Syndicalisme

La Poste : chômage et surmenage au menu du « monde d’après »




Grâce à la crise du coronavirus, la direction du groupe teste grandeur nature des réorganisations qu’il lui plairait bien de pérenniser. Au ­centre des enjeux : supprimer des emplois, notamment à la distribution. Pour cela, La Poste promet aux factrice et facteurs de ne travailler qu’un samedi sur quatre... sans dire la vérité sur les dégâts sociaux.

Durant tout le confinement, Philippe Wahl, le PDG du groupe, a porté la bonne parole capitaliste sur les plateaux de télé. Un trémolo dans la voix, il a louangé la résilience des postières et postiers. En réalité, comme toutes les professions qui ont continué à travailler, les postiers sont plus touchées que la moyenne par le Covid-19.

Les personnels en ont souffert dans leur chair, mais aussi les territoires qui n’ont pas pu bénéficier de la continuité du service public. Les bureaux des zones rurales et des quartiers populaires ont été fermés en priorité, ou ont vu leurs distributeurs automatiques de billets négligés par la Banque postale, laissant des pans de la population sans cash, ce qui a conduit certaines mairies à distribuer des bons sociaux.

La direction du groupe La Poste a été dépassée par les événements au début, puis elle a mis toutes ses forces à préparer l’« après ». Depuis le début, elle a voulu se passer des CHSCT et piétiner les syndicats. Cela a d’ailleurs conduit les syndicats réformistes à cosigner un courrier mi-cocasse mi-pathétique  [1] pour se plaindre que la Poste ne respectait pas les accords signés... Ces organisations qui n’existent qu’un stylo à la main croient encore au « dialogue social » avec une entreprise qui prouve chaque jour qu’elle privilégie ses lignes comptables.

Un volume de colis record

La récente décision de modifier les horaires des facteurs et factrices en est un parfait exemple. Évidemment, la direction agite une jolie carotte : nous faire travailler seulement un samedi sur quatre. On arrêterait le courrier, on ne distribuerait plus que les colis, les recommandés et la presse. Donc adieu le service public avec le courrier six jours sur sept. Mais pas de doute : il s’agit avant tout de préparer un ­vaste plan ­d’économie. Il conduira à réduire de 75 % le nombre de factrices et facteurs sur le terrain le samedi… Or, même sans le courrier, le volume de colis, avec le confinement, a atteint des niveaux records – comparables aux volumes enregistrés normalement en période de fêtes de fin d’année. Cela induira donc une augmentation des cadences et de la charge de travail, tout en liquidant des centaines voire des milliers de CDD et d’intérimaires, alors que le chômage monte en flèche.

Du côté des services financiers, mais aussi des directions support, la direction envisage la pérennisation du télétravail pour l’après-Covid. Depuis le début de la crise, elle essaie d’isoler les salariées, et notamment de les isoler des syndicats, pour affaiblir les résistances potentielles.

Il est pourtant évident que nous allons devoir résister. Le 11 mai, la fédération SUD-PTT a appelé les salariées de la Poste à s’opposer aux réorganisations en usant de la grève ou du droit de retrait. Dans certains départements comme la Gironde, la CGT a pu, de même, déposer des préavis illimités.

Comme pour d’autres, la question de la socialisation de l’entreprise se pose. La crise du Covid-19 a vu émerger l’entraide au sein de la population. À aucun moment, nous n’avons pu compter sur nos patrons ou sur le gouvernement. Et pour défendre le service public au sein de l’entreprise, nous ne pourrons compter sur nous-mêmes et les syndicats de lutte qui ne cherchent pas à lever la patte pour avoir un susucre. C’est en se mobilisant que nous pourrons convaincre la population qu’un vrai service public postal est possible.

Hugo (UCL Orléans)

[1Lettre CGC, CFTC, FO, CFDT, 4 mai 2020.

 
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