Lire : A. Dan et Maximilien Le Roy « Thoreau. La vie sublime »




Faire découvrir des personnages ou des luttes au plus grand nombre par le biais de la bande dessinée est une initiative à saluer. C’est ce que fait Maximilien Le Roy, qui n’en est pas à son coup d’essai (Nietzsche, Faire le mur, Dans la nuit la liberté nous écoute…).

Consacrée à Henry David Thoreau, la BD débute d’emblée sur l’homme mature, celui qui part s’établir dans la forêt de Walden, qui lui inspirera son chef d’œuvre Walden ou la vie dans les bois .

C’est le Thoreau de la simplicité volontaire, celui qui rejette le culte de l’argent, la réussite sociale, le progrès technologique à outrance, la religion (monothéiste du moins), la célébrité ou encore la « bonté feinte ». À l’heure de la décroissance et des grandes messes contre la misère et la faim dans le monde, son discours est d’une actualité brûlante et en fait encore un penseur pour aujourd’hui.

Certains aiment à le dépeindre comme une sorte d’ermite illuminé, pacifiste prônant la non-violence comme finalité absolue. Au contraire, les auteurs mettent l’accent sur l’écologiste radical, l’abolitionniste qui aidera des esclaves en fuite, qui songea à machiner des complots contre l’Etat, qui prendra la défense du militant John Brown, un abolitionniste lui aussi qui fut condamné pour les assassinats de plusieurs propriétaires d’esclaves.

Thoreau est aussi l’homme qui rédigera Résistance au gouvernement civil après sa nuit en prison pour ne pas s’être acquitté des taxes fédérales. Un penseur peut donc ne pas être si paisible et inoffensif que l’on veut bien le faire croire.

Sur la forme, le dessinateur Daniel Alexandre (A. Dan) laisse beaucoup de place à la contemplation des sublimes paysages nord-américains, en accord avec l’esprit du philosophe.

Et comme d’habitude avec Le Roy, on a droit à un petit plus : l’avant-propos de la BD, mais aussi l’interview de Michel Granger qui vient clore l’ouvrage (où vous pourrez admirer la cabane où a vécu Thoreau et le bel étang de Walden, entre autres).

Toutefois, on pourra regretter – surtout si l’on connaît déjà le personnage – une certaine légèreté au niveau du scénario, ainsi qu’un prix un peu élevé. Mais pas de quoi bouder son plaisir non plus, alors n’hésitez pas à vous embarquer avec ce philosophe poète naturaliste qui a voulu jusqu’au bout « sucer toute la moelle de la vie ».

Loin des questions et débats stériles – Thoreau était-il libertaire ? – le mot de la fin revient à Michel Granger : « Un siècle et demi plus tard, dans le contexte d’une crise financière menaçante et avec l’échéance proche d’une crise écologique, ses intuitions prophétiques ouvrent nos yeux sur l’évolution dangereuse de notre civilisation et incitent à s’engager dans des alternatives »

Nico (AL Lorraine)

A. Dan et Maximilien Le Roy, Thoreau. La vie sublime, Lombard, 2012, 88 p., 20,50 euros.

 
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