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Secret des affaires : l’État au service du Capital




Entre la liberté d’informer le peuple et la protection des intérêts de quelques milliardaires, l’État et la justice ont choisi leur camps…

2018 : Une loi controversée

En juin 2018, la proposition de loi relative à la protection du secret des affaires, déposée par le groupe LREM pour transposer dans le droit français la Directive européenne sur le secret des affaires, était adoptée au Sénat.
À l’époque, nombreuses ont été les mises en garde contre l’adoption de cette loi. Était en particulier mis en cause le droit d’informer, des journalistes bien sûr, mais aussi des représentants syndicaux et des lanceurs d’alerte.

Quelques mois avant seulement, une tribune révélait d’ailleurs que cette directive européenne avait été « élaborée par les lobbys des multinationales et des banques d’affaires » et que sa définition de « secret d’affaires » était « si vaste que n’importe quelle information interne à une entreprise peut désormais être classée dans cette catégorie » [1].

2022 : L’affaire Altice

Ces prédictions se sont malheureusement, mais évidemment, révélées exactes : ce jeudi 6 octobre 2022, le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre a donné raison au groupe Altice, propriété du milliardaire Patrick Drahi, contre le site d’information Reflets.info.

Depuis quelques semaines, Reflets publiait régulièrement des articles révélant et détaillant les montages financiers, les dépenses colossales, et l’outrance des optimisations fiscales systématique du groupe Altice.

Depuis le 6 octobre 2022, Reflets n’a donc tout simplement plus le droit de « publier de nouvelles informations », si on s’en tient à la rédaction de la décision [2]

Chose étonnante (ou pas), les articles existants ne sont pas censurés par la décision de justice, qui concerne uniquement les articles à venir.
La justice reconnaît donc d’un côté que ce qui a déjà été publié peut le rester, c’est à dire que ça ne viole a priori pas le secret des affaires, mais, de l’autre côté, interdit au nom de celui-ci la publication de toutes nouvelles informations au cas où, sans pouvoir savoir a priori si ces nouvelles informations violeraient ou non le secret des affaires !

Nous avons besoin des médias indépendants

Reflets fait parti de ces médias qui sont régulièrement présents sur le portail des médias indés édité par Basta !.
C’est par exemple à Reflets que l’on devait d’être informées [3], déjà quelques années avant les révélations d’Edward Snowden en 2013, de la mise en œuvre de la surveillance de masse sur Internet à l’échelle de pays entiers, et en particulier du fait que c’est la France qui vendait à Kadhafi les outils pour mettre en œuvre cette surveillance en Libye, par exemple…

Une chose est sûre : si la décision du tribunal de commerce de Nanterre se voit confirmée en appel (Reflets a annoncé faire appel « Pour nous-mêmes, mais aussi pour toute la profession. » [4]) elle laissera derrière elle une jurisprudence gravissime.
Les milliardaires ont déjà le contrôle des médias grand-public, qu’ils possèdent, nous n’avons pas besoin qu’ils puissent aussi aisément bâillonner les médias indépendants.

La commission Librisme de l’Union communiste libertaire, le 12 octobre 2022.

[1Voir la tribune Secret des affaires : “Le droit à l’information est en danger” paru dans Télérama le 21 mars 2018.

[2Voir La justice interdit à Reflets de publier des informations sur Altice paru le 6 octobre 2022 sur Reflets.info.

[3Voir Deep Packet Inspection : retour sur la rencontre avec le PDG de Qosmos, paru le 26 février 2011 sur Reflets.info.

[4Voir l’appel « Patrick Drahi ne nous fera pas taire ! » du Fond pour la presse libre.

 
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