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États-Unis : ce que signifie l’échec de Clinton




Comme pour le Brexit, la déconfiture de Clinton résulte d’une réaction combinant révolte sociale et rancœur réactionnaire. Pour les révolutionnaires, l’enjeu est d’encourager la première, tout en combattant la seconde.

Un pitre milliardaire et réactionnaire, Donald Trump, va entrer à la Maison-Blanche. Dans le monde entier, après huit ans de mandat d’un président au style sensiblement différent, Barack Obama, cela suscite des interrogations.

Cette élection présidentielle mettait en concurrence deux vitrines du capitalisme états-unien :

  • un capitalisme « à l’ancienne », protectionniste, isolationniste, patriarcal et WASP (« white, anglo-saxon, protestant »), illustré jusqu’à la caricature par Donald Trump ;
  • un capitalisme « moderne », libre-échangiste, mondialisé et « rainbow », c’est-à-dire soit-disant inclusif vis-à-vis des minorités ethniques, religieuses et LGBT, incarné par Hillary Clinton.

Pour les femmes, les minorités et l’ensemble des travailleuses et des travailleurs, la victoire du premier est une mauvaise nouvelle, même s’il ne fallait rien attendre d’Hillary Clinton. Le sentiment est cuisant d’un « retour de bâton » réactionnaire après des années de luttes pour l’égalité des minorités dominées, et notamment le mouvement Black Lives Matter. Tout cela, c’est la dimension réactionnaire du vote Trump.

Mais pour comprendre comment le personnage l’a emporté, il faut aussi tenir compte de la dimension sociale de ce vote, qui a révélé une désaffection des classes populaires envers le Parti démocrate. Clinton a perdu, entre autres, parce qu’elle a échoué à emporter des États industriels traditionnellement démocrates, notamment ceux dits de la rust belt [1] du nord-est. Le Parti démocrate a également échoué à renouveler l’enthousiasme que l’illusion Obama avait soulevé dans la minorité noire.

Il n’y a pas eu de vague Trump, mais effondrement du vote démocrate

La forte abstention (46%) lors cette élection est parlante, mais plus parlante encore est sa répartition. D’un côté il n’y a pas eu de vague d’enthousiasme autour de Trump. Il n’a réuni que 59,8 millions de voix, c’est-à-dire moins que les candidats républicains en 2008 (60,9 millions) et en 2012 (59,9 millions). Mais du côté démocrate, ça a été l’effondrement : avec 200.000 bulletins de plus que son rival, Clinton n’a cependant recueilli que 60 millions de voix, contre 66 millions pour Obama en 2012, et 69,5 millions en 2008.

Lassitude du chômage, des délocalisations d’usines, des expulsions de maisons… Même l’obamacare n’a engendré que déception : augmentation des cotisations des salarié.es les plus aisé.es sans que cela crée une vraie sécurité sociale pour les plus pauvres. Le dégoût de ce désastre monte. Il vient de chasser Hillary Clinton. Une prochaine fois, il chassera Trump, après qu’il aura conduit la même politique capitaliste. Mais, entre-temps, ce dernier aura fait beaucoup de mal en décomplexant les discours de haine raciste, sexiste et homophobe, et en légitimant le négationnisme climatique. On peut légitimement redouter qu’il tente de mettre ses promesses en application.

L’idéologie néolibérale apparaît usée jusqu’à la corde

En Occident, les peuples sont à la recherche d’une alternative économique et sociale. L’idéologie néolibérale – même agrémentée d’un supplément d’âme « rainbow » – apparaît usée jusqu’à la corde. Elle ne fait plus rêver personne en-dehors des classes possédantes, et cela affole la petite clique politico-médiatique qui commente, médusée, les indices contradictoires de cette obsolescence : d’un côté, des luttes massives contre la casse sociale ; d’un autre côté, le repli sur des réflexes xénophobes et réactionnaires avec, par exemple, la menace du FN en France.

Il est urgent de faire émerger une véritable alternative, une réponse à la détresse sociale des millions de travailleuses et de travailleurs qui se sentent abandonnés. Et la réponse n’est ni dans une fuite en avant néolibérale ni dans le repli sur un capitalisme national. Libre-échange et protectionnisme ne sont que les deux faces d’une même monnaie, qui laisse les capitalistes maîtres du jeu. La question centrale, c’est celle de leur expropriation et de la socialisation autogestionnaire de l’économie.

Alternative libertaire, le 14 novembre 2016

Manifestation anti-Trump à New York, le 12 novembre.
cc Kelly Kline

[1Rust belt : la « ceinture de la rouille » des zones désindustrialisées.

 
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