Gaz et huile de schiste : Aubaine capitaliste, massacre écologique




Grâce au gaz et à l’huile de schiste, les industriels et gouvernants peuvent désormais compter sur une alternative au pétrole conventionnel. En revanche, les conséquences environnementales et sanitaires sont totalement catastrophiques et annoncent un véritable désastre écologique.

Le gaz et l’huile de schiste sont respectivement une forme de gaz naturel et de pétrole, mais au lieu d’être contenus dans des poches géologiques comme les hydrocarbures dits conventionnels, ils se trouvent disséminés dans la roche : le schiste. Pour les extraire, on réalise un forage « en L », vertical sur deux ou trois kilomètres puis horizontal, grâce auquel on provoque dans les sous-sols des microséismes par injection d’eau et de sable sous haute pression. Toutes les poches contenant le gaz ou l’huile s’ouvrent alors, laissant remonter les hydrocarbures le long du puits.

Cette technique d’extraction dite de fracturation hydraulique est en pleine expansion depuis peu, rendue rentable par la flambée des prix des hydrocarbures. Le gaz et l’huile étant dispersés dans de grandes surfaces de roche, leur extraction nécessite la construction de centaines, voire de milliers de puits pour un gisement, chaque puits étant fracturé 15 à 20 fois.

Des réserves immenses

La possibilité d’exploiter les hydrocarbures non conventionnels bouleverse la donne énergétique et géopolitique. Les réserves mondiales d’hydrocarbures sont en effet réévaluées de 50 à 400 % si on prend en compte les non-conventionnels, repoussant la date fatidique d’épuisement des ressources extractibles. De plus, les réserves non conventionnelles étant plus équitablement réparties sur la planète que les conventionnelles, elles transforment les relations géopolitiques liées à l’énergie en offrant l’opportunité d’une plus grande indépendance énergétique.

Les États-Unis, avec déjà presque 500 000 puits d’extraction de gaz de schiste, produisent la moitié du gaz naturel qu’ils consomment, et souhaitent en produire les deux tiers en 2030.

La Chine, le Canada, l’Inde, le Brésil et l’Europe sont eux aussi bien dotés en non-conventionnels, ce qui permettrait de libérer le marché mondial de la domination des pays de l’Opep pour le pétrole, et de la Russie, de l’Iran et du Qatar pour le gaz naturel. La France n’est pas en reste, avec d’importants gisements d’huile et de gaz de schiste, qui pourraient couvrir plus d’un siècle de consommation de pétrole selon l’Institut français du pétrole.

De l’eau dans le gaz

Malheureusement, l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels est lourde de conséquences sociales et environnementales. Sociales, car le processus de production prend peu en considération la volonté des résidents des zones concernées. En France, les sous-sols appartenant à l’État, celui-ci peut en faire ce qu’il veut et distribuer des permis d’exploration dans le plus grand silence, comme l’a fait Jean-Louis Borloo en 2010. Et entre exploration et exploitation, il n’y a qu’un tout petit pas, car une fois les premiers investissements réalisés ce serait dommage de ne pas aller jusqu’au bout !

Et s’il y avait des projets d’agriculture bio, de parcs naturels ou d’écotourisme dans la région, il faudra se raviser car l’État préfère sacrifier l’environnement avec une politique énergétique court-termiste. Les communes, départements et régions concernés perdent donc tout contrôle sur leurs activités et la valorisation de leurs territoires. Les conséquences environnementales sont lourdes elles aussi car, comme le montre l’exemple des États-Unis, la technique de fracturation hydraulique est destructrice des écosystèmes. Elle nécessite d’énormes quantités d’eau – 10 à 30 millions de litres pour un puits – à l’heure où les ressources se font rares, concurrençant l’usage domestique ou agricole.

De plus, cette eau est « enrichie » de centaines de produits chimiques – 1 % du volume, soit plusieurs centaines de milliers de litres par puits – et se charge, lors du processus, de nombreux éléments contenus dans le sol.

Des conséquences irréversibles

Au final, les eaux usées résultant de l’opération forment un cocktail hautement toxique, riche en biocides, lubrifiants, détergents, arsenic, plomb, sulfates, carbonates, sels corrosifs, mais aussi radon et radium, qui sont des éléments radioactifs naturellement contenus dans le sol. Seulement 10 à 40% de ces eaux remontent à la surface et sont stockées dans des bassins de décantation ou envoyées vers des stations d’épuration. Mais ces stations ne sont pas équipées pour traiter la radioactivité, et c’est donc une eau avec des taux jusqu’à mille fois supérieurs au taux de radioactivité autorisé dans l’eau potable qui est relâchée dans les rivières ou la mer.

Le reste des eaux usées s’infiltre directement dans les sols jusqu’aux nappes phréatiques, et rejoint donc à terme les canalisations d’eau potable sans n’avoir subie aucun traitement. La consommation de l’eau du robinet devient alors une menace sanitaire.

La pollution de l’air n’est pas en reste. L’évaporation des eaux usées en décantation, les fuites de gaz lors de l’extraction et les rejets des stations de compression du gaz provoquent une saturation de l’air en éléments toxiques à proximité des lieux d’exploitation. Par endroit, le taux de benzène est 50 fois supérieur à la norme autorisée, et celui de sulfure de carbone 107 fois supérieur. De nombreux autres éléments cancérigènes ou neurotoxiques sont aussi relâchés dans l’air.

Les riverains souffrent de maux de tête, de nausées, de diarrhées et autres saignements de nez, et sont souvent obligés de déménager. Au Texas, qui compte 93 000 puits, 25 % des enfants vivants dans les comtés proches des exploitations sont asthmatiques, contre 7 % en moyenne dans l’État.
Les non-conventionnels ne font donc le bonheur que des industriels et des gouvernants, architectes de nos sociétés de consommation et de gaspillage qui polluent et épuisent la planète.

À qui profite le crime ?

Pour les premiers, ils signifient d’énormes profits et la possibilité de spéculer pendant encore de longues années. Pour les seconds, ils permettent de repousser l’échéance inéluctable d’une transformation de la société vers un modèle moins destructeur, transformation qui nécessiterait un courage politique et une indépendance vis-à-vis des lobbies industriels et de l’énergie qu’aucun parti politique n’est en mesure d’assumer aujourd’hui. Si nous les laissons faire, les conséquences sociales, environnementales et sanitaires seront irréversibles. Il est donc urgent de se mobiliser pour contrecarrer de tels projets mortifères.

Aux États-Unis et au Canada, une mobilisation environnementale sans précédent a déjà permis d’obtenir des avancées contre l’extraction de gaz de schiste qui a été interdite dans l’estuaire du Saint-Laurent au Québec et dans l’État américain du New Jersey. L’État de New York, inquiet de l’alimentation en eau potable de ses 20 millions d’habitants, a déclaré un moratoire sur l’extraction jusqu’à la présentation des résultats d’une étude sur les gaz de schiste par l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) en 2012.

Faisons en sorte que la mobilisation française débouche sur une interdiction totale de l’exploitation des gaz et huile de schiste !

Jocelyn (AL Paris Sud)

 
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