Rentrée sociale : Trois fenêtres de tir




L’année 2008-2009 a été chargée en mouvements sociaux mais n’a pas débouché sur une confrontation d’ensemble. Quels seront les points d’appui cette année pour sortir des journées d’action sans lendemain ?

Toutes les conditions semblaient réunies l’an dernier pour construire un mouvement d’ensemble. La crise a clairement mis en évidence le poids des inégalités sociales, le mépris des classes possédantes pour les salarié-e-s et l’absurdité de notre système économique. Les grèves unitaires en Guadeloupe et Martinique ont montré une stratégie de confrontation directe menant à des victoires. Plusieurs secteurs (universités, ERDF, hôpitaux) ont connu des grèves longues. Dans le privé, des salarié-e-s ont utilisé des modes d’actions parmi les plus radicaux. Enfin, les journées d’action du 29 janvier et du 19 mars ont montré que plusieurs millions de salarié-e-s tenaient à faire entendre leur exaspération.

Pourtant… rien.

Comme à leur habitude, les directions des confédérations syndicales n’ont proposé aucune stratégie, se contentant de bavarder entre elles ou avec le gouvernement et d’organiser des échecs annoncés comme la journée d’action du 13 juin. Aucune initiative centrale n’a été organisée pour regrouper les salarié-e-s en proie aux licenciements.

En cette rentrée 2009, la crise sociale est toujours aussi profonde, les patrons et le gouvernement sont toujours aussi arrogants. Bref, on se trouve dans une situation analogue à 2008. Alors quels sont les points d’appuis pour sortir des « temps forts »/« temps morts » ?

1. Briser l’isolement face aux licenciements le 17 septembre

Si le plan de relance de Sarkozy a permis d’augmenter le chiffre d’affaire des constructeurs automobiles PSA et Renault, il n’a pas du tout enrayé les faillites chez les sous-traitants, entraînant des licenciements en nombre durant l’été. Les salarié-e-s ont choisi de se battre. Les grèves dans l’automobile et ailleurs ont vu des menaces de destruction d’entreprises à la bonbonne de gaz par les grévistes et des séquestrations de cadres.

Ces modes d’action ont été unanimement condamnés par la presse, le gouvernement et la CGT, tous appelant au « dialogue social » et à la « responsabilité » des syndicats. Pourtant, ce sont bien des militants et militantes syndicaux qui ont organisé l’action localement, malgré l’absence totale de soutien de la direction confédérale CGT. Les New Fabris ont ainsi organisé eux-mêmes une manifestation nationale contre les licenciements le 30 juillet à Châtellerault, qui a réuni des délégations d’entreprises menacées par les licenciements.

À cette occasion, ils ont appelé à la création d’un « collectif contre les patrons voyous et licencieurs » [1], qui permettrait de briser l’isolement des luttes en tissant des liens directement à la base. Face à ces coordinations, la confédération CGT a dû se résigner à organiser une manifestation nationale de la filière automobile le 17 septembre à la Bourse de Paris. Reste à savoir si cette manifestation sera le début d’un recadrage par la bureaucratie confédérale ou l’acte de naissance d’une coordination des salarié-e-s en lutte.

2. Toutes et tous ensemble le 17 octobre

Par ailleurs, plusieurs conflits à venir pourraient acquérir une valeur symbolique. À la Poste, le gouvernement pourrait rencontrer une résistance inattendue contre le projet de privatisation. Les nouvelles grèves de sans-papiers en préparation pourraient poser le problème politique de la régularisation globale avec plus d’insistance car elles sont organisées plus largement, en intersyndicales et avec les associations de sans-papiers.

Enfin, il y a la journée d’action du 7 octobre organisée par l’intersyndicale nationale. Pour ne pas retrouver une énième journée- défouloir, les syndicalistes de lutte devront inscrire cette journée dans la continuité des initiatives précitées et en faire un moment de coordination et de débat sur les stratégies de lutte.

3. Les chômeurs dans la rue le 5 décembre

Il ne faut pas oublier les travailleuses et les travailleurs licenciés sans avoir les moyens de se battre collectivement. C’est en particulier le cas des milliers d’intérimaires de l’automobile ou du bâtiment. Le ministre Darcos estime à 800 000 le nombre de personnes supplémentaires au chômage d’ici décembre. La nécessité d’organiser des initiatives centrales permettant aux chômeurs et travailleuses précaires de se faire entendre et de se coordonner va ainsi se faire plus pressante.
Une première étincelle pourrait venir des traditionnelles manifestations de chômeurs le 5 décembre prochain. Cette année, elles s’orientent vers des marches convergeant en une manifestation nationale, sur le modèle des marches de 1997, et passant par les boîtes faisant face aux licenciements. La mise en place de ces marches va nécessiter toutes les énergies disponibles, pas seulement celles des associations de chômeurs et de chômeuses.

4. Politiser les luttes

Enfin, plusieurs questions doivent être débattues le plus largement possible au cours de l’année à venir. D’abord celle de la résistance au patronat et au gouvernement. Les efforts des équipes syndicales pour mettre en place des actions intersyndicales ou interprofessionnelles en Ille-et-Vilaine et à Valencienne (lire AL d’avril 2009) ont été difficiles faute d’absence de perspective nationale, mais ils n’en sont pas moins pertinents et pourraient être payants à terme.

La question de l’alternative aux licenciements va également se poser. La plupart des travailleuses et des travailleurs en grève n’ont pour l’instant pas assez confiance en l’action collective et demandent des primes de licenciements, actant la fatalité des licenciements. Mais ceux et celles de la SBFM, de Wagon Automotive et de Molex ont changé la donne en obtenant la sauvegarde de l’emploi par la réintégration au sein du groupe Renault ou en envisageant la reprise en main de l’outil de production. Les expériences récentes dans ce sens en Argentine ont montré que la réquisition et l’autogestion des entreprises n’étaient pas une lubie. À nous d’en faire la promotion.

Enfin, les idées anticapitalistes et révolutionnaires rencontrent de plus en plus d’échos actuellement. Mettons en débat notre projet révolutionnaire, le projet communiste libertaire.

Grégoire Mariman (AL Paris Sud)

[1Les buts et la composition potentielle de ce collectif ont été précisés dans la « lettre des New Fabris », disponible par exemple sur www.frontsyndical-classe.org.

 
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