Assurance chômage : la casse annoncée




C’était une des promesses de campagne d’Emmanuel Macron en 2017  : la «  réforme  » de l’assurance chômage. Cette réforme est présentée à coups de grandes annonces de communication, annoncée comme étant autant bénéfique aux entreprises qu’aux travailleurs et travailleuses. Nous tentons ici de démêler les effets d’annonces, des conséquences de cette réforme, ce qui sera réellement subi par les privé.es d’emploi et les précaires.

La réforme de l’assurance chômage, qui devrait être lancée en cette rentrée 2018, a été préparée de longue date. En décembre 2016, dans sa grande opération de séduction électorale, Emmanuel Macron annonçait une mesure phare  : permettre à tous les salarié.es démissionnaires d’accéder à l’assurance chômage une fois tous les cinq ans. Déjà, ce principe possédait un effet pervers  : la possibilité pour un employeur de pousser plus facilement un travailleur ou une travailleuse vers la sortie, avec certes une indemnisation mais sans la certitude de retrouver un emploi à la hauteur du précédent… ni simplement celle d’en retrouver un.

Une mesure qui aurait eu un effet négatif plus important sur les travailleurs et les travailleuses les moins qualifié.es. Car, faut-il le rappeler, le taux de chômage est de moins de 5 % pour les bac + 2 mais de près de 20 % pour les sans diplômes ou titulaires d’un certificat d’études primaires (CEP) et d’un brevet  [1].

Faut-il s’en étonner  ? Cette promesse a été revue à la baisse. Pour bénéficier de l’indemnité, il faudra justifier d’un «  projet professionnel […] réel et sérieux  » selon Muriel Penicaud. Ce projet sera vérifié par une commission régionale. Puis, au bout de six mois, les démissionnaires seront soumis à un contrôle spécifique. En parlant de contrôle, les agent.es affecté.es au flicage des chômeuses et chômeurs devraient tripler, passant de 200 agent.es à 600, toujours selon Muriel Penicaud.

Un contrôle des chômeurs toujours plus arbitraire

Depuis la loi du 1er août 2008 du gouvernement Sarkozy, le refus de deux offres «  raisonnables  » d’emploi peut entraîner une radiation et ce alors même que 50 % des offres d’emploi disponibles sur le site de Pôle emploi sont illégales ou ne donnent pas toutes les informations requises, d’après le travail du comité «  chômeurs rebelles  » de la CGT.

Résultat de l’analyse d’offres d’Août 2018. Retrouvez les détails sur le blog Cgt Chômeurs 56

Avec la réforme de Macron, la définition d’offre «  raisonnable  » jusqu’ici fixée par la loi, pourrait maintenant être décidée «  en commun  » par Pôle emploi et le demandeur. Autant dire sujette à une définition arbitraire de l’institution, dont l’objectif premier semble être aujourd’hui de radier un maximum de privé.es d’emploi bénéficiaires d’indemnités dans le but de faire baisser les chiffres officiels du chômage.

De nouvelles concessions au patronat

Une autre promesse faite par Emmanuel Macron lors de sa campagne est abandonnée. Car, parvenu au pouvoir, Macron ne fait que revenir sur les belles promesses faites aux salarié.es, même si ces promesses étaient déjà discutables.

Il prépare désormais une nouvelle concession aux actionnaires et chefs d’entreprises  : la taxation des contrats précaires (intérim, CDD, intermittent.es) a tout simplement disparu du projet de loi. En remplacement de cette mesure, les entreprises sont invitées à trouver elles-mêmes leurs solutions pour réduire le nombre de contrats précaires. Voilà qui nous rappelle la mascarade du Crédit impôt pour la compétivité et l’emploi (CICE) et du pacte de responsabilité du gouvernement Hollande, demandant aux entreprises de créer des emplois en échange d’exonérations financières, mais ne prévoyant pas de contrôle… Bref, permettre ainsi aux entreprises de s’enrichir sans embaucher. Entre «  responsabilité  » envers la stabilité professionnelle des travailleuses et travailleurs et le profit des actionnaires, le choix a été fait  !

Cette réforme, c’est aussi un grand coup porté au contre-pouvoir des syndicats. Jusqu’à aujourd’hui, l’Unédic, l’organisme qui gère l’assurance chômage, était dirigée de façon paritaire par les syndicats et le patronat. Avec la réforme, le gouvernement décidera des modalités de l’équilibre financier à respecter. Patronat et syndicats devront appliquer. Un équilibre financier qui – au vu de toute la politique du gouvernement Macron obsédé par les critères de rentabilité – se fera au détriment des droits des privé.es d’emploi et des précaires.

Selon le gouvernement, il s’agit de réduire la dette de l’Unédic. Celle-ci n’est pourtant pas causée par le fonctionnement de l’assurance chômage. Les recettes des cotisations sont aujourd’hui suffisantes pour couvrir les indemnités versées aux demandeurs et demandeuses d’emplois.

Une attaque portée aux syndicats

Les crises économiques des années 1970 et 1980 ont fait monter le chômage. Les gouvernements successifs ont imposé à l’Unedic de recourir aux emprunts sur les marchés financiers et à ses taux d’intérêts. Et ce serait aujourd’hui aux privé.es d’emploi de rembourser les effets des crises financières  ! La finance s’enrichit ainsi de ses propres crises.

Que propose le gouvernement pour régler le problème  ? Non pas une augmentation des cotisations de l’assurance chômage, c’est à dire des salaires, bien entendu, mais leur suppression pure et simple, compensée par une augmentation de la CSG pour que tout le monde, retraité.es compris, passe à la caisse.

Il s’agit bien une fois de plus d’une excuse de la part d’un gouvernement libéral pour servir le patronat. Depuis sa création en 1945, le détricotage de la Sécurité sociale n’a pas cessé. Il s’est accéléré pendant les années Mitterand et le tournant de la rigueur. Le gouvernement prévoit effectivement de faire disparaître ce qui reste de la part de cotisation salariale de l’assurance chômage. Déjà passée de 2,40 % à 0,95 % soit une baisse de 1,45 points en janvier 2018 (pour une augmentation de la CSG pour toutes et tous de 1,7 points), le gouvernement prévoit de faire disparaître la part restante restants avec sa réforme. Avec un taux de chômage qui ne fait qu’augmenter, et une Unédic soit-disant déjà trop endettée, on marche sur la tête.

Ainsi qu’au principe même de la sécurité sociale

Tout cela aura une conséquence logique  : justifier les baisses des indemnités chômage «  nécessitées  » par la dette que l’on organise, au détriment des privé.es d’emploi et précaires, au bénéfice de ceux qui ont déjà trop.

Florian (AL Nantes)

[1Insee.fr – Les écarts sont encore plus importants pour les jeunes pendant les quatre années suivant la fin de leur scolarité. Le chômage touche plus massivement cette catégorie sociale déjà plus fragile financièrement. Si le taux est inférieur à 10 % pour les bac + 2 (et plus), il atteint près de 50 % pour les sans diplômes ou titulaires d’un CEP ou d’un brevet.

 
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