Histoire

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Banlieue de Newcastle, au nord-est de l’Angleterre, en 1984. Sur une terre – leur terre – où s’érigent monstres d’acier, cheminées industrielles crachotantes et entassements moroses de pavillons ouvriers, les mineurs en grève s’organisent, se préparent, s’encouragent.

Galvanisés, ils attendent avec fébrilité l’affrontement avec les forces de l’ordre qui protègent les cars de « jaunes » venus à la rescousse des profits du patronat.

Margaret Thatcher, à la tête du gouvernement depuis cinq ans, a décidé de passer à la vitesse supérieure dans son offensive conservatrice et libérale contre les travailleurs. Et quel meilleur symbole que de s’attaquer au fleuron de la classe ouvrière, à son bastion le plus combatif ?

Ainsi le National Coal Board vient de décider la fermeture de plusieurs mines pourtant rentables. Malgré leur mobilisation et le formidable et émouvant élan de solidarité autour des mineurs, que restitue avec brio l’auteur, le gouvernement ne cède pas. Le mouvement faiblit, est cassé sous les coups d’une brutale répression policière, épaulée par la complaisance des médias qui accablent les grévistes. Les portes des mines ferment définitivement, laissant au fond du trou des milliers de travailleurs et leurs familles.

C’est sur cette rupture, sur cette séquence historique que Martin Waytes fonde son roman, aussi noir, âpre et rugueux qu’un morceau de charbon brut. Par un mouvement de balancier narratif entre cette période tristement fondatrice et le début des années 2000, l’auteur nous donne à voir les conséquences sociales, humaines, et même urbaines, qu’ont entraînées l’ouragan libéral thatchérien et les trahisons électorales successives.

Relégation et dégradation de quartiers entiers, explosion des problèmes sanitaires et sociaux, chômage, alcoolisme, toxicomanie, terreau propice au développement du trafic de drogue et des violences. Et dans ce sombre glissement, cette douloureuse chute sans possibilité de prise, chacun fantasme sa propre responsabilité, prend sa part de misère et cherche une échappatoire. Mais la voie est sans issue, la rédemption impossible.

Dans un style percutant et vif, sans fioritures, Né sous les coups dresse de manière saisissante le visage de toute une ville, de toute une classe en perdition, scarifiée par les ravages du capitalisme. Personne n’en sort indemne. Pas même le lecteur. Mais plus motivé que jamais à s’opposer à un système mortifère.

Julien (AL Strasbourg)

Martyn Waites, Né sous les coups, Rivages, 2015, 477 pages, 22 euros.

 
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