Lire : Naomi Klein, « Tout peut changer. Capitalisme et changement climatique »




Avec son nouvel opus et ses conférences, Naomi Klein rallie le front qui revendique la justice climatique comme une opportunité de transformation positive du capitalisme. Un projet juste et argumenté, mais révolutionnaire… à sa façon.

Le dernier livre de Naomi Klein peut faire date aux États-Unis, car il représente une somme de très bonne vulgarisation sur les impacts que l’american way of life inflige y compris à ses propres territoires et populations (sous-estimation des effets de la pollution, extinctions d’espèces), ainsi qu’une dénonciation du mécénat intéressé des grandes industriels ­étatsuniens dans l’environnementalisme. C’est aussi une mine d’informations sur les principaux mouvements de résistance aux impasses et convoitises du capitalisme, et sur les alternatives en marche : peuples autochtones d’Amérique du Nord qui s’organisent, agriculteurs de filières alternatives, opposants de tout poil. L’équivalent des Zad outre-Atlantique s’appelle la « Blocadie » (résistances aux grands projets, Occupy divers...), là-bas aussi on veille aux opportunités politiques de ces « poches de résistances » : barrière directe contre le capitalisme, convergences contre des oppressions trop diverses, pourtant liées par les mêmes ennemis. Parmi les projets de l’ouvrage figure en bonne part cette volonté de rassembler mouvements écologistes et mouvements sociaux (notamment contre les accords de libre-échange, mais bien d’autres), reconnaissant qu’ils ont les mêmes buts. La justice climatique fait le ciment des deux revendications. C’est le projet d’un front du climat.

Des mots d’ordre antilibéraux pas toujours radicaux

Malgré une analyse très juste de ce à quoi nous mène le capitalisme effréné – guerres pour les ressources et les zones épargnées, éco-fascime – et bien qu’elle déplore l’ « erreur » des mouvements écolo au moment de ­l’Alena, Naomi Klein en reste à des solutions souverainistes et d’amendement du capitalisme. Certes, ce serait déjà une belle révolution que d’appliquer le principe pollueur-payeur, cesser la surproduction en lien avec la réduction et le partage du temps de travail, promouvoir vraiment le renouvelable, le local. Mais on compte ici sur le volontarisme ­d’une classe politique « décroissante », qui naîtra forcément de la pression populaire et de la refonte démocratique qu’elle exige (sans l’obtenir), qui entreprendra planification, gestion/service public des ressources et redistribution équitable des richesses. Si l’urgence écologique – et sociale – rend défendables des revendications de ce type, avec parfois des résultats propres à convaincre, le système subvertit la plupart des réalisations.
Réguler le capitalisme n’est pas une option de rupture mais de défense.

Finalement, on peut saluer l’honnêteté politique du titre français – plus fade que l’anglais – voulu par l’auteure et l’éditeur : le climat contre le capitalisme devient bien capitalisme et changement climatique, et ça change tout,.

Mouchette (commission écologie)

 Naomi Klein, Tout peut changer – Capitalisme et changement climatique, Actes Sud, 2015, 620 pages, 24,80 euros.

 
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