Vague de grèves au Royaume-Uni… Et si on suivait l’exemple ?




Le Royaume-Uni connaît un fort regain des luttes, avec entre autres d’importantes vagues de grèves comme il n’en avait pas connu depuis décennies. Rail, poste, métro, ports ou entrepôts Amazon… Quelques soient les secteurs, l’augmentation des salaires est la revendication première. Rien d’étonnant avec une inflation autour des 10 %. L’entrée en action de plus en plus massive de notre classe au Royaume-Uni mérite tout notre intérêt… et nous montre la voie !

Comme sur le reste du globe, les travailleurs et travailleuses du Royaume-Uni subissent de plein fouet l’augmentation des prix. Avec une inflation à plus de 10 % en juillet - qui pourrait atteindre 13 % en octobre selon la Banque d’Angleterre ! - et des salaires qui stagnent depuis 2008, des millions de britanniques sont jeté.es dans la misère et ne peuvent, ou ne pourrons, plus payer entre autre leur facture d’énergie.

Car à la différence de la France où le « bouclier tarifaire » du gouvernement tente de limiter un tant soit peu les dégâts de la flambée des prix et les risques d’explosions sociales qui vont avec, le gouvernement britannique a décidé de ne pas intervenir pour limiter l’évolution des prix du gaz et de l’électricité, qui suivent donc ceux des marchés. À compter du premier octobre, ils augmenteront ainsi de 80 % au Royaume Uni !

Cette situation tragique n’empêche évidemment pas la bourgeoisie britannique de s’en mettre plein les poches. Le Royaume-Uni devrait d’ailleurs en 2022 être le pays d’Europe qui bat le record de dividendes versés à ses actionnaires. Juste devant la France et ses 68 milliards d’euros de dividendes !

La pandémie du Covid, la guerre en Ukraine et la rareté de plus en plus pressante des matières premières au niveau mondial qui ont provoqué de manière combinée la crise d’approvisionnement et l’inflation actuelle s’accompagnent des habituels profiteurs de crise : trusts de l’énergie, marchands de canons et autres traders...

Au Royaume-Uni comme ici, la crise, ce n’est pas pour tout le monde. C’est de notre rôle, révolutionnaires et anticapitalistes, de démontrer que la misère n’est pas une fatalité mais une conséquence du capitalisme, dont il est urgent de se débarrasser !

La classe ouvrière britannique relève la tête

En réaction, et ce malgré un large arsenal judiciaire anti-grève, peu à peu mis en place par les conservateurs depuis les années 70, les travailleurs et travailleuses britanniques retrouvent le chemin des luttes avec une conflictualité sociale comme on en avait pas vu depuis 40 ans au Royaume-Uni.

Comme sur le reste du globe, les travailleurs et travailleuses du Royaume-Uni subissent de plein fouet l’augmentation des prix. En réaction, ils et elles retrouvent le chemin des luttes avec une conflictualité sociale comme on en avait pas vu depuis 40 ans au Royaume-Uni.
DR Sharon Graham

Les premières grèves sont apparues ponctuellement au printemps, avec une revendication partagée : l’augmentation des salaires, pour au moins suivre l’inflation. Mais c’est cet été que les grèves ont réellement pris de l’ampleur.

La première lutte significative a été lancée nationalement durant trois jours fin juin, par les travailleurs et travailleuses du ferroviaire, autour des syndicats de RMT, ASLEF, TSSA, rejoints à Londres par celles et ceux du bus et du métro (notamment de London United, filiale du groupe français RATP). Elle a rassemblé 50 000 grévistes.

Environ 2000 dockers du port de Felixtowe, organisé.e.s au sein du syndicat Unite, ont également pris le relais durant 9 jours fin août. C’est la première grève depuis l’époque Thatcher des travailleurs de ce port, le plus grand du Royaume-Uni.

Cette grève, dont les conséquences économiques pour la bourgeoisie se font déjà sentir, fait suite à des bénéfices conséquents de l’entreprise totalement redistribués aux actionnaires, pendant que les travailleurs, dont un grand nombre touchent le salaire minimum alors qu’ils exercent un métier à risque, se voient refuser des augmentations décentes.

Dans la même vague, 115 000 postier.e.s ont suivi le mouvement le vendredi 26 août et 40 000 employé.e.s de l’opérateur téléphonique BT font leur première grève depuis l’époque Thatcher, il y a 35 ans. Il en va de même pour les éboueurs et les avocats pénalistes… Avec une donnée importante : le secteur privé largement représenté dans ces grèves.

Bien sûr, les libéraux et leurs médias déploient, comme toujours, leurs moyens pour désigner les syndicalistes comme les responsables de l’instabilité du pays. Cela ne suffira sûrement pas à briser l’élan. Mais les organisations syndicales auront-elles les moyens et la volonté de construire une convergence à partir des grèves existantes vers un mouvement d’ampleur ?

C’est ce qu’affiche du moins le Trade Union Congress (TUC), organisation fédératrice des syndicats britanniques, qui au travers de ses syndicats (notamment les deux plus gros du pays, Unite et Unison) réunit 7 millions de travailleurs. D’ici à son congrès de septembre, il prévoit une "vague d’actions revendicatives", visant une convergence entre les secteurs.

Mais si le rôle des organisations est fondamental, il n’en reste pas moins que ce sont les travailleurs et travailleuses britanniques qui ont la possibilité de paralyser entièrement le pays si ils et elles le souhaitent.

Lutter dans les entreprises, mais aussi dans les quartiers

Si la grève dans les entreprises est centrale, elle n’est pas le seul moyen d’action qui mérite actuellement notre attention au Royaume-Uni. Fin août, 130 000 personnes était signataires de la pétition « Don’t pay », littéralement Ne payez pas.

L’objectif ? Lancer une campagne rassemblant habitantes et habitants pour s’organiser et refuser, collectivement, à partir du 1er octobre, de payer les entreprises énergétiques tant que les prix ne redescendront pas à un niveau abordable et décent.

À priori sans étiquette politique ni attachement syndical, ce mouvement s’est rapidement étendu sur les réseaux sociaux.

À compter du premier octobre, les prix du gaz et de l’électricité augmenteront de 80 % au Royaume Uni ! Fin août, 130 000 personnes était signataires de la pétition « Don’t pay ». L’objectif ? Refuser, collectivement à partir du 1er octobre, de payer les entreprises énergétiques tant que les prix ne redescendront pas à un niveau abordable et décent.

En parallèle, un deuxième mouvement, Enough is Enough, est quant à lui le fruit d’une collaboration entre des collectifs militants, des syndicats et le Parti Travailliste. Il vise à organiser les habitant.e.s en collectifs de voisin.e.s pour notamment mettre en place des piquets de soutien aux grévistes et mener des actions contre ceux qui profitent de la crise pour s’enrichir sur le dos des plus précaires.

Les britanniques nous montrent la voie

En France aussi, la flambée des prix pousse chaque jour de nouvelles personnes dans des situations tragiques. En bien des points, la situation sociale est explosive et il faut nous y préparer.
En France aussi nous connaissons depuis quelques mois de nombreuses grèves éparses pour les salaires, dans le privé comme dans le public, même si elles n’ont pas l’envergure des grèves outre-manche.

Ces grèves méritent d’être soutenues, étendues et popularisées. Car c’est bien à partir de luttes fortes, ancrées dans les entreprises et secteurs, que nous pourrons ensuite tenter leur coordination et convergence pour élever le rapport de forces, garantir leur extension et leurs victoires. La journée de grève interpro du 29 septembre peut servir d’appui et il faut la construire sans attendre.

En France aussi, la situation sociale est explosive et il faut nous y préparer. La journée de grève interpro du 29 septembre doit servir d’appui et il faut la construire sans attendre.

Ce qui est sûr, c’est que comme au Royaume-Uni, notre classe doit relever la tête et rendre les coups. Face à l’urgence écologique, à la misère et à la guerre que porte le système capitaliste partout sur la planète, nous n’avons d’autre choix que de chercher la rupture avec lui.

Se battre pour nos salaires et nos conditions de vie est une première étape pour prendre conscience de notre force et construire une alternative à ce système mortifère.

Union communiste libertaire, le 20 Septembre 2022

 
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