Logement : Squattons chez la Marquise !
La crise du logement, c’est tout le temps. Mais c’est surtout en hiver que fleurissent les réquisitions, comme celle du squat La Marquise, à Paris 4e. Avec la chute de la construction immobilière depuis un an et l’immobilisme du gouvernement, les réquisitions sont appelées à se multiplier.
Pénurie de logement sociaux ? Des années de queue pour y accéder ? Tant pis, on squatte ! Depuis début novembre, une quinzaine de personnes appartenant au collectif Jeudi Noir occupent le lieu de naissance de la marquise de Sévigné [1]. Évidemment, c’est luxueux : un magnifique immeuble du XVIIe siècle dans le IVe arrondissement de Paris, place des Vosges, 3 000 mètres carrés, dont deux tiers habitables, avec escalier de marbre, cheminée gigantesque et terrasse de 80 mètres carrés. Les salles haut de plafond sont toutefois difficiles à chauffer, et l’agencement des lieux ne se prête guère à l’intimité des occupants. L’immeuble est inoccupé depuis 1965 (!), mais régulièrement rénové. Sa propriétaire, riche héritière aujourd’hui désargentée, Mme Cottin, a porté plainte pour « violation de domicile ». Les occupants ont réussi à dépasser le délai de 48 heures dans les lieux, obligeant la propriétaire à engager une procédure judiciaire avant de les expulser. Elle réclame 115 000 euros aux 12 personnes assignés.
Médiatiquement, Jeudi Noir s’en sort bien. En une semaine le squat a déjà fait l’objet d’un reportage sur TF1 et d’un article dans Le Monde et dans Libération, dans l’idée d’alerter l’opinion publique. Les élus verts de Paris, l’adjointe au maire du IVe arrondissement, et beaucoup de voisins ont apporté leur soutien. Les occupants du squat, rebaptisé la Marquise, ne sont ici que des étudiantes, étudiants et travailleurs précaires.
Parallèlement d’autres ouvertures ne bénéficient pas du même retentissement et du même soutien. La même semaine, à trois pâtés de maisons, un squat à été expulsé par les gardes mobiles le premier jour de son installation. L’adjointe au maire – appelée à la rescousse – était cette fois injoignable. Est-ce parce qu’à la différence des occupants de la Marquise, il y avait ici des punks et des « autonomes » ?
Ces ouvertures de logements se font au début de la trêve hivernale sur les expulsions, bien que celle-ci ne s’applique légalement pas aux squats. Le propriétaire peut en effet en demander expressément la suppression au juge, qui est le dernier à trancher. Selon la Fondation Abbé Pierre, il y a eu en 2008 11 294 expulsions par les forces publiques. Cela représente une augmentation de plus de 150 % en dix ans. Toujours selon la fondation, 1,8 million de ménages en France auraient des difficultés à payer leur loyer.
La situation se tend
Après la fumisterie du « droit au logement opposable » en 2007, Christine Boutin avait annoncé, à la fin de la dernière trêve hivernale, « qu’il n’y aura plus personne à la rue en conséquence d’une expulsion ». Comment ? Grâce à des commissions de « prévention des expulsions » dans chaque département chargées de remédier aux situations délicates. Pipeau total, comme chaque fois. Les chiffres ne seront disponibles qu’en 2010, mais ils devraient révéler une nouvelle hausse des expulsions en 2009.
Cela fait plusieurs années qu’on dit que la crise du logement est insoluble s’il n’y a pas construction massive de logements sociaux. Ceux-ci représentent la partie congrue dans la construction immobilière. Or les mises en chantier ont, du fait de la crise économique, reculé de 21% sur l’année écoulée. L’année 2009 va être la pire depuis onze ans en terme de construction d’habitations. C’est bien la preuve, une fois de plus, que la loi du marché est incapable de répondre aux besoins fondamentaux de la population. La solution ce serait la socialisation de l’immobilier, et un large service public du logement. Pour l’instant, vu le contexte, la tension sur le front du logement va s’accroître. Les réquisitions (qu’elles soient le fait du DAL, de Droits devant !!, de Jeudi Noir ou autres collectifs auto-organisés) vont, espérons-le, se multiplier.
Jason (Nanterre)