Ecologie

L’approvisionnement d’une ferme-usine saboté




En mars, un collectif d’associations luttant pour l’agriculture paysanne et contre les procédés polluants de l’agro-industrie a immobilisé et déchargé par surprise un train de marchandise. Qualifiée d’« écoterroriste » dans la presse, leur action a fait débat jusqu’au sein du mouvement écologiste.

En Bretagne, le blocage d’un train de transport de blé nous rappelle que les moyens de défense des ouvriers et des écologistes contre ce qui détruit le vivant et les écosystèmes se ressemblent, du déchargement au « désarmement ». Le jeudi 19 mars, un train de marchandises s’est vu bloquer le passage près de Pontivy en Bretagne. Immobilisé par un mur de parpaings construit en catimini, le train a ensuite été déchargé : une cinquantaine de militantes et militants ont ouvert les vannes des 22 wagons citernes, déversant 1 500 tonnes de blé destiné à des élevages industriels. Le train est resté immobilisé trois jours sur la voie, le temps de déblayer.

Le collectif Bretagne contre les fermes-usines, qui rassemble des membres d’associations engagées dans la lutte pour l’agriculture paysanne, avait déjà appelé à mettre fin à la pollution induite par l’élevage intensif breton et publié un kit pour lutter contre les fermes usines (volaille, porc, mais aussi pisciculture hors sol), de manière on ne peut plus légale. Mais voilà, face au pouvoir du lobbying agro-industriel et aux décisions anti-écologiques des préfets, rien ne garantit à tous les coups une victoire comme celle contre l’installation d’un poulailler géant de 120000 poules à Langoëlan, remportée au tribunal administratif au nez et à la barbe d’un préfet s’étant assis sur l’indigence des études d’impact.Face à l’étendue de la pollution bretonne due à l’ammoniac et l’urgence d’accélérer la transition vers une agriculture territorialisée, le rapport de force est difficile à inverser.

Le sabotage a fait couler de l’encre dans les journaux : cris d’orfraie d’un État habitué à s’asseoir sur ses engagements et détourner ses propres lois de protection de l’environnement  ; jérémiades démagogues de la très peu légaliste FNSEA et du lobby céréalier Intercéréales. Ce dernier pleure six millions de baguettes virtuelles, que le blé ­n’était pourtant pas destiné à réaliser, mais regrette surtout deux millions d’euros de manque à gagner.

Frapper au portefeuille

Les promesses de procès pleuvent, alors que le collectif, attaqué pour la dégradation et qualifié d’« écoterroriste », multiplie les communiqués pour expliquer et contextualiser son action non violente. Au sein du mouvement écologiste lui-même, depuis les citoyennistes jusque dans les rangs étrangement muets d’Extinction Rébellion, le procédé fait débat. Il n’est pourtant ni brutal ni inédit.

En 1979, face à la casse de leur outil de travail et « pour vivre et travailler au pays », les sidérurgistes de Longwy bloquèrent et déchargèrent le charbon en provenance de l’Allemagne voisine. Une action pour faire sortir la lutte de l’entreprise, en direction de la population, à côté d’autres bien plus radicales de mise à sac et de séquestration. Une action pour questionner directement le processus de production, dans la lignée du sabotage prôné par le syndicaliste révolutionnaire Pouget pour « viser le patronat à la caisse », opposant cette réaction de résistance au sabotage bien réel capitaliste des « marchands d’engrais […] qui s’attaque à la vie humaine, ruine la santé, peuple les hôpitaux et les cimetières. »

Jo (UCL Vosges) et Pauline (UCL Brest)

 
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