Antinucléaire : Bure sous tension




Le week-end des 5 et 6 se tenait le rassemblement des 200 000 pas à Bure (après les 100 000 pas en juin 2015), dans le sillage duquel s’est monté tout un moment de débats et convergences : Bure Anticapitaliste. Retour sur ces journées.

Le succès du week-end des 200 000 pas qui a rassemblé un millier de personnes à Bure les 5 et 6 juin tient sûrement à la pression mise sur la région depuis un an. Le projet d’enfouissement de déchets nucléaires de l’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs), Cigéo, remonte à 1994 [1]. Depuis septembre 2015 l’agence a accéléré son implantation et ses travaux, tant géologiques que pour la desserte du site (élargissement de route) ou encore de creusement (galeries et descenderie). Encore plus récemment, une zone forestière prévue pour abriter les puits de ventilation (le bois Lejuc, sur la commune de Mandres-en-Barrois) a été grillagée et partiellement défrichée. La forêt sur cette zone est en passe d’être rasée, et ce en toute illégalité puisqu’un recours juridique des habitants et habitantes est en cours contre cet accaparement (il s’agit d’une forêt échangée contre un autre terrain ; les travaux furent votés lors d’un conseil municipal tenu à 6 h du matin, dans le dos des élu-e-s opposés). L’ensemble des composantes de la lutte est donc très mobilisé ces derniers mois. Des chantiers participatifs, des recours juridiques et des manifestations ont émaillé l’année 2016. On assiste à une belle convergence entre associations et collectifs d’habitants et opposants, front paysan, etc., rassemblés pour dire non à l’Andra.

Nombreuses similitudes avec Notre-Dame-des-Landes

La lutte semble si bien organisée qu’elle s’amplifie, montrant de nombreuses similitudes avec ­Notre-Dame-des-Landes, et même de nombreux contacts et soutiens mutuels concrets. Là aussi on trouve un large spectre de fronts et de mode d’action. En dehors du réseau Sortir du nucléaire, la plupart des collectifs historiques sont rassemblés dans la coordination Bure Stop ! : collectifs antinucléaires, Meuse nature environnement et Mirabel Lorraine environnement, plusieurs associations d’habitants et habitantes ou d’élu-e-s (tel le Cedra, Collectif contre l’enfouissement des déchets radioactifs, qui par exemple refuse l’enfouissement mais est moins radical sur la question de la gestion des déchets nucléaires), mais aussi Bure zone libre (BZL), le collectif logé à la Maison de la résistance, qui depuis 2004 est une base solide d’information et d’auto-organisation. Pour compléter cette coordination, depuis quelques années, le mouvement autonome a rejoint la résistance pour se baser à la gare de Luméville, sur un terrain privé et prêté par des opposants et opposantes, mais que l’Andra veut récupérer pour faire transiter les chargements vers le site.

Un Printemps des luttes paysannes

Enfin, l’importance du front paysan est cruciale puisque c’est à elles et eux que l’Andra rachète (ou extorque) les terrains agricoles. Ils étaient peu jusqu’aux dernières années à avoir réagi au projet Cigéo, tandis que d’autres ne savaient pas trop à quoi s’en tenir ou redoutaient de s’opposer. Mais certains se sont aussi installés en connaissance de cause et, pour les autres, les opposants et opposantes font en sorte d’aller vers eux, de les informer à diverses occasions. Par ailleurs, en avril 2016, Bure a abrité un Printemps des luttes paysannes, qui a consisté en un « semis radieux » de patates pour « coller des patates à l’Andra », et un autre d’orge et d’avoine (1 hectare) «  pour enraciner la résistance à l’accaparement de plus de 3 000 hectares de terres par l’Andra ». Un détail remarquable cependant, la présence d’un tracteur des Jeunes agriculteurs, ce syndicat agricole proche de la FNSEA, mais avec une banderole correcte. La lutte de Bure a aussi ses soutiens politiques actifs dont le NPA tendance Claire de Commercy [2]
.

C’est sur le terrain privé d’une sexagénaire que se sont réunies ces rencontres de la mouvance anticapitaliste, antiautoritaire et internationaliste, dans le petit village de Naix-aux-Forge.

Le premier jour, les débats étaient consacrés au projet de société puis à la question de la stratégie de lutte. C’est surtout l’expérience du Rojava qui a imprégné les débats, partant ­d’une analyse de la révolution démocratique, traitant de l’émancipation progressive des femmes depuis les années 1980, pour en arriver à l’expérience du municipalisme, et à la question de son application dans des pays au cœur du capitalisme tels que la France. La soirée s’est terminée autour d’un repas, occasion de se rencontrer et consolider nos liens, de la projection de Kurdistan : la guerre des filles, puis d’un concert des chorales révolutionnaires de Nancy, très mobilisées.

Le deuxième jour a vu les environs occupés par trois randonnées collectives destinées à faire connaître les installations de l’Andra (des chantiers plutôt que le « laboratoire » tant vanté). Les habitants et habitantes de la gare de Luméville tournaient quant à eux une vidéo satirique de zombies, témoin du caractère hétéroclite du combat. Les randonnées ont convergé vers le point de rassemblement dans un champ à Bure, gros d’un millier de personnes. Délicieux repas des cantines, crêpes, ateliers pour enfants, stands d’information, vélos à énergie renouvelable, fanfares, le rassemblement avait toute la convivialité des fêtes de village, permettant de vraiment mêler le public local et le public militant. En effet se côtoyaient des familles de la région, des militantes et militants de tout l’Est, de Paris ou Nantes, et même des antinucléaires allemands et luxembourgeois. Les prises de paroles des organisatrices et organisateurs se sont tenues devant huit tracteurs, pour se terminer dans un concert de casseroles. Vu l’ampleur du rassemblement, on peut déplorer le peu de relais médiatiques. Ce rendez-vous a enfin permis de monter des actions en urgence pour contrecarrer les travaux de l’Andra dans la forêt de Mandres-en-Barrois : le 9 juin, les militantes et militants ont empêché le démarrage des travaux en bloquant l’accès à la plateforme logistique (voir photo) au moyen de barricades, tranchées, sabotage de la remorque d’un grumier, conférence gesticulée sur le nucléaire devant des dizaines de vigiles et de garde mobiles. Un appel à soutien le 19 juin avait également tourné.

Les groupes AL de l’Est (51, 54, 57)

[1Lire AL n° 253 de septembre 2015,
« Meuse : Une poubelle nucléaire en chantier »

[2Pour en savoir plus sur les collectifs : http://burezonelibre.noblogs.org ; http://vmc.camp.

 
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