D’après l’Institut de protection et de sûreté nucléaire, la radioactivité de ces eaux est imputable aux rejets de retraitement de la Hague et de son homologue Sellafield, et aux essais nucléaires atmosphériques. Les fûts ne sont même pas mentionnés, pourtant la fosse des Casquets est une poubelle nucléaire connue. Les déchets liquides sont déversés le long des lignes de ferries en mer d’Irlande pour ce qui concerne le centre de Windscale.

Le centre nucléaire hollandais de Petten se débarrasse selon la même méthode de ses effluents radioactifs en mer du Nord. La France préfère vite rejeter ces liquides contaminés dans la Manche par un pipeline long de 2 km à partir de la Hague.

Bioconcentration dans les corps vivants

Dans les années 1960, des pêcheurs remontent régulièrement dans leurs chaluts des fûts de déchets radioactifs. Parallèlement, l’inquiétude monte, les ONG environnementales et les mouvements antinucléaires se développent en Occident. Les rejets sont de plus en plus encadrés à un niveau national puis international.

La convention sur la prévention sur la pollution des mers résultant de l’immersion de déchets et autres matières, dite Convention de Londres de 1972 est mise en vigueur dès 1975. La Convention confie à l’Agence internationale de l’énergie atomique un rôle consultatif. Les pays signataires de la Convention doivent, avant de délivrer un permis d’immersion, suivre les recommandations de l’AIEA.

Jusqu’en 1977, l’évacuation dans la mer de déchets radioactifs n’a lieu qu’avec l’aval des autorités nationales, l’OCDE prend le dessus et crée un mécanisme multilatéral de consultation et de surveillance pour coordonner les opérations d’immersions préparés par ses états membres.

L’URSS continue dans le cadre de sa réglementation nationale à polluer secrètement les mers arctiques et le nord-ouest du Pacifique. Pendant la réunion consultative de 1983, des parties contractantes de la Convention adoptent un moratoire volontaire sur l’évacuation en mer de tout type de déchets radioactifs en attendant l’avis d’un groupe d’experts.

En 1985, un groupe élargi d’experts conclut que l’immersion de déchets faiblement radioactifs n’est pas dangereuse pour l’environnement mais qu’elle n’est pas forcément inoffensive. Au cours de ses sept ans d’existence, aucun rapport du groupe international d’experts sur l’évacuation de déchets radioactifs en mer (Igpra) n’indique l’existence d’un fort impact sur l’environnement résultant de l’immersion de poubelles radioactives.

Contamination de la chaine alimentaire

Progressivement, l’immersion de déchets radioactifs est interdite dans la Baltique (1992), dans la Méditerranée (1976), dans la Mer Noire (1992) et dans certaines zones du Pacifique (1985 et 1989). Toute immersion est interdite par les États liés à la Convention de Londres depuis un vote en 1993, effectif en 1994.

En 2003, 78 pays ratifient la Convention de Londres. Après l’accident nucléaire de Fukushima, à l’occasion de la conférence internationale de radio-écologie et de radioactivité environnementale du 20 juin à Hamilton, est créée l’Alliance européenne de radio-écologie. Espérons que cet énième organisme international se penchera sur cette pollution délibérée...

Le rayonnement des déchets radioactifs peut durer très longtemps. D’où une bioconcentration de certains nucléides possible chez les invertébrés fouisseurs et les animaux filtreurs. Par la bioaccumulation, toute une partie de la chaîne alimentaire peut être contaminée. Alors qu’on sait depuis longtemps que toute exposition directe ou indirecte à des produits nucléaires induit des risques, les gouvernements de tous bords ont sciemment empoisonné l’Océan au mépris des populations, pour développer le nucléaire civil et militaire en toute tranquillité. Malheureusement pour eux se développent partout une conscience écologique internationale qui s’amplifie après chaque « accident »…

Les mensonges du lobby nucléaire trompent de moins en moins. Il est temps, pour éviter que notre planète devienne invivable, de nous débarrasser de cette industrie mortifère et de tout ce qui l’a engendrée : capitalisme, centralisme, État, productivisme, armée, nationalisme.

Commission écologie d’AL

 
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