Immigration : La fausse bonne idée des corridors




Le gouvernement multiplie les annonces et les mesures inefficaces pour «  lutter  » contre l’immigration. Les dernières mesures visent à établir des hotspots et des corridors humanitaires tout en diminuant les moyens des organisations humanitaires.

Dans son discours du 27 juillet, Macron promet une meilleure prise en charge des réfugié.es, et déclare : «  D’ici la fin de l’année, je ne veux plus personne dans les rues, dans les bois.  » Si son souhait se voit un jour réalisé, ce ne sera sûrement pas grâce aux mesures annoncées. Sur le terrain, la violence policière continue  : gazage à Calais et ailleurs, refoulement quotidien à la frontière, etc.

Les corridors humanitaires, centres d’examen de l’Ofpra

D’après Macron, il y a les bons et les mauvais migrants  : les réfugié.es et les migrantes et migrants dits «  économiques  ». L’objectif de son gouvernement est de ne voir que les premiers, en faisant le tri avant leur arrivée sur le territoire français, au sein de centres situés en Afrique : en Libye, au Niger et au Tchad notamment. Des missions de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) auront pour mission d’examiner les demandes d’asile afin d’aider ceux qui seront considérés comme légitimes.

Seul.es celles et ceux dont la demande d’asile aura été validée pourront prendre l’avion pour Paris  ; c’est mieux qu’une embarcation de fortune sur la Méditerranée, mais les places seront très limitées. Un tel corridor humanitaire a été mis en place en Éthiopie par l’Italie, afin d’offrir des conditions d’immigration plus humaines pour 500 réfugié.es en deux ans [1]. Au vu du petit nombre de places, le business des passeurs ne risque pas de prendre fin de sitôt.

Cette solution, développée dans les bureaux de l’Élysée, ne fait pas l’unanimité au sein des pays africains concernés, qui craignent de voir arriver plus de réfugié.es sur leur territoire. Ils demandent des engagements financiers en faveur d’une solution à la crise libyenne, à la stabilisation du Mali et au développement de pays comme le Niger ou le Tchad. La chancelière allemande, Angela Merkel, semble ouverte à une telle solution, mais Macron ne veut pas entendre parler d’aide financière. Pour lui le problème de l’Afrique est plutôt «  civilisationnel  » [2].

Créer des «  centres de tri humain  » dans un pays comme la Libye, qui n’a signé aucun traité international de protection des droits humains, c’est condamner les personnes migrantes à des traitements abusifs et violents [3]. Les négociations, menées actuellement en Libye par la France et l’Italie avec les factions en place, visent à refaire de la Libye un auxiliaire des politiques de contrôle migratoires de l’Union européenne, aux dépens des droits humains les plus élémentaires, comme c’était le cas lorsque le colonel Kadhafi était au pouvoir, et comme cela se fait avec la Turquie [4]. La fermeture des frontières, de l’Union euro­péenne va donc se poursuivre, avec une augmentation conséquente du budget de l’agence européenne Frontex, qui a triplé en trois ans, pour un total de 300 millions d’euros en 2017 [5].

Traitement accéléré des demandes d’asiles

Le gouvernement a promis de réduire de quatorze à six mois la procédure d’examen du droit d’asile. L’objectif est de faire le tri au plus vite entre celles et ceux qui pourront bénéficier de la «  protection  » de la France et celles et ceux qui seront reconduits à la frontière le plus rapidement possible. En 2016, 85 000 personnes ont déposé des demandes d’asile, et leur nombre devrait augmenter de 15 % cette année [6].

De quelle façon est-il prévu de prendre en charge tous ces dossiers de demande d’asile pour qu’une réponse soit donnée dans les six mois  ? Des moyens encore inconnus seront aloués à l’Ofpra [7]. On peut imaginer aussi l’augmentation des examens de dossiers bâclés, des procédures pour accélérer et déshumaniser le traitement des demandes, ainsi que le reclassement de certains pays comme sûrs, comme cela a été fait récemment pour l’Albanie.

Quant à la création des places d’hébergement promises, elle est bien insuffisante pour les besoins réels, et arrive bien trop tard face à l’urgence. «  Actuellement, la capacité de la France pour accueillir les demandeurs d’asile est comprise entre 70 000 et 80 000 places. Le gouvernement veut créer 4 000 places supplémentaires en 2018 et 3 500 en 2019. Mais si on fait le calcul on n’atteint pas les 110 000 demandeurs d’asile que compte la France actuellement. Et donc la promesse de ne plus voir aucun migrant dans la rue d’ici la fin de l’année est tout simplement, selon les spécialistes, intenable  » [8].

Le projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, examiné le 12 septembre par l’Assemblée nationale, entérine et aggrave les principales mesures de l’état d’urgence, restreignant nos libertés de façon permanente. Les contrôles dits «  frontières  » seront possibles sur p resque tout le territoire français et sans justification nécessaire. Voilà une jolie façon de couvrir juridiquement les contrôle au faciès, ainsi facilités, puisqu’alors les agents de police pourront effectuer un contrôle d’identité au simple motif que les personnes leur semblent étrangères. Cela afin de pouvoir multiplier les reconduites à la frontière [9].

Places d’hébergement insuffisantes

Macron a déclaré son mépris pour les initiatives d’aide aux migrants menées sur le terrain par des associations et des individus, qu’il juge irresponsables [10]. Or elles n’auraient pas besoin d’exister si le gouvernement prenait ses responsabilités et agissait humainement plutôt qu’à l’encontre du droit international en matière de migration.

Lydie (AL Lyon)


Les demandeurs d’asile en Europe

En 2016, l’Union européenne a accordé le statut de réfugié à un peu plus de 700 000 personnes, contre 330 000 en 2015. L’Allemagne est à nouveau en tête avec 445 000 demandes approuvées, soit trois fois plus qu’en 2015 et deux tiers de l’ensemble de l’UE. La Suède en a accordé un peu moins de 70 000, l’Italie 35 000 et la France 35 000. Dans l’ensemble de l’UE, plus de 500 000 demandes d’asile ont donc été refusées, ou bien sont encore en cours de traitement. À la fin de l’année 2016, plus de 1 million de personnes avaient introduit (en 2016 ou bien les années précédentes) une demande d’asile qui était en cours d’examen par l’autorité nationale compétente.

La Syrie reste, depuis 2013, le principal pays d’origine des primo-demandeurs d’asile en Europe, avec 28 % des demandes. Conséquence directe de la guerre civile dans le pays, les Syriens sont chaque année plus de 300 000 à demander la protection de l’Union européenne (334 820 en 2016). Les Afghans étaient plus de 180 000 en 2016, et les Irakiens près de 130 000. Ces trois nationalités représentent un peu plus de la moitié de l’ensemble des primo-demandeurs d’asile au sein de l’Union européenne.

[3« Les réfugiés pris en étau en Libye », 20 juin 2017, blog Mediapart de la Cimade.

[4« La guerre aux migrants continue : harcèlement des ONG en Méditerranée », Communiqué Migreurop, 13 août 2017.

[6AFP, juillet 2017

[7Le Monde, 27 juillet 2017.

[8Arnaud Compte, journaliste reporter France Télévisions

 
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