Tribune collective

Covid-19 : les quartiers populaires en première ligne




L’épidémie de Covid-19 frappe durement les quartiers populaires, et c’est étroitement lié aux inégalités et aux discriminations. Une tribune collective signée par l’Union communiste libertaire (UCL).

Depuis plusieurs semaines le monde est frappé par l’épidémie de Covid-19 et particulièrement la France, qui est devenue en l’espace d’un mois l’un des pays les plus frappés par le virus.

Si le virus ne fait pas de distinction entre les êtres humains, peu importe leur origine ou leur classe sociale, ce sont les inégalités sociales créées par les politiques gouvernementales successives et la gestion catastrophique voire criminelle du gouvernement actuel qui vient faire un tri social et racial dans la population.

Nous condamnons avec la plus grande fermeté l’ensemble des propos de certains politiques ou éditorialistes, visant à faire passer les gens des quartiers populaires pour des animaux, pour des irresponsables. Le confinement est tout autant respecté dans les quartiers populaires qu’ailleurs.

Depuis le début de cette crise, les personnes issues de l’immigration et des quartiers populaires sont en première ligne face à cette épidémie. Ils sont dans le milieu de la santé, dans les maisons de retraite, les Ehpad, les hôpitaux ; ce sont les aides-soignantes, les ASH, les infirmières, etc.

On les retrouve également dans les professions essentielles à la vie de la population : agents de nettoyage, cheminots, traminots, caristes, magasiniers, livreurs, caissières, etc. Ces personnes des quartiers populaires sont également contraintes par la pression du gouvernement et des patrons à travailler dans des entreprises non essentielles à la vie du pays pendant l’épidémie, comme dans le bâtiment, l’automobile ou l’industrie métallurgique, les mettant ainsi en danger.

C’est aussi dans ces quartiers populaires qu’une solidarité active se met en place par des jeunes et des moins jeunes de manière spontanée. Des portages de repas, de gants, de masques, d’explications sur la nécessité du confinement aux échanges de paroles avec les personnes les plus isolées ; la solidarité est totale et souvent de la part des plus démunis.

Nombre de personnes ont eu des proches atteints gravement par le virus, et beaucoup sont morts. Les premiers chiffres en attestent, avec l’augmentation de plus de 40% du taux de mortalité en un mois en Seine-Saint-Denis. Si le virus provient du pangolin, ce n’est pas lui le responsable. Par contre, ce sont bien les inégalités sociales et raciales qui contribuent à tuer ces habitants à petit feu.

Depuis des décennies, les moyens pour la santé sont de plus en plus rares. Les lits en réanimation par habitants sont moins nombreux dans les quartiers populaires et certaines campagnes qu’ailleurs. Concernant les médecins, on compte 54,6 médecins généralistes pour 100 000 habitants dans le 93 contre 71,7 en Ile de France. Les gens meurent car il est devenu de plus en plus difficile pour eux d’avoir accès aux soins. Les inégalités perdurent pendant le confinement.

Il y a celles et ceux qui se promènent dans les beaux quartiers, et les habitants des quartiers qui sont réprimés en bas de chez eux parfois en allant faire leurs courses. Nombre de personnes ne savent ni lire ni écrire, pourtant elles doivent elles aussi fournir une attestation pour aller faire des courses. Presque 10% des contraventions du pays ont été signifiées dans le seul département du 93, c’est dire le niveau de répression.

Comment ne pas vouloir également prendre l’air et respirer, lorsque l’on vit confiné depuis 4 semaines, dans des appartements exigus et souvent insalubres ? C’est d’ailleurs parfois et paradoxalement le confinement dans des logements exigus et sur-occupés du fait du manque de logements sociaux, qui tue.

Voilà la manière dont sont traités les gens issus de l’immigration vivant dans les quartiers populaires, criminalisés dans la rue comme dans les médias, alors qu’ils paient souvent un plus lourd tribut face au Covid-19.

Les inégalités ne s’arrêtent pas là. Transports insuffisants, chômage qui explose, multiplication des licenciements ou des fins de contrats, sans oublier une jeunesse des quartiers qui vit de plein fouet l’inégalité sociale dans l’apprentissage, manquant de moyens et d’aides concrètes.

Nous ne tomberons pas dans cette arnaque de l’unité nationale, qui voudrait que nous laissions mourir les plus faibles sans rien dire, comme si c’était une fatalité.

Nous exigeons d’urgence l’arrêt des entreprises non essentielles dans tout le pays.

Nous exigeons des moyens suffisants pour protéger celles et ceux en première ligne face au virus, dans la santé comme dans la production.

Nous exigeons des tests massifs pour toute la population, ainsi que la réquisition des logements vides et des hôtels, afin de protéger les familles qui en ont besoin.

Nous exigeons des transports permettant à ceux qui travaillent pour la survie de la population, de le faire sans danger, en lien avec les revendications des salariés et syndicats des entreprises concernées.

Nous exigeons que les aides sociales soient rehaussées pour que les précaires puissent vivre plus dignement.

Nous exigeons que soient interdits les licenciements, les ruptures de contrat et que le salaire soit maintenu à 100%.

Nous exigeons que les loyers, les charges notamment énergétiques soient gelées.

Nous exigeons un plan d’envergure pour l’hôpital public.

Nous exigeons la fin des contrôles au faciès qui génèrent des violences policières insupportables.

Nous exigeons la mise à l’abri ainsi que la régularisation de la situation administrative des migrants et des sans papiers.

Les habitants des quartiers populaires ne seront pas une fois de plus le bouc émissaire facile d’un pouvoir aux abois.

Face à un gouvernement au service des grands patrons, ce n’est pas à nous de payer ni leur crise économique, ni leur gestion catastrophique de la crise sanitaire.


Premiers signataires :

Hamza Aarab, militant MIB/FSQP Montpellier

Yamina Aissa Djabri, Militante des quartiers Toulouse

Marion Alcaraz, juriste

Sabrina Ali Benali, médecin

Sébastien Allary, porte parole DAL/HLM Montpellier

Torya Akroum, cheminote

Adil Amara

Mustapha Amokrane, Zebda-motivés

Salah Amokrane, militant associatif

Hind Ayadi, habitante de Garges les Gonesse et fondatrice espoir et création

Verveine Angeli, Union syndicale Solidaires

Bally Bagayoko, adjoint au maire de Saint-Denis, chef de file France insoumise

Manel Ben Boubaker, SUD éducation 93

Omar Benderra, militant associatif

Farid Bennaï, militant syndicaliste, FUIQP

Mohamed Bensaada, manipulateur radio et militant des quartiers populaires à Marseille

Wiam Berhouma , enseignante, militante antiraciste

Olivier Besancenot, porte-parole du NPA

Ahmed Berrhal, Syndicaliste CGT RATP

Saïd Bouamama, sociologue

Taha Bouhafs, journaliste

Sabrina Bousekkine, association Émergence Blanc Mesnil

Youcef Brakni, membre du Comité Adama

Gérard Chaouat, médecin, chercheur émérite CNRS

Louise Chapa, CGT éduc’action 93

Tayeb Cherfi, militant associatif Toulouse

Adrien Cornet, élu CGT Raffinerie Grandpuits

Alexis Cukier, philosophe, Syndicaliste CGT

Luc Decaster, militant associatif, Argenteuil

Elisabeth Dès, pneumologue, Toulouse

Rokhaya Diallo, journaliste et réalisatrice

Vincent Duse, Syndicaliste CGT PSA Mulhouse

Khalid El Hout, AJPPN Montpellier

Julien Fonte, FSU Territoriale 93

Sébastien Fontenelle, journaliste

Simon Frenay, militant des droits humains, Saint-Denis

Isabelle Garo, enseignante

Julie Garnier, Oratrice France Insoumise

Gaétan Gracia, Syndicaliste CGT Atelier Haute-Garonne

Michele Guerci, journaliste

Kaddour Hadadi, artiste

Lawari Hadadi, AJPPN Montpellier

Simon Hallet, CGT Thiolat Packaging

Boualem Hamadache, SUD Conseil départemental 93

Laldja Hamidouche, militante associative, habitante d’Argenteuil

Dawari Horsfall, militant associatif, conseiller municipal

Vincent Huet, adjoint au maire FI de Saint-Denis

Djamal Issahnane, militant CGT

Muhamad Kamal, artiste, Toulouse

Anasse Kazib, délégué SUD-Rail

Fethia Kerkar, militante associative d’Argenteuil

Hani Labidi, syndicaliste RS RATP

Nassim Lachelache, adjoint au maire Fontenay sous bois

Mathilde Larrere, historienne

Aude Lancelin, journaliste, fondatrice du QG

Nabil Lazrak

Patrice Leclerc, Maire PCF de Gennevilliers

Mustapha Mansouri, associatif Val Nord Nord d’Argenteuil

Fabien Marcot, graphiste

Madani Marsuk, Militant associatif Nîmes

Jimmy Markhoum, enseignant SNES-FSU Ecole émancipée 93

Zouina Meddour, militante associative Blanc Mesnil

Madjid Messaoudene, élu de Saint-Denis

Danièle Obono, députée FI de Paris

Étienne Penissat, élu de Saint-Denis

Christine Poupin, porte-parole du NPA

Philippe Poutou, porte-parole du NPA

Christophe Prudhomme, médecin, hôpital Avicenne, Bobigny

Ali Rahni, militant associatif Roubaix

Sandra Régol, secrétaire nationale adjointe de EELV

Giovanna Rincon, militante trans féministe, directrice Acceptess-T

Théo Roumier, syndicaliste et libertaire

Kante Sakho, Président de l’association bénévole musulman

Julien Salingue, docteur en science politique

Aïssata Seck, adjointe au maire de Bondy

Fatna Seghrouchni, co-secrétaire fédérale de SUD éducation

Pierre Serne, élu et militant de Montreuil

Laurent Sorel, élu FI Paris 20e, ensemble

Thierry Shafauser, syndicaliste au STRASS

Omar Slaouti, militant antiraciste

Azzédine Taibi, Maire PCF de Stains

François Thiollet, responsable du projet, EELV

Marie Toussaint, députée européenne EELV

Assa Traoré

Hadama Traoré, révolutionnaire

Aurélie Trouvé, porte parole d’Attac

Françoise Vergès, Politologue, militante féministe décoloniale antiraciste

Pablo Pillaud-Vivien, journaliste


Organisations signataires :

Association d’Argenteuil bénévoles musulmans

Brigades de Solidarité Populaire Île-de-France

CGT Atelier de Haute Garonne

CGT Neuhauser

Collectif Réseau Optile

Collectif Stylo rouge 93

Fédération SUD Rail

Front uni des immigrations et des quartiers populaires (FUIQP)

Nouveau parti anticapitaliste (NPA)

RS RATP

SUD éducation 93

Syndicat des quartiers populaires de Marseille

Union communiste libertaire (UCL)


Cette tribune a été publiée initialement le 14 avril sur Mediapart.


 
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