Lire : Mahmoud Traoré, Bruno Le Dantec, Dem ak Xbarr « Partir et raconter »




Partir et raconter est l’Odyssée moderne de Mahmoud Traoré, un de ces milliers de jeunes Africains et Africaines qui prennent la route dans l’espoir d’une vie meilleure en Europe.

Il part en septembre 2002 de Dakar, laissant son boulot dans une menuiserie pour suivre son ami Bambo Sané. « Tu es là avec les mains vides et tu en as marre de galérer et d’attendre quelque chose qui, tu le sais bien, ne viendra jamais à toi si tu ne vas pas le chercher avec tes pieds. Alors un beau jour tu secoues ta carcasse et tu tentes ta chance, en te disant que si ça tourne mal, il sera toujours temps de rebrousser chemin. » A travers le Sahel, le Sahara et le Maghreb, à force de tenacité, de débrouillardise et de courage, il arrive à bon port. Le 29 septembre 2005, un millier de saute-frontière africains et africaines se lancent à l’assaut de la forteresse Europe, il est de celles et ceux qui parviennent à poser les pieds sur le sol de l’enclave espagnole de Ceuta. Bambo n’a pas eu cette chance, ayant suivi un autre trajet, il a disparu dans le détroit de Gibraltar, comme tant d’autres.

Vivant maintenant en Andalousie, Traoré raconte son aventure. « Il se fait porte-voix des anonymes, des disparus, de toute une jeunesse oubliée qui pousse du front contre les grilles, en quête d’un monde dont elle ne serait plus exclue. », selon les mots de Bruno Le Dantec qui a recueilli et réécrit son récit. C’est un témoignage unique sur l’organisation des migrants en « maisons », « ghettos », campements de fortune qui jalonnent leurs périples. Une société souterraine qui plonge ses racines dans la culture africaine, avec ses propres lois, ses mécanismes de domination, ses hiérarchies mais aussi ses solidarités, ses résistances, ses révoltes.

Il décrit aussi l’économie parallèle qui s’est développée autour de l’exploitation des migrants, et ceux qui en profitent : flics, douaniers, militaires, logeurs, patrons, transporteurs, dont la rapacité s’accroit à mesure que l’on s’approche du but. Dans la postface, Le Dantec montre comment « la frontière c’est un bizness » aussi pour les États maghrébins qui monnayent leur collaboration à la politique migratoire de l’Union Européenne, et au final pour le capitalisme mondialisé qui impose les pires conditions d’exploitations et de vie à celles et ceux qui arrivent à franchir les frontières de ce qu’ils et elles pensent être l’Eldorado.
Cette Odyssée africaine est un hymne à la jeunesse et à l’aventure, un plaidoyer contre l’enclosure du monde et pour la liberté de circulation.

Hervé (AL Marseille)

Mahmoud Traoré, Bruno Le Dantec, « Dem ak Xbarr » Partir et raconter. Récit d’un clandestin africain en route vers l’Europe, Editions Lignes, 2012, 320 p., 23 euros.

 
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