Education populaire : agréée par l’Etat, soumise au marché




L’éducation populaire, c’est une pratique, mais c’est aussi… un agrément. C’est-à-dire une tutelle, des subventions, la professionnalisation. Est-ce un gage d’éthique ? Pas vraiment, comme le montre leur gestion du personnel et leur course aux marchés publics.


Cet article est issu d’un dossier spécial sur l’éducation populaire


En créant, en 1943, un agrément « Jeunesse et éducation populaire » (JEP), le régime de Vichy a amorcé l’institutionnalisation d’un mouvement qui, jusque-là, fonctionnait de façon autonome, sans subventions étatiques. Reconduite après la Libération, cette mise sous tutelle ministérielle ne devait plus cesser.

Aujourd’hui, cet agrément JEP est devenu indispensable. Pour une question de crédibilité, les associations se doivent de l’obtenir – sans garantie toutefois que son attribution soit assortie de subventions !

Le « secteur JEP » représente en France 430 000 associations (soit 49 % du total des associations), pour un budget cumulé de près de 18 milliards d’euros, soit près de 1,4 % du PIB [sic]. Elles emploient près de 680 000 personnes (350 000 en équivalent temps plein) et s’appuient sur 6 millions de bénévoles [1].

Le Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d’éducation populaire (Cnajep) regroupe les mastodontes du secteur, soit environ 70 structures parmi lesquelles la Ligue de l’enseignement, les Céméa, les Francas, Léo Lagrange, les MJC, l’UFCV, les Scouts et Guides de France, les Foyers de jeunes travailleurs, la Joc, le MRJC, la Fédération sportive et gymnique du travail.

Autant dire que ces grosses machines aux budgets impressionnants sont confortablement installées dans l’économie française et n’aspirent pas à bousculer le système en place. Prisonnières de leurs frais de fonctionnement, elles sont lancées dans une course permanente aux marchés publics.

Ces associations sont héritières d’une longue histoire (lire article « 200 ans de volontarisme et de tentatives de domestication ») et leurs spécificités sont encore marquées bien que beaucoup soient tombées dans le piège de la professionnalisation. L’animation politique est déléguée à des salarié-e-s, ce qui sape l’autogestion associative. La position de ces salariés, sous prétexte d’un présupposé engagement militant, est souvent compliquée : le chantage affectif est monnaie courante dans un milieu peu syndiqué, où l’on consent trop facilement aux heures sup’ non rémunérées. Difficile, ensuite, de sortir du cercle vicieux de l’auto-exploitation.

En 2014, la réforme des rythmes scolaires, en allégeant la journée de classe et en introduisant des heures d’ateliers périscolaires en maternelle et dans le primaire, a ouvert un nouveau marché.

Pour répondre à cette demande, certaines grosses associations ont candidaté les unes contre les autres, sans se soucier des difficultés rencontrées par leurs concurrentes plus petites – celles qui proposaient des activités en continu le mercredi par exemple.

A l’occasion de cette réforme, le secteur de l’éducation populaire n’a pas su négocier les conditions (taux d’encadrement, durée des ateliers, etc.) nécessaires pour mener des ateliers ambitieux.

Qui trinque à l’arrivée ? Les animatrices et animateurs sur le terrain, trop souvent sous-formés, sous-payés et sous-employés  ; et bien sûr les enfants, notamment ceux des municipalités désargentées condamnées aux ateliers low-cost…

Caroline (AL Paris nord-est)

[1Chiffres donnés par le Cnajep, regroupement des plus grosses structures du secteur.

 
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