CPE : Pour les directions syndicales, la parenthèse est enfin refermée




Dans les luttes, l’après est souvent plus éclairant que l’analyse de ce qui se passe pendant. Le constat est valable en ce qui concerne la lutte contre le CPE : l’attitude et les déclarations des organisations syndicales une fois la victoire acquise en disent long sur leurs intentions.

On a beaucoup parlé de crise du CPE, de victoire contre le gouvernement, etc. Les organisations syndicales unies pour une fois - fait rarissime - ont toutes clamé leur satisfaction. Les motivations de cette unité des organisations syndicales au niveau national, sont sans aucun doute variées. La CFDT, notamment, qui s’était « fait rouler dans la farine » par le Premier ministre qui n’avait pas daigné l’associer à l’élaboration de son projet, et après une chute de 2% dans les élections des comités d’entreprise en 2005, ne pouvait pas céder.

Quoi qu’on puisse en penser, cette unité a joué un rôle positif pour le succès de la lutte antiCPE. En même temps, cette unité a mis de côté les approches particulières, les orientations différentes des organisations et a, en quelque sorte, lisser vers le bas les revendications et l’organisation des mobilisations. Cette question de l’unité et de la capacité à poursuivre le débat sur le contenu de la mobilisation, les revendications, les formes de lutte doit nécessairement faire l’objet d’une discussion approfondie dans les organisations syndicales.

Syndicats et mouvement

Il y a eu des approches critiques très différentes sur les responsabilités des directions des organisations syndicales dans le mouvement. Certaines critiques portant sur la responsabilité des organisations syndicales surestiment le niveau réel de mobilisation et sous-estiment les difficultés de mobilisation et surtout de participation à la grève. Il ne s’agit pas de dédouaner la responsabilité des organisations syndicales et notamment sur l’impact indéniablement positif qu’auraient eu des appels fermes à la grève, une volonté de mettre en place de vraies grèves reconductibles et un élargissement des revendications à l’ensemble de la précarité, etc.

Mais, pendant un mouvement, ce qui est décisif, c’est par nature le mouvement. Dans ce cadre, les révolutionnaires qui ne se contentent pas d’interpeller les directions syndicales prennent en compte les réalités du rapport de force et s’adaptent à ce qui permet d’exprimer au mieux le rapport de force tel qu’il est. Dans ce cadre, le retrait du CPE a été obtenu dans une configuration assez inédite : grève et actions radicales de la jeunesse et majoritairement pétitions avec les pieds dans des manifestations associant une masse importante de salariés, de chômeur(se)s et de précaires.

Et après ? Ouf, c’est fini !

Mais, une fois le mouvement sur le CPE terminé, les explications et surtout les décisions prises par les organisations syndicales sont extraordinairement révélatrices de leur ligne y compris pendant le mouvement. Si on peut prendre en compte les difficultés pour impulser la grève, et si donc on peut avoir en tête ces difficultés pendant le mouvement, l’après est très éclairant.

Passons sur les mouvements de menton et les déclarations pour la presse où l’on affirme qu’on va « faire la peau au CNE ». On est là dans la communication qui vise à faire croire que l’on fait quelque chose. Plus la déclaration est tonitruante, moins l’action suit.

À la suite des critiques justifiées sur l’absence d’élargissement, de la mobilisation au contrat nouvelle embauche (CNE) et contre la précarité en général, les déclarations à la presse avaient pour but de faire baisser ces critiques. Dans les faits, rien, vraiment rien n’a été fait.

On assiste ainsi à l’habituelle technique en vogue qui consiste pour chaque organisation à se mettre en scène, à développer la communication en direction des médias, mais rien n’est construit en matière d’action revendicative.

La plupart des organisations syndicales réagissent, comme si la parenthèse « mouvement antiCPE » était terminée. On pourrait même ajouter qu’il y a du soulagement dans la fin de cette parenthèse. On clame que l’on a gagné et on reprend le cours de ses petites affaires, de sa petite routine syndicale. Évidemment le trait peut paraître grossier. On citera ici et là les assemblées générales d’adhérent(e)s, de militant(e)s, quelques cahiers revendicatifs locaux, des débats internes, etc.

Comme si de rien n’était !

Mais au niveau global, la victoire contre le CPE, qui pouvait être un formidable point d’appui pour développer les rapports de force, n’est pas du tout exploitée. On sait qu’il n’y a pas grand-chose à espérer de la CFDT, de la CGC, de la CFTC, etc. Mais les autres ? Aucune stratégie d’action revendicative, aucune conception dynamique de la lutte de classe. Aucune volonté de s’appuyer sur les éléments du rapport de force actuel pour amplifier la conflictualité et gagner sur les revendications. La CFDT et le Medef peuvent même relancer leurs petits pas de deux à la sauce « refondation sociale » en concurrence avec le pouvoir et les parlementaires, sans que cela ne suscite de grandes réactions.

Il ne s’agit pas ici de dire qu’il fallait, après le CPE, appeler à la grève générale. Mais entre la grève générale et rien, il y a tout de même de la marge ! Avec un mouvement dans la jeunesse qui développe des formes d’auto-organisation, c’est le moment de poser la question de l’élaboration collective des revendications, de l’organisation collective pour être efficaces. Le minimum, à savoir des réunions d’adhérent(e)s et de militant(e)s pour faire le bilan, pour essayer de préparer de nouvelles luttes, est rarement mis en place.

Le refus de se servir de la victoire contre le CPE pour construire une lutte prolongée contre les patrons en dit plus que toutes les analyses sur l’attitude des directions syndicales pendant le mouvement lui-même. Cette fois, il n’est pas possible d’invoquer les difficultés de mobilisation. Ce n’est que la responsabilité des organisations elles-mêmes d’en rester au CPE et leur volonté de continuer comme si la parenthèse était enfin refermée.

Thierry Renard (AL Transcom

 
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