Chroniques du travail aliéné : « J’ai trop d’accidents du travail »




La chronique mensuelle de Marie-Louise Michel (psychologue du travail).
* Seul le prénom est modifié, le reste est authentique.

Je viens d’avoir un accident de travail. Un mois d’arrêt de travail. Mon chariot tridirectionnel s’est brutalement bloqué. J’étais à pleine vitesse en espace dégagé. Le harnais que j’avais attaché lâche, pour avoir des libertés de mouvements pour aller chercher mes cartons lorsque je fais du picking, a fait un peu élastique. N’étant pas suffisamment maintenu serré, je suis parti en avant et la sangle a arrêté brutalement le mouvement du thorax. Je me suis fait un lumbago. Douleurs intenses immédiates, j’avais du mal à me bouger. C’est le quatrième accident de travail en 5 ans. J’ai été embauché à l’ouverture de l’entrepôt et je suis le dernier des plus anciens à être resté sur le terrain. Mon chef me dit que je resterai au bas de l’échelle. Je suis polyvalent, je fais le stockage de palettes, le cariste, le préparateur de commandes, le réceptionniste. Il n’y a que moi qui fais partout. Le plus pénible c’est de porter des trucs de 30 ou 40 kilos. On est au rendement. On a des primes de production. J’ai toujours les primes de « surprod ». Moi, en plus, j’arrive toujours à faire de l’hyperprod. C’est quand on double la production. Il y a des pauses de deux fois douze minutes. Elles sont pointées. Si on dépasse, le cumul est calculé sur le mois et ce temps « de dépassé » est retiré du salaire. Le mois où j’avais fait trente heures de « surprod », on m’a enlevé une heure de « surpause ». Je me suis accroché avec mon chef. Alors maintenant, quand j’ai bien tourné, je prends une heure de pause et je discute. Les relations sont tendues.

J’ai décidé de chercher du boulot ailleurs. Ils ne me feront jamais évoluer, c’est sûr. Ils trouvent que j’ai trop d’accidents de travail. Mais, Il n’y a que moi qui fais autant de « surprod ». C’est peut-être pour ça qu’ils ne veulent pas me donner de promotion ? C’est peut-être aussi pour ça que j’ai plus d’accidents ? De toute façon, à ce rythme-là, je sais que je vais m’esquinter la santé. Alors, je cherche.

 
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