Ecologie

JO 2024 : Paris obtient la médaille d’or du saccage dans le 93




En Seine-Saint-Denis, alors que les travaux pour les Jeux olympiques 2024 progressent, plusieurs collectifs militent contre l’invasion de leur territoire, les expulsions de squats, la destruction des lieux de biodiversité et la gentrification sécuritaire et raciste du 93.

L’atmosphère est pesante dans une période où d’un côté l’extrême droite gagne du terrain et de l’autre, la température moyenne terrestre grimpe sans arrêt. Cependant, nous nous préparons à la « Fascisation Olympique » qui se déroulera en 2024 à Paris.

Au nom de l’ordre olympique, les pouvoirs publics saccagent plusieurs poumons verts de Seine-Saint-Denis (93) pour mettre en œuvre le modèle d’une ville colonisée par une religion  : le sport. Nous disons religion car les Jeux olympiques modernes défendus par le Comité international olympique (CIO), depuis la mise en scène de l’esthétique nazie durant les jeux de Berlin de 1936 jusqu’à nos jours, ont toujours été pensés ainsi. Dans un discours radiodiffusé en 1935, Pierre de Coubertin (fondateur du CIO) affirmait que l’olympisme moderne était une religion et que l’athlète exalte sa patrie, sa race et son drapeau.

Après la Seconde guerre mondiale, la fameuse cérémonie du passage du flambeau a véhiculé les idéaux politiques et moraux du mythe de Prométhée. Pourtant, Hegel avait déjà montré qu’il n’y avait ni morale ni idéal chez Prométhée, qui n’a enseigné aux hommes que la ruse et la maîtrise de la nature. Bien avant la vision élitiste Coubertinienne du sport, dans La Cité Antique (1864), l’historien Fustel de Coulanges insistait sur l’importance du symbolisme du feu sacré dans les religions indo-européenne  [1].

Saccage 2024 : Des JO pas très écolos

Idéaux sportifs dévoyés

Aujourd’hui, ce symbole du feu sacré devient une arme de contrôle massif que nous sous-estimons  : le numérique. Par le déploiement massif de caméras de surveillance et l’utilisation prédictive des données urbaines pour modéliser les futurs JO, il permet d’en assurer un contrôle total.

Le greenwashing (olympique) continue, dans le 93 comme partout dans le monde, en prétendant que sa stratégie est libérale et écologique alors qu’elle est liberticide et écocide, renforcé par l’apparition de nouvelles stratégies de contrôle et de surveillance numérique  [2]. Alors qu’il faudrait favoriser les technologies simples et peu consommatrices, on impose aucune limite sérieuse à l’accumulation de nouvelles technologies : drones, reconnaissance faciale, vidéo-surveillance algorithmique, etc. L’omniprésence du spectacle olympique via les nouvelles technologies a pour but la domination des consciences des individus. Cette domination laissera le champ libre à la répression des migrants et des musulmans sur le territoire du 93, les premières victimes du greenwashing sécuritaire étant toujours les personnes racisées.

Ainsi, sur les chantiers olympiques, les entreprises ont recours au travail dissimulé de sans-papiers, forme d’esclavage moderne pouvant aller jusqu’à la mort. Récemment, un énième scandale a révélé l’exploitation de dizaines de sans-papiers par une multitude de sous-traitants aux relents mafieux  [3].

L’année de l’olympisme à l’école

Pour les scolaires, « l’année de l’olympisme, de l’école à l’université » est bien ancrée dans les esprits des jeunes. Le programme est changé afin de faire « découvrir » les disciplines modernes des JO. Les contenus pédagogiques dédiés comme les outils du Comité national olympique et sportif Français (CNOSF) et du CIO ont pour but une sportivisation radicale de la jeunesse dans le cadre d’un plan national de promotion des valeurs olympiques  [4].

Quelques asso ou collectifs engagés dans la lutte contre les JO 2024

L’idéologie olympique a déjà commencé à recruter des jeunes jusqu’à 2024. Une main d’œuvre qui va servir à promouvoir les nouveaux quartiers accélérant la gentrification par les Jeux. La rénovation de plusieurs équipements sportifs, la construction de nouveaux logements et de nouvelles lignes de transport constituent la majeure partie des chantiers qui saccagent le 93. Aucun doute sur le fait que le saccage, ainsi que les impacts potentiels sur notre environnement, puissent être grave. Le collectif saccage 2024 utilise ce terme car il s’agit bien d’une vaste opération de mutilation profonde du 93 populaire, permise par les JO en ignorant l’histoire et les valeurs de ce territoire. Les projets imposés se situent dans la logique d’avant la crise sanitaire, celle qui conduit à la privatisation de tout, à une catastrophe climatique et sociale irrémédiable  [5].

La plupart des syndicats se sont alignés sur le point de vue de l’idéologie olympique. Il est à regretter que seuls Solidaires et la CNT aient refusé de signer la charte olympique. Grâce aux collectifs du 93, nous avons eu plusieurs victoires à célébrer contre les JO. La première, c’est la lutte du collectif des Jardins d’Aubervilliers concernant la piscine d’entraînement. Plus récemment, la victoire des collectifs Notre Parc n’est pas à vendre (NPPNAV) et du Mouvement national de lutte pour l’environnement en Seine-Saint-Denis (MNE93) contre la construction d’un boulodrome prévue au Parc Georges-Valbon (seule réserve Natura 2000 d’IDF). Et enfin, la mobilisation massive en Espagne contre la candidature de la Catalogne aux Jeux d’hiver 2030. Ces victoires montrent que la lutte paye !

Mais la liste des luttes encore à mener est longue  : l’échangeur autoroutier du quartier Pleyel, le village olympique à l’Île-Saint-Denis, la ZAC Plaine Saulnier et le centre aquatique olympique, le campus hospitalo-universitaire Grand-Paris-Nord à Saint-Ouen, le Grand Paris express et ses gares  [6]. La Seine-Saint-Denis devient un territoire olympique mais les luttes continuent sans relâche malgré les expulsions massives des squats occupés par les plus précaires  : sans-papiers, artistes, étudiants et étudiantes...

Pour l’heure, la lutte est loin d’être gagnée. Les chances sont minces qu’une grève se produise en août 2024 pendant les Jeux. Mais rêvons d’une étincelle qui embrase le mouvement social  ! Mobilisons-nous massivement contre les JO écocides et leurs dérives racistes et sécuritaires. Et « ce ne sera que le début  ! » comme disent nos camarades kurdes.

Muhsin (UCL Paris nord-est)

[1« Fukushima, les nazis et les JO de Tokyo 2020 », Satoshi Ukai, lundi.am, 3 janvier 2019.

[2« Plainte collective contre la technopolice », laquadrature.net, 24 mai 2022.

[3« Fraudes à la pelle sur les chantiers des JO », L’Humanité, 4 juillet 2022.

[42024, les Jeux olympiques n’ont pas eu lieu, Marc Pérélman, Éditions du Détour, 2021.

[5« C’est quoi les Jeux olympiques et pourquoi on est contre », Collectif Saccage 2024, en ligne sur saccage2024.noblogs.org.

[6« Jeux olympiques 2024, accélérateur de saccage », Youth For Climate, 2021.

 
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