Lycée professionnel : La tronçonneuse Blanquer




Depuis l’annonce de la « réforme » des lycées professionnels par Jean-Michel Blanquer le 28 mai dernier, les inquiétudes grandissent parmi les enseignant.es et personnels. Les organisations syndicales s’en sont fait le relai en écrivant un courrier commun au ministre le 14 juin. Une chose est sûre : le rapport de force se construira dès la rentrée de septembre.

Les enjeux autour des premières annonces ministérielles sont posés  : nous voilà face à une «  réforme  » des lycées professionnels qui puise à deux sources. Celle du dogme austéritaire avec un plan social qui menace des milliers de postes, entre 6 000 et 7 000 selon les estimations des syndicats, de l’ordre de 10 % de l’effectif global. Celle de l’élitisme macronien avec la mise sur orbite de «  harvard du professionnel  » destiné aux «  meilleur.es  »… alors que dans le même temps ce sont des centaines d’heures de cours qui sont promises à la suppression, principalement en enseignement «  général  », pour la majorité des lycéen.nes pro. 300 à 400 heures de moins en bac pro selon les grilles, 200 en CAP  : c’est clairement enlever beaucoup à celles et ceux qui ont déjà peu.

Parce que ce dont ne parle pas la réforme Blanquer, c’est bien des revendications légitimement exprimées dans de nombreux lycées professionnels qui se battent, trop souvent en vain, pour des moyens qui permettraient d’assurer des conditions de travail et d’étude un tant soit peu acceptables.

Où sont les classes d’accueil pour élèves primo-arrivant.es  ? Où sont les heures de concertation pour les équipes pédagogiques permettant de construire des projets  ? Où sont les heures de dédoublements permettant de s’adapter à des publics scolaires en difficultés pour leur donner la possibilité de plus et mieux progresser  ? Où sont les investissements en termes de bâtiments qui donneraient de l’espace aux élèves et aux personnels pour imaginer une autre vie lycéenne  ? Où sont les moyens en vie scolaire qui assureraient une présence renforcée de personnels adultes pour mieux accompagner les élèves ? Où sont les garanties en termes de poursuites d’études pour les lycéen.nes du professionnel ?

La «  réforme  » Blanquer n’est pas celle dont ont besoin les lycées professionnels, leurs personnels comme leurs élèves.

À l’heure de la mobilisation

C’est bien pour cela qu’il est nécessaire de construire une riposte qui pose les vraies questions et porte les vraies revendications. La plupart des organisations syndicales en sont bien conscientes. C’est ce qu’a exprimé un courrier intersyndical envoyé au ministère le 14 juin dernier. Des lettres ouvertes de personnels ont également vu le jour, pointant les angles morts de la communication sur cette «  réforme  » qui s’annonce à très hauts risques.

Des désaccords sont malgré tout encore présents sur l’approche à avoir  : ainsi le Snetaa-FO estime-t-il que l’heure est d’abord à la négociation «  à froid  » avec les services du ministère. L’urgence serait à « donner du temps au temps ». Mais plusieurs signaux indiquent au contraire que c’est la mobilisation qui est à l’ordre du jour, et ce dès la rentrée de septembre.

Une pétition nationale a été lancée par la CGT réclamant un « plan d’urgence pour la voie professionnelle ». Des intersyndicales départementales ou académiques, dont la composition peut être à géométrie variable, se sont déjà réunies et ont discuté des initiatives à prendre. Sur Orléans-Tours par exemple, c’est une journée d’heures d’information syndicale communes sur l’ensemble des lycées professionnels de l’académie qui est d’ores et déjà programmée le mardi 18 septembre. Cette idée semble d’ailleurs avoir été reprise par le Snuep-FSU (troisième organisation au plan national).

Une intersyndicale nationale des syndicats agissant dans l’enseignement professionnel doit se réunir le 28 août. À l’heure où nous écrivons nous n’en connaissons pas le résultat, mais il est clair que poser une première date de grève, assez vite, semble une nécessité. Avec ou sans le syndicat majoritaire  ? Peut-être faudra-t-il s’en affranchir.

On pourrait imaginer un axe intersyndical combatif CGT-FSU-SUD réussir à entraîner une proportion non négligeable de personnels dans l’action. Quitte à se ménager à côté des initiatives plus larges.

C’est aux personnels de décider

Même si la période des congés d’été n’a évidemment pas été propice, il remonte des derniers temps collectifs en lycées professionnels (corrections, réunions de fin d’année…) que les enseignant.es et les personnels accueillaient très négativement les annonces ministérielles. L’idée d’organiser partout, et un même jour, des heures d’information syndicale en septembre, comme le proposent les syndicats d’Orléans-Tours, permettrait de mesurer la disponibilité et la détermination à agir ensemble. Parce que c’est bien sur les salarié.es des lycées pro, et d’abord sur elles et eux, que peut reposer un réel rapport de force. Tout est à discuter  : quelle mobilisation construire  ? Comment y associer les usager.es  ? Quels contre-feux allumer face à la propagande ministérielle  ? Quelles revendications mettre en avant, lycée par lycée s’il le faut  ?

Et puis, car elle sera inévitable, quelle grève construire  ? Faut-il se contenter de quelques journées d’action éparpillées tout au long de l’année  ? Ne vaut-il pas mieux faire le pari d’élargir des bassins grévistes, en s’appuyant sur des journées rapprochées appelées nationalement  ?

Pour cela, il faut d’emblée poser la question de l’articulation entre initiatives intersyndicales et auto-organisation. Les premières heures d’information syndicale de l’année scolaire 2018-2019 peuvent permettre d’établir des pratiques assembléistes qui assurent un ancrage de la mobilisation au plus près du terrain. À partir de ces assemblées, on peut avoir l’espoir que soient mandaté.es des délégué.es qui se chargent de coordonner, à différents niveaux, les propositions d’actions et d’initiatives émanant des personnels eux/elles-mêmes. Que les organisations syndicales peuvent bien sûr soutenir et promouvoir. Avoir tout cela en tête dès maintenant, c’est se préparer à se défendre, à ne pas se laisser faire et à contre-attaquer.

Théo Roumier, syndicaliste SUD éducation

 
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