Collectivités : Désengagement de l’État, vrai scandale et fausse excuse




Depuis plusieurs années, on voit apparaître, sur le fronton des mairies, d’hôtels de départements, à l’entrée des crèches ou des écoles, des banderoles revendicatives réclamant davantage de moyens. Mais régulièrement, elles ne sont pas faites par les personnels en colère, mais… par leurs employeurs, les collectivités territoriales. Et parfois, derrière le vernis revendicatif des collectivités se cache l’exploitation des personnels et du mépris des usagers.

Les collectivités territoriales ont une série de missions de service public à assurer  : entretien de la voirie, mise en œuvre des plans locaux d’urbanisme, accueil de la petite enfance, entretien des écoles (pour les communes)  ; gestion de l’action sociale, des minima sociaux, entretien des collèges (pour les départements).

Une injustice au service des capitalistes

Pour assurer ces missions, les collectivités ont un certain nombre de ressources, de l’ordre de 200 milliards d’euros. Plus de la moitié de ces ressources provient de la fiscalité locale (sur la population et les entreprises), mais une bonne part provient d’une dotation d’État, la dotation globale de fonctionnement (DGF). Or, cette DGF a été particulièrement impactée par les années Hollande. En 2014, elle s’élevait à 40 milliards d’euros, soit plus d’un quart des revenus des collectivités. En 2017, dernier budget programmé par le gouvernement Hollande, elle était de… 30,86 milliards d’euros. La baisse est donc substantielle  : en quatre ans, les collectivités ont perdu près d’un quart de leurs ressources d’État. On connaît le mécanisme  : dans le même temps, entre 2014 et 2016, l’État faisait cadeau, essentiellement sous forme de crédit d’impôts, de 33 milliards d’euros aux entreprises. Cette baisse du financement par l’État des collectivités territoriales est donc un pur et simple transfert d’argent vers les entreprises. Le gouvernement Macron s’inscrit bien sûr dans cette logique  : un de ses premiers gestes, en août 2017, a été ainsi de ponctionner 300 millions d’euros le budget des collectivités de l’année en cours. Et les perspectives ne sont pas meilleures  : le gouvernement entend ainsi obliger les collectivités à baisser leurs dépenses de 13 milliards d’euros sur cinq ans.

C’est ainsi que de nombreuses collectivités ont mené des campagnes ces dernières années pour dénoncer cette baisse de la dotation d’État. Pour ne prendre qu’un exemple, en décembre 2015, le président PCF du Val-de-Marne remettait à la ministre de la Décentralisation et de la Fonction publique, Marylise Lebranchu, une pétition signée à la fin par 27 000 Val-de-Marnais dans le cadre d’une campagne intitulée «  Finances locales, tous mobilisés  !  ». Et cette dénonciation fait des émules bien au-delà des collectivités «  de gauche  ». C’est ainsi une des rengaines favorites de François Baroin, président de l’Association des maires de France, qui s’indigne à bon compte d’une politique d’austérité au service des capitalistes dont il est un des représentants les plus éminents.

Cet engouement des édiles pour la dénonciation de la baisse des dotations d’État doit nous mettre la puce à l’oreille. Ne s’agirait-il pas d’une manière de se dédouaner facilement de leurs propres responsabilités vis-à-vis des personnels et des usagers ?

Une indignation sélective qui dédouane l’employeur !

Prenons l’exemple de la ville de Montreuil (Seine-Saint-Denis). Cette grande ville de banlieue parisienne, de plus de 100 000 habitants, est dirigée par une majorité municipale composite, sous la houlette du PCF. Le 16 novembre, elle organisait en grande pompe une journée «  sans municipalité  », avec le renfort d’une campagne d’affichage sur les bâtiments publics (dont les écoles), d’un tractage dans les boîtes aux lettres de toute la population et d’encarts dans le journal municipal : «  le jeudi 16 novembre, l’activité de tous les services municipaux de la ville de Montreuil sera suspendue et les équipements publics seront fermés  ». En cause, le fait que «  l’État nous doit 28 millions d’euros  ».

Sauf que, dans le même temps, la colère gronde dans les rangs des personnels municipaux, en particulier les agents de la propreté des bâtiments, maltraités par le patron installé à l’Hôtel de Ville. Ainsi, alors que le maire organisait son grand raout, les syndicats CGT et CNT des communaux de Montreuil lançaient une pétition réclamant que les postes vacants soient pourvus, qu’une équipe de remplaçant.es soit mise en place et que les agents et agentes en CDD ou CDI soient titularisé.es. Les conditions de travail pour les agent.es sont en effet de plus en plus insupportables  : affectation forcée sur d’autres postes que les leurs, déplacement brutal du lieu de travail habituel, restriction de l’accès à la formation. Globalement, le «  mode de travail dégradé  » est devenu la norme. Les conséquences pour les usagers sont évidentes, notamment pour les enfants scolarisés dans les 49 écoles de la villes, particulièrement touchées par les non-remplacements.

Passé l’hiver, la mobilisation des personnels a passé un cran. Depuis le 26 mars dernier, 150 agent.es du service municipal de la Propreté des bâtiments sont en lutte, même si la mobilisation a faibli au retour des vacances de printemps. La mairie, prompte à dénoncer le désengagement de l’État, a traité l’ensemble des revendications avec dédain. Après avoir refusé de recevoir à plusieurs reprises les syndicats, elle a fait quelques concessions apparentes, largement diffusées aux usagères et usagers par courrier  : remplacement de 12 agentes en congé maternité, 15 recrutements via une association d’insertion. On est toujours loin des 40 recrutements demandés par l’intersyndicale  ! Précisons, à ce stade que les revendications des syndicats n’ont rien de maximalistes  : les 40 recrutements demandés représenteraient, au plus, 128 000 euros de salaires… c’est-à-dire 0,1 % de la masse salariale de la Ville  !

Moralité  : la municipalité de Montreuil est un patron comme les autres, et c’est vrai pour toutes les collectivités.

Ce n’est pas parce qu’elle a, à sa tête, des partis de gauche, qu’elle agit différemment. Quelle que soit la majorité au pouvoir, on constate que derrière les bonnes intentions affichées se cache la triste réalité de la gestion dans un cadre capitaliste. On peut défendre verbalement le service public au niveau national, et le dégrader concrètement au niveau local. Du côté d’AL Montreuil, on a dénoncé ce double discours par le biais d’une participation aux initiatives des personnels et de la diffusion, auprès des personnels municipaux, d’un tract. Le fait de ne pas nous présenter aux élections municipales nous donne une liberté de ton et une clarté dans l’analyse et le soutien aux personnels, ce qui n’est pas le cas de la quasi-totalité des autres organisations de gauche et d’extrême-gauche sur la ville. AL est du côté des personnels, pas des fauteuils d’élu.es  !

Jules (AL Montreuil)

 
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