écologie

La révolte écologiste, école de l’anticapitalisme




Le 25 mars, 4 500 manifestantes et manifestants se sont rassemblées à Nantes dans le cadre d’une manif climat festive et radicale. C’est un succès, comparé à des villes comme Paris ou Rennes qui n’ont réuni respectivement que 1 600 et 400 personnes. Un militant du collectif nantais de Youth For Climate (YFC) à l’origine de cette marche, dresse pour Alternative libertaire les contours et perspectives d’une telle réussite.

Youth For Climate (YFC) est un mouvement citoyen qui s’est construit partout en France et en Belgique, en réponse à l’appel de grève étudiante et lycéenne pour le climat Fridays For Future de Greta Thunberg en 2019 qui visait à rassembler les jeunes du monde entier.

Depuis, YFC s’est développé et structuré. Des lycéennes et des lycéens, des étudiantes et des étudiants, quelques personnes déscolarisées, mais aussi quelques rares travailleuses et travailleurs, forment aujourd’hui une organisation indépendante, auto-organisée en groupes locaux coordonnés au sein d’une fédération nationale.

La Charte de Grenoble co-construite nationalement définit les valeurs et objectifs auxquels les groupes locaux adhèrent. Anticapitalisme, autogestion, horizontalité, accessibilité, inclusivité, décroissance et autoformation. On se base sur les sciences, on diversifie les tactiques. Sur cette base commune, chaque groupe s’adapte aux spécificités des luttes locales.

Pour nous, il n’y a plus aucun doute possible sur le fait que nous nous dirigeons vers une catastrophe mondiale bientôt inévitable. Le capitalisme confisque le pouvoir pour l’intérêt d’une bourgeoisie hors de contrôle qui détruit la planète dont elle dépend tout autant que nous en faisant la seule chose qu’elle sait faire : exploiter les ressources et les peuples.

Les jeunes n’en sont pas responsables, pourtant nous serons les plus touchées : quand le pire du désastre sera là, les exploiteurs d’hier et d’aujourd’hui seront déjà morts.

Cependant, à YFC nous ne nous estimons pas impuissantes et impuissants, et pensons qu’il reste de l’espoir dans le collectif. Nous voulons briser ce sentiment de solitude et d’impuissance que nous subissons actuellement.

Consolider la stratégie et entretenir les réseaux

Le succès du 25 mars à Nantes s’explique par deux principales raisons. D’abord, le milieu militant et associatif nantais foisonnant, où les rencontres inter-collectifs sont fréquentes. Pour s’organiser et former des liens, YFC Nantes s’organisait dans les locaux de la Maison du Peuple (MDP), squat autogéré au cœur de la ville dont le préfet a ordonné l’expulsion en juillet 2021.

C’est durant des temps informels que le gros de la stratégie s’est concrétisé et que YFC a gagné sa place au sein du milieu militant nantais. Depuis la fermeture de la MDP, YFC Nantes poursuit ces temps informels pour consolider la stratégie et entretenir les réseaux.

Au delà des rencontres physiques, le gros du mouvement se joue en ligne, sur un serveur Discord, forum apprécié par notre génération. Créé à la base pour contourner une limitation, celle de l’impossibilité pour nous de se retrouver régulièrement, l’usage du numérique est devenu une force.

Hors des rencontres formelles, le mouvement vit partout, tout le temps, au-delà des contraintes de temps libre de chacune et chacun. Quand des réunions physiques sont organisées, c’est donc aussi avant tout pour se retrouver.

L’éco-anxiété nous atteint de plein fouet, on a besoin de ça. C’est aussi grâce aux réseaux que l’on a réussi à toucher un aussi large public peu politisé. Pour chaque lycée, chaque fac de Nantes, un forum sur Instagram dédié a été lancé, des personnes concernées ont pris l’initiative de les diffuser chacun à leur manière, et le bouche à oreille a fait le reste.

Réseaux sociaux et réseaux d’amis, car la première étape pour ne plus se sentir seule c’est de ne plus l’être. La seconde raison du succès du groupe local de Nantes découle de la première : il a réussi à construire une stratégie solide basée sur la radicalité et la convergence des luttes.

Cette stratégie part du constat que les ravages écologiques ne sont qu’une des conséquences d’une même cause, l’exploitation des personnes et des ressources par une classe dominante. Il faut donc mener ensemble luttes environnementales et luttes sociales : l’écologie sans lutte des classes, c’est du jardinage.

Cette convergence se fait au travers des messages défendus et diffusés, autant durant les manifs que sur les réseaux sociaux, notre premier outil de diffusion, mais aussi au travers de collaborations avec d’autres collectifs de la région nantaise et des syndicats.

La marche pour le climat du 25 mars à Nantes a été une réussite en matière de sensibilisation, avec une couverture médiatique pendant plusieurs semaines dans les médias locaux.
DR Oli Mouazan

Ces collaborations ont été au cœur de la marche du 25 mars. Devant chacun des lieux symbolisant les luttes que YFC Nantes défend, des actions de soutien ont été organisées en partenariat avec les collectifs concernés.

Les syndicats Solidaires Étudiant.es et CGT ont apporté leur soutien matériel. Une très grande partie des collectifs de lutte autour de Nantes ont cosigné le communiqué de la marche, notamment l’UCL.

un flux régulier de nouveaux arrivants

Cette marche a donc été une réussite pour la sensibilisation qu’elle a induite, avec une couverture médiatique pendant plusieurs semaines dans les médias locaux. Les comptes sur les réseaux sociaux, suivis par près de 7 000 personnes, ont relayé, expliqué, sourcé chacun des messages portés.

Mais l’autre réussite de cette marche est moins apparente, elle est interne. Elle a été une grande expérience pour nous. YFC est la porte d’entrée vers le militantisme pour beaucoup de jeunes militantes et militants qui se politisent sur le tard.

C’est un milieu propice à l’expérimentation, l’apprentissage, à la déconstruction des inconscients capitalistes. Beaucoup de militants qui passent par YFC poursuivent ensuite dans d’autres collectifs, et c’est au cœur de notre stratégie.

Le serveur Discord accueille un kiosque qui permet aux membres de s’échanger des livres, des sources. Des débats réguliers ont lieu en ligne et en réunion, et permettent à la fois d’affiner la stratégie et de sensibiliser.

Avec un flux régulier de nouveaux arrivants et de départs des étudiants, YFC a une structure organique. Cette autoformation continue est plus qu’une stratégie, c’est un besoin vital pour sa survie. La suite se raconte donc avec les nouvelles et nouveaux, qui après avoir participé à cette grande marche ont décidé de sauter le pas.

Les prochaines campagnes ont déjà été décidées jusque fin juillet – les manifs ne sont pour YFC qu’un outil, pour diffuser son message auprès de son public les réseaux et les actions coup de poings sont privilégiées. La prochaine sera sur les ravages de l’industrie agroalimentaire et débutera fin avril.

Nico (YFC Nantes)

 
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