Mouvement étudiant : l’UNEF a choisi son camp




La lutte contre la loi Pécresse est à un tournant en ce début de mois. Entre les administrations de facs, les flics et l’Unef qui négocie en parallèle, les étudiants et les étudiantes ont la tête dans l’étau. Le mouvement cherche un nouveau souffle.

La quatrième coordination nationale étudiante réunie le week-end du 24-25 novembre à Lille-I marque une étape dans la massification du mouvement étudiant, avec la présence de 67 délégations (des universités mais aussi des IUT en grève). La coordination nationale a eu lieu dans un climat de tension. D’une part, les étudiantes et étudiants mobilisés se prononcent pour l’abrogation de la loi Pécresse, soutenus par les syndicats étudiants de lutte (SUD-Etudiant, la CNT, la FSE). D’autre part, l’Unef souhaite mettre fin à la contestation qui remet en cause les petits arrangements de cet été entre son dirigeant, Bruno Julliard, et Nicolas Sarkozy.

Dans ce contexte, on saisit mieux « le coup de théâtre » mis en scène par la direction nationale de l’Unef pour justifier son départ de la coordination nationale. Il faut dire que cette dernière a refusé d’accepter les fausses délégations comprenant essentiellement des membres de ce syndicat. Malgré cela, les 222 délégué-e-s ont continué les débats et décidé de poursuivre la mobilisation, mais aussi le soutien aux luttes des salarié-e-s et des sans-papiers. La convergence des luttes est certes plus difficile avec la suspension de la grève dans les transports, mais elle reste d’actualité avec l’hypothèse d’une journée de grève de la Fonction publique début décembre.

Les lycées entrent en scène

La journée de manifestation nationale décentralisée du mardi 27 novembre a été réussie, regroupant plusieurs dizaines de milliers d’étudiantes, d’étudiants et de lycéens. Elle a rassemblé plus de jeunes que les précédentes, avec la présence de plus en plus nombreuse de lycéennes et de lycéens. La manifestation parisienne s’est terminée symboliquement à proximité du ministère de l’Enseignement supérieur pour exiger le retrait de la LRU. Pendant ce temps l’Unef et la Confédération étudiante (Cé, la branche jeune de la CFDT) négociaient sa bonne application avec la ministre, en contrepartie de miettes (une augmentation du montant des bourses et du nombre de logements étudiants, ainsi que du budget).

La lutte est à un tournant décisif à plusieurs égards. Le premier enjeu est l’amplification de la grève, malgré l’escalade répressive des présidences d’université et du gouvernement : évacuations systématiques des occupations de nuit, intervention des CRS contre les piquets de grève à Nanterre, Tolbiac et Rennes-II. La plupart des assemblées générales ont reconduit la grève, avec le soutien de plus en plus réel mais timoré du personnel enseignant et administratif. Toutefois, l’approche des partiels de fin de semestre risque de peser sur la suite.
Le second enjeu est de contrecarrer les négociations qui durent depuis le 22 novembre entre la ministre et les syndicats étudiants dits « représentatifs » pour mettre fin au mouvement. Les porte-parole de la coordination nationale étudiante tentent tant bien que mal à imposer médiatiquement les revendications du mouvement. La tâche est d’autant plus dure que le mouvement a été stigmatisé dès le début, et est peu relayé aujourd’hui par des journalistes pour la plupart partisans de la réforme.

Il est primordial d’amplifier la lutte en la généralisant aux personnels de l’université et aux lycéens. Il est également important de jouer sur la crise interne de l’Unef pour infléchir sa ligne. La dernière coordination nationale étudiante s’est prononcée en ce sens, malgré l’opposition paradoxale des militants de la tendance TUUD de l’Unef (animée essentiellement par des militants des JCR et de la LCR).
L’issue positive de la lutte est aujourd’hui incertaine. Mais, le mouvement actuel n’aurait jamais pris tant d’ampleur sans l’expérience des précédentes luttes de la jeunesse (loi Fillon en 2005, CPE en 2006). Il témoigne aussi de l’émergence d’une nouvelle génération de militantes et de militants anticapitalistes et autogestionnaires.

K. (Paris-XII Créteil)


ÉDUCATION NATIONALE : IL EST TEMPS D’ALLER PLUS LOIN

Ambiance « ras le bol ». Le milieu enseignant a l’impression d’être en première ligne des politiques de la droite depuis des années. Le discours libéral passe de moins en moins. Mais malgré une envie grandissante d’en découdre, il se passe encore peu de choses.

Les suppressions de postes accumulées et annoncées dégradent progressivement les conditions de travail. La précarité grandissante rend les équipes éducatives instables.

Enfin, l’incohérence de la politique économique de Sarkozy et son caractère « de classe » commencent à apparaître. Ils et elles n’ont pas envie de « travailler plus pour gagner plus » alors que leurs tâches se multiplient déjà. Malgré tout, cette conscience est à nuancer : on ressent aussi les effets de la domination idéologique du pouvoir qui contamine y compris les gens dits instruits, par exemple sur les retraites et « l’équité », la sécu et son « trou », la « France en faillite ».

Inquiétudes grandissantes

On sent enfin une inquiétude diffuse sur l’avenir du système éducatif. Les déclarations de Sarkozy et différents rapports annoncent une baisse drastique du nombre d’heures de cours. La perspective d’une gestion managériale de l’école commence aussi à faire réagir, par exemple sur la question des « contrats d’objectifs » : on attribuera les moyens en fonction des « performances » des établissements.

Malgré toutes ces raisons de se battre, des hésitations persistent : même si on ne se fait guère d’illusions sur les journées de temps forts espacés dans le temps, et même si on a envie de se battre pour gagner, la défaite de 2003 reste dure à digérer. La grève du 20 novembre qui a été un succès ne doit pas cacher cette relative frilosité du milieu à passer plus à l’offensive.

Un exemple quelque peu significatif : dans le Maine et Loire, le 20 novembre, l’Assemblé générale départementale pour débattre des suites n’a rassemblé qu’une centaine de personnes, pour l’essentiel des militants et militantes... Même les adhérent-e-s de Sud Éducation, assez combatifs d’ordinaire, y étaient relativement peu présent-e-s alors que l’AG avait été initiée par ce syndicat. Bref, un ras-le-bol réel mais une combativité un peu latente.

Deux éléments semblent essentiels et la responsabilité des organisations syndicales est à ce sujet fondamentale : soit tirer le mouvement vers le bas, en s’entêtant dans une stratégie de temps forts espacés qui vont épuiser le mouvement, soit réimpulser la lutte en mettant très vite à l’ordre du jour la grève reconductible et surtout en la popularisant par un véritable travail de mobilisation syndicale.
L’autre élément clé est la convergence des luttes, pour faire fléchir le gouvernement, en particulier avec la montée en puissance du mouvement étudiant contre la loi Pécresse, et son extension aux lycéens.

Mafalda (AL Angers)

 
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