Italie : Syndicalisme : La base reprend le dessus




Face à la « rigueur », les mouvements sociaux se développent. Signe de la dureté de l’époque, la grève du 6 septembre a été un succès, mais aussi l’occasion d’une convergence entre les principaux syndicats alternatifs, les syndicats dits « de base ».

Comme dans tous les pays européens, la classe ouvrière italienne est confrontée depuis quelques années à une offensive très forte du patronat et des gouvernements à sa solde, qui entendent lui faire payer la crise du système capitaliste.

Les scandaleuses frasques et déclarations de Berlusconi sont sans doute une particularité locale (encore que…), mais pour le reste, les procédés sont les mêmes qu’ailleurs : éclatement du salariat, attaques contre les droits syndicaux et le droit de grève, compromission des centrales syndicales membres de la Confédération européenne des syndicats, dénonciation de la population immigrée utilisée comme bouc-émissaire, plans de rigueur à répétition.

Plusieurs référendums ont été l’occasion d’une forte mobilisation populaire, avec la création de collectifs de base qui ont permis de mener les débats et de gagner sur des sujets comme l’eau, considérée comme un bien commun, l’arrêt du nucléaire, la non-impunité pour Berlusconi.

Des luttes syndicales sont également menées dans les entreprises. Mais globalement, le syndicalisme demeure frileux en termes de réponse aux attaques patronales. Les syndicats dits « de base » [1] ont la fâcheuse habitude de proclamer des « grèves générales » qui se limitent souvent à des appels identitaires, sans effet de masse. De leur côté, les confédérations historiques (CGIL, UIL et CISL) ont fait le choix de la collaboration de classe depuis bien longtemps. Certes, il existe dans la CGIL des secteurs combatifs comme la fédération de la métallurgie (Fiom) qui est un peu l’« opposition officielle », et des sections d’entreprise qui n’ont pas renoncé au syndicalisme de lutte ; des camarades de la Fédération des communistes anarchistes (FDCA) y sont organisés en courant.

Mais deux évènements importants ont marqué la grève du 6 septembre. Primo, il y a eu un appel à la grève, le même jour, de la CGIL d’une part, de syndicats de base d’autre part. Secundo, il y a eu constitution d’un pôle unitaire par plusieurs syndicats de base.

[*La direction CGIL obligée de coller à sa base*]

La CGIL fait état de 60 % de participation à la grève. Les syndicats de base mettent en avant le nombre de manifestantes et manifestants : 20 000 à Rome, 10 000 à Milan, 10 000 à Bologne, 5 000 à Naples, 5 000 à Florence, 2 000 à Turin… Les manifestations étaient séparées, CGIL d’une part, syndicats de base d’autre part.

Le mouvement s’oppose au nouveau plan de rigueur du gouvernement italien, et aussi à certaines mesures concernant la législation sociale qui permettront désormais qu’un accord d’entreprise exonère les patrons d’appliquer les mesures du Code du travail pour les licenciements. Cette disposition est en lien direct avec un accord signé en juillet entre le patronat et les confédérations CGIL, CISL et UIL.

Les confédérations CGIL, UIL et CISL ont l’habitude, depuis des années, de signer des accords avec le patronat qui sont autant de reculs sociaux. Le plus récent date du 28 juin dernier, et chamboule totalement le rapport qui existait entre Code du travail, conventions collectives nationales, et accords d’entreprise. Cet accord national interprofessionnel revenait à légitimer l’accord qu’avait imposé le patronat de Fiat quelques mois auparavant dans l’usine historique de Turin : par un référendum organisé par la direction et suite à de très fortes pressions (chantage à la délocalisation) une courte majorité de salarié-e-s avaient ratifié l’accord signé par la plupart des syndicats (mais pas par la Fiom-CGIL) prévoyant une baisse des salaires, une flexibilité renforcée, etc. L’accord prévoyait aussi que les organisations syndicales non signataires étaient dès lors considérées comme « non représentatives » !

La direction confédérale de la CGIL est donc pleinement mouillée avec le patronat, mais la composition de sa base l’oblige à adopter de temps en temps des postures différentes de l’UIL et de la CISL. C’est ce qui explique son appel à une journée de grève, le 6 septembre.

L’autre appel était lancé par plusieurs syndicats de base : USB, Slai-Cobas, Orsa, Unicobas, Snater, Sicobas, USI. Cette unité montre à quel point la situation sociale est durement ressentie, et reflète une certaine maturité dans ces organisations. Les deux choses sont sans doute (malheureusement ?) liées !

[*Unité des syndicats « de base »*]

La plus importante de ces organisations syndicales « de base » est l’Union Sindicale di Base (USB), née en 2010 de la fusion de SDL, RDB, et de secteurs de la CUB (SDL était déjà le fruit de la fusion, quelques années avant, de SULT, Sincobas et SALC). L’USB a adhéré à la Fédération syndicale mondiale, considérant qu’il y avait là une possibilité de construire une alternative syndicale à la CES en Europe. Dans le même temps, l’USB développe un syndicalisme en lien avec les mouvements sociaux (mal-logement, chômage, collectifs pour l’eau publique, immigration, etc.).

Quelques syndicats de base n’ont pas rejoint la convergence. C’est notamment le cas de deux d’entre eux. La Confederazione unitaria di base (CUB) et la Confederazione dei comitati di base (Cobas) considérait que ce mouvement dédouanait la CGIL de ses responsabilités. Toutefois, des secteurs de la CUB appelaient à la grève et aux manifestations.

Nos camarades de la FDCA ont publiquement soutenu la grève du 6 septembre ; tout en mettant l’accent sur la responsabilité de la CGIL dans la régression sociale, ils ont choisi le camp de celles et ceux qui étaient en lutte le 6 septembre, considérant que c’est à partir de là que peut se construire le prolongement social nécessaire…

C. Mouldi (AL Transcom)

[1Concernant les syndicats italiens, il est courant d’évoquer « les Cobas ». En fait, si cet acronyme de Comitati di Base désigne une organisation syndicale précise, il figure aussi dans le nom de plusieurs autres, et est en quelque sorte tombé dans le langage commun au sens de « syndicats alternatifs, de base »...

 
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