Pornographie : Cadrages féministes pour un cinéma X




L’industrie du porno change, dans ses moyens de productions, dans ses moyens de diffusion. Pourtant la pornographie féminine en reste à ses balbutiements.

Dans les années 1980 aux États-Unis, émerge un nouveau courant féministe dit «  pro-sexe  ». Issues du milieu queer, ces féministes vont combattre la théorie essentialiste selon laquelle sexe et genre sont clairement définis. Pour elles, la pornographie devient un outil politique permettant la libération sexuelle des femmes. Transgressive, elle permettrait de balayer les valeurs morales de la société traditionnelle et de mettre en avant les minorités sexuelles peu représentées.

En face, s’opposent des féministes radicales (menées entre autres par Andrea Dworkin) qui voient dans la pornographie un instrument d’expression du patriarcat favorisant les actes sexuels violents par la création de fantasmes dégradant pour les femmes.

Car il est incontestable que la place des femmes dans la très grande majorité des films X est problématique. La femme, bien qu’au centre de l’action, n’existe que pour le plaisir phallique, asservie aux désirs de l’homme. La focalisation sur certaines parties de son corps (seins, fesses...) ne fait qu’accentuer sa réification, la mettant dans le domaine du consommable, toujours consentante même si elle dit «  non  ».

Un cinéma asservi aux grandes productions capitalistes

Malgré tout, selon de récents sondages près de la moitié des femmes se disent prêtes à visionner des films pour adultes et plus d’un tiers en visionnent régulièrement. Ainsi il deviendrait nécessaire de développer une pornographie féminine, alternative, revalorisant le corps des femmes et leurs plaisirs, et prenant en compte les minorités sexuelles. L’idée serait de faire un cinéma fait par les femmes pour les femmes afin de se débarrasser des positionnements éculés comme le fait que la femme a moins de désirs que l’homme ou qu’elle ne peut avoir de plaisir que dans une réciprocité des sentiments. Surtout pas de scénarios à l’eau de rose, obligatoirement hétérosexuels  : il ne s’agit pas de dénoncer les clichés véhiculés par le X masculin pour en recréer d’autres mais bien de se positionner au plus près des désirs actuels féminins. La pornographie permet de mettre en lumière l’existence d’une multitude de désirs, de sexualités, qui pouvaient être jusque-là méprisés comme ceux des trans, des lesbiennes, etc.

Pourtant aujourd’hui le mot «  pornographie  » dérange toujours, une femme aimant le sexe est trop souvent qualifiée de salope, les réalisatrices de films X féministes comme Ovidie ne sont qu’une centaine. Le paysage du X contemporain reste asservi aux grandes productions capitalistes et véhicule majoritairement la vision d’une femme soumise à l’homme. Espérons pourtant qu’un jour ce type de cinéma féministe devienne la norme, que le public ne soit plus exclusivement féminin mais qu’un universalisme soit atteint, dans un respect total des sexes.

Justine (AL Alsace)

  • Source  : David Courbet, Féminismes et pornographie, Édition La Musardine, 2012.
 
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