Lire : Rouillan, « De mémoire (1) »




Jann-Marc Rouillan, emprisonné depuis 1987 pour sa participation au groupe armé Action directe publie le premier volet de ses souvenirs. En revenant sur son parcours de jeune enragé c’est tout un pan du militantisme post-1968 qu’il nous transmet. Avec une bande de joyeux potes et camarades, Jann-Marc est partie prenante de nombreux coups fumants qui émaillent la scène politique toulousaine en cette année 1970 : bastons mémorables avec les flics ou les fachos, bombages, manifs qui partent en vrille, manches de pioches, cocktails Molotov… auxquels se mêlent amours furtifs, séances de ciné chaotiques, trip sous LSD et déambulations nocturnes qui font se sentir libre.

Mais c’est surtout la révolte contre l’ordre établi qui transparaît au fil des pages. Quand l’État français recycle d’anciens collabos, que ses légionnaires traquent des rebelles au Tchad et au Cameroun, que des ouvriers africains meurent dans l’incendie d’un foyer à Aubervilliers, l’insoumission s’impose comme une évidence et la lutte devient le quotidien. C’est sous le nom de Groupe autonome libertaire que Rouillan et ses amis vont sévir, parfois en collaboration avec les maos de la Gauche prolétarienne et toujours en se heurtant aux “gauchistes officiels” et aux “états-majors protestataires”, à leur prudence et leur soif de respectabilité.

De l’autre côté des Pyrénées, la dictature tient l’Espagne d’une main de fer avec la bénédiction des “démocraties européennes” et Toulouse, “capitale de l’Espagne républicaine”, manifeste contre la répression franquiste. Nourris des récits des anciens combattants de la guerre d’Espagne et des guérilleros qui ont agit dans l’Espagne franquiste dans les années 1945-1960, Jann-Marc et sa bande “ vivent et s’arment Burgos ! [1]. En association avec ETA, vient alors le temps des premières missions clandestines en Espagne et la participation aux activités du Mouvement ibérique de libération (MIL), groupe armé révolutionnaire formé en janvier 1971 et issu des luttes ouvrières de Barcelone [2].

A suivre…

Clément (AL Paris-sud)

  • Jann-Marc Rouillan, De mémoire (1). Les jours du début : un autonome 1970 à Toulouse, Agone, collection Mémoires sociales, Marseille, 2007, 203 p., 14 euros.

[11. Le 3 décembre 1970 s’ouvre à Burgos (Castille) le procès de 16 militant-e-s de l’organisation indépendantiste basque ETA. Six d’entre eux seront condamné-e-s à la peine capitale et les neuf autres à un total de 724 années de prison.

[22. Pour une histoire du MIL, fondé sur des témoignages d’anciens militants, dont celui de Jann-Marc Rouillan, lire : Jean-Claude Duhourcq et Antoine Madrigal, Mouvement ibérique de libération, mémoires de rebelles, Editions CRAS, Toulouse, 2007, 22 euros.

 
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